24 octobre 2008
Présence du commissaire du Gouvernement au délibéré et droit au procès équitable : happy end ? Note sous CE, 25 mai 2007, Courty
Par Pierre-Olivier CAILLE :: Contentieux administratif
Le texte ci-dessous est celui d'une note d'arrêt proposée en avril 2008 à plusieurs revues qui l'ont refusée au motif que l'arrêt était trop ancien. Je remercie donc le blog Droit administratif d'accepter de publier aujourd'hui ce bref commentaire.
Le dispositif issu du décret du 1er août 2006 permettant au commissaire du Gouvernement d’assister, sans y prendre part, au délibéré des formations de jugement du Conseil d’État ne méconnaît pas le droit à un procès équitable. Mieux, il garantit le respect des exigences qui en découlent en permettant au justiciable de s’opposer à la présence du commissaire au délibéré. Par l’arrêt Courty du 25 mai 2007 (AJDA, 2007, p. 1424, concl. R. Keller), le Conseil d’État vient donc de décerner un « brevet de conventionnalité » à un dispositif issu d’un décret qui, non seulement, a été adopté en Conseil d’État, mais encore maintient une solution traditionnelle, la présence du commissaire au délibéré – que cette présence soit rigoureusement passive ou non étant ici indifférent, seul important le caractère traditionnel de la solution retenue. Que le Conseil d’État annule au contentieux ce qu’il a promu de manière doctrinale comme dans ses formations administratives aurait constitué une authentique surprise. Le satisfecit accordé à ce dispositif ne mérite pas moins de retenir l’attention.
M. Courty demandait l’annulation, pour excès de pouvoir, du premier alinéa du nouvel article R.733-3 – inséré dans le code de justice administrative par le décret du 1er août 2006 – aux termes duquel : « Sauf demande contraire d’une partie, le commissaire du Gouvernement assiste au délibéré. Il n’y prend pas part ». On hésite à rappeler que l’introduction de ce dispositif fait suite à l’arrêt Martinie rendu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme le 12 avril 2006 qui a jugé, sans aucune ambiguïté, que la seule présence, même passive et silencieuse, du commissaire au délibéré du Conseil d’État est contraire à l’article 6, § 1 de la Convention EDH et donc au droit à un procès équitable (Cour EDH, 12 avril 2006, Martinie, § 55 : AJDA, 2006, p. 986, note F. Rolin ; JCP A, 2006, 1131, note J. Andriantsimbazovina ; RFDA, 2006, p. 577, note L. Sermet ; Petites affiches, 21 juin 2006, p. 12, note L. Benoiton et 24 août 2006, p. 3, note V. Boré Eveno). L’interprétation faite de l’arrêt Kress par les autorités françaises avait rendu cette précision nécessaire. En effet, le dispositif de l’arrêt Kress n’ayant visé que la participation du commissaire au délibéré, plusieurs membres du Conseil d’État, relayés par le gouvernement français, ont soutenu que la simple assistance du commissaire au délibéré n’avait pas été condamnée par la Cour et, partant, qu’elle n’était pas contraire au droit à un procès équitable. Cette distinction de l’assistance et de la participation au délibéré avait ensuite été introduite dans le code de justice administrative par le décret du 19 décembre 2005 (décret n° 2005-1586 : JCP A, 2006, 1082, com. P.-O. Caille ; RFDA, 2006, p. 286, com. F. Sudre). Abandonnée pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel par le décret du 1er août 2006, elle a été maintenue pour le seul Conseil d’État par l’article R. 733-3 du code de justice administrative dont la Haute juridiction administrative affirme ici la compatibilité avec le droit à un procès équitable.
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