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15 10 2025

Du congé de longue durée pour les fonctionnaires atteints de maladies neurodégénératives, dont la sclérose en plaques

Une application littérale de l’article L. 822-12 du Code général de la fonction publique (CGFP) a été rendue dans une affaire jugée par la Cour administrative d’appel de Versailles du 22 novembre 2024, (n°24VE01495), en vertu de laquelle le fonctionnaire en activité a seulement droit à un congé de longue durée (CLD) pour des affections limitativement énumérées[1], dont la maladie mentale, point nodal de cette jurisprudence et de notre étude. Il a ainsi été jugé que la requérante ne souffrait d’aucune maladie mentale lui permettant de bénéficier d’un congé de longue durée, à savoir ici des troubles anxiodépressifs et une dégénérescence fronto-temporale. Le juge de l’appel a ainsi estimé que les troubles neurodégénératifs ne constituent pas une maladie mentale permettant l’octroi d’un tel congé, seul le CLM était possible.

Dans cette affaire, le juge a estimé que si le certificat médical établi par le médecin généraliste indiquait que la requérante souffrait de troubles anxiodépressifs, « il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B. souffre de troubles anxiodépressifs chroniques caractérisant une maladie mentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 822-12 du code général de la fonction publique »[2]. De plus, si la requérante a connu une dégradation de ses capacités cognitives et que les examens réalisés par des médecins spécialistes ont conclu que l’intéressée souffrait d’une dégénérescence fronto-temporale, ayant conduit le juge des tutelles à habiliter ses sœurs à la représenter pour l’ensemble des actes de disposition de son patrimoine, il ressort pour autant qu’« une telle maladie, qui se traduit par la démence du sujet en conséquence des lésions cérébrales dont il est atteint et non uniquement par des troubles psychiques, constitue une maladie neurodégénérative et non une maladie mentale au sens des dispositions de l’article L. 822-12 du code général de la fonction publique. En conséquence, elle n’ouvre pas droit au congé de longue durée »[3].

Cette jurisprudence mérite notre attention dans la mesure où, s’agissant des troubles cognitifs, le handicap a une place malheureusement prépondérante, raison pour laquelle des questions écrites au gouvernement ont fait l’objet de ce sujet par les parlementaires, que ce soit pour la maladie d’Alzheimer[4], la sclérose en plaques[5] ou encore la maladie de Charcot[6]. Des questions restées malheureusement sans réponse.

Mais que recouvre alors le congé de longue durée à la différence du congé longue maladie ? Et ne pourrait-on pas prêcher en faveur d’une extension du CLD aux maladies neurodégénératives dans l’idée d’éviter que les agents publics en situation de handicap (atteints par ces pathologies), notamment ceux atteints par une sclérose en plaques pour la présente étude, se retrouvent – trop – rapidement dans une situation de précarité (v. infra).

Des congés pour maladie accordés aux agents publics sous réserve de remplir les conditions

En premier lieu, les fonctionnaires peuvent bénéficier de congés de longue maladie (CLM), « dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée »[7]. Pour en bénéficier, trois conditions cumulatives seront nécessaires : 1) la maladie doit mettre l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions ; 2) elle doit rendre nécessaire un traitement et des soins prolongés ; 3) et elle doit présenter un caractère invalidant et de gravité confirmée.

D’une durée de trois ans maximum, un maintien de l’intégralité du traitement est assuré pendant un an, suivi d’un abattement de moitié pendant les deux années consécutives[8], avec une conservation des droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence[9] pendant toute la durée du CLM, à l’exclusion des indemnités attachées à l’exercice des fonctions ou qui ont le caractère de remboursement de frais[10]. En outre, l’agent ayant obtenu un congé de longue maladie de trois ans ne peut en bénéficier à nouveau qu’à la seule condition d’avoir repris ses fonctions pendant au moins un an.

Si l’agent perçoit la nouvelle bonification indiciaire, celle-ci est versée dans les mêmes proportions que le traitement indiciaire, tant que le fonctionnaire n’est pas remplacé dans ses fonctions. A savoir qu’elle est versée intégralement pendant un an, puis réduite de moitié les deux années suivantes en cas de non-remplacement. Il ressort en effet que la nouvelle bonification indiciaire est allouée sous la forme d’une indemnité non soumise à retenue pour pension civile, et constitue de ce fait, au regard de son objet et de ses modalités de calcul, une indemnité accessoire au traitement[11].

Eu égard à notre analyse, c’est au titre de l’arrêté du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l’octroi de congés de longue maladie que les agents publics des trois versants de la fonction publique atteints de maladies du système nerveux pourraient bénéficier d’un congé de longue maladie lorsqu’ils sont dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. Il s’agit plus précisément des : accidents vasculaires cérébraux ; processus expansifs intracrâniens ou intrarachidiens non malins ; syndromes extrapyramidaux (dont la maladie de Parkinson) ; syndromes cérébelleux chroniques ; myélopathies ; encéphalopathies subaiguës ou chroniques ; neuropathies périphériques (polynévrites, multinévrites, polyradiculonévrites) ; amyotrophies spinales progressives ; dystrophies musculaires progressives ; de la myasthénie ; et pour ce qui nous concerne ici, de la sclérose en plaques[12].

En second lieu, le fonctionnaire en position d’activité (ou de détachement, ou qui se trouve déjà en congé de maladie[13]) a droit à un congé de longue durée lorsqu’il est atteint, soit de : tuberculose ; maladie mentale ; affection cancéreuse ; poliomyélite ; ou de déficit immunitaire grave et acquis[14]. La liste de ces affections n’en demeure pas moins limitative, si ce n’est stricte. A ainsi été refusé l’octroi de ce congé pour une hémiplégie consécutive à une hémorragie cérébrale[15].

Alors que ces mêmes affections peuvent ouvrir droit à un congé de longue durée, mais également donner droit à un congé de longue maladie[16], cela ne sera pas valable pour la situation inverse.

Autre condition, le fonctionnaire ne pourra se voir accordé un congé de longue durée qu’au terme de la période rémunérée à plein traitement du congé de longue maladie[17]. En d’autres termes, le fonctionnaire peut décider, à l’issue d’une année, et en fonction de son état de santé, d’être placé soit en congé de longue durée soit en congé de longue maladie. Cet artifice textuel lui permettra de conserver ses droits au congé de longue durée en se faisant placer en congé de longue maladie dans l’hypothèse de son rétablissement, puisque le fonctionnaire ne pourra disposer du CLD qu’une seule fois dans sa carrière par catégorie d’affections[18].

Si l’agent souffre en revanche d’une nouvelle affection comprise dans la liste des affections donnant droit à un CLD, il pourra à nouveau bénéficier de l’intégralité d’un nouveau CLD de cinq ans. Pour exemple, un fonctionnaire qui aurait bénéficié d’un CLD pour maladie mentale, pourrait y avoir droit à nouveau dans le cadre d’un cancer[19].

D’une durée maximale de cinq ans, ce congé peut être utilisé de façon continue ou discontinue s’il est accordé ou renouvelé par périodes de trois à six mois par l’administration, toujours sur proposition du conseil médical.

Concernant l’aspect financier, le fonctionnaire en congé de longue durée perçoit son traitement indiciaire en totalité pendant trois ans, puis avec une réduction de moitié les deux années suivantes[20], tout en conservant également ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence. Le versement de la nouvelle bonification indiciaire est néanmoins suspendu pendant un congé de longue durée, tout comme celui des primes et indemnités.

La sclérose en plaques face au défi du travail

Maladie inflammatoire chronique et invalidante du système nerveux central, la sclérose en plaques (SEP), qui fait partie des affections de longue durée (ALD), a pour caractéristique d’évoluer de manière imprévisible. Avec un diagnostic posé en moyenne à 30 ans, la SEP pénalise ceux qui sont touchés par la maladie, parfois avant même leur entrée sur le marché du travail : 87% des personnes atteintes de SEP considèrent que cette dernière est un véritable frein pour trouver un travail. Touchant environ 100 000 adultes en France, elle débute en général entre 20 et 40 ans, et engendre des difficultés de maintien en emploi sur le long terme.

Parce que le travail peut être considéré comme une source de bien-être et d’équilibre psychologique, il en ira tout autrement lorsque l’exercice professionnel sollicite la mobilisation de capacités physiques et/ou cognitives excédant les possibilités existantes. Dans de telles conditions, ce dernier sera plutôt synonyme de souffrance, de mal-être et de stress. « A cet effet, l’arrêt de l’exercice professionnel peut permettre un « retour vers soi » salutaire c’est-à-dire de « ne plus s’oublier », de « s’autoriser à prendre soin de soi » et être l’occasion d’apprendre à mieux se connaître, à identifier ce dont on a réellement besoin pour retrouver son identité propre et un équilibre de vie apportant du plaisir et du sens au quotidien concourant ainsi à un certain épanouissement personnel »[21], sans oublier néanmoins une reprise de poste évitant un isolement social et une détresse psychologique consécutifs à l’arrêt de toute activité professionnelle.

Les fonctionnaires des trois versants de la fonction publique atteints de sclérose en plaques ont la possibilité de bénéficier au cours de leur carrière, d’un congé de longue maladie (CLM) prononcé après avis du conseil médical et, le cas échéant, d’un médecin agréé.

Lorsque, à la différence des salariés du secteur privé, le fonctionnaire ne peut cumuler pension d’invalidité et traitement, il pourra en revanche bénéficier d’un temps partiel thérapeutique de 50 à 90 % du temps de travail. En cas d’inaptitude à son poste, celui-ci devra être adapté à ses capacités au titre de l’aménagement raisonnable[22]. Dans ce cadre, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pourra financer des actions techniques, matérielles et de formation de nature à accompagner la personne avec l’objectif d’assurer au mieux son maintien dans l’emploi.

Si l’aménagement de poste s’avérait difficile voire impossible, une procédure de reclassement devrait être engagée avec l’accord du conseil médical et le soutien du médecin du travail. Et malheureusement, en cas d’échec de ces dispositifs, le fonctionnaire pourrait être soit radié des cadres, soit placé en situation d’invalidité, soit mis à la retraite.

Et c’est là où le bât blesse, car la SEP est la cause d’ALD provoquant le plus de mise en invalidité en France. En effet, dix ans après la mise en ALD, 23,4 % des personnes avec une ALD SEP sont en invalidité, et 14 % l’étaient déjà au bout de trois ans. Surtout, il s’avère qu’en 2013, « 30 % des personnes de moins de 60 ans en ALD SEP recevaient une pension pour invalidité et 21 % avaient au moins une période d’arrêt de travail avec versement d’indemnités journalières dans l’année (avec une durée médiane de 29 jours d’arrêt) »[23]. Plus encore, et bien que peu d’études incluant des données françaises sont disponibles sur le lien entre SEP et travail, « cestravaux tendent à montrer que la SEP influence négativement la vie professionnelle, et ce, dès le début de la maladie. Même si les symptômes semblent peu visibles, la maladie est associée à un taux d’emploi et à des revenus inférieurs à ceux de la population générale »[24].

Fort heureusement, 20 à 40% des personnes touchées par la SEP ne présentent pas de handicap dans leur vie quotidienne après 15 à 20 ans d’évolution de la maladie, ou de handicap élevé[25], qui « sera [malheureusement] atteint après 13 ans d’évolution pour la forme primaire progressive et après 33 ans pour la forme rémittente »[26].

Ces modestes données mettent en évidence le fait que, même si cette « maladie aux 1 000 visages » est incurable, des périodes de rémission sont observables (notamment dans la forme rémittente). Dans ce cadre, le CLM est bienvenu, car ce dispositif peut être renouvelé dès lors que le fonctionnaire a repris ses fonctions pendant au moins un an.

Il est opportun de penser qu’un CLD pourrait cependant être nécessaire après épuisement des droits à plein traitement du CLM, dans une situation de handicap sévère nécessitant un long repos avant une reprise de fonction, plus adaptée, faisant potentiellement l’objet d’un reclassement, sans pour autant signifier la fin totale de la carrière, ni le CLM à demi-traitement après seulement une année, contre les trois années à plein traitement du congé de CLD.

Pour une intégration des troubles neurodégénératifs, et de la sclérose en plaques parmi les affections donnant droit à un CLD

Point d’appui à notre étude, il ne s’agit cependant pas d’apporter une nouvelle lecture de l’interprétation donnée par le juge de la maladie mentale justifiant le refus du CLD, mais bien de mettre en lumière l’importance de la prise en compte des troubles neurodégénératifs tels qu’inscrits dans l’arrêté du 14 mars 1986 précité, dont la sclérose en plaques. Si dans cette affaire du 20 novembre 2024, le juge considère que la maladie mentale de la requérante se traduit par la démence comme conséquence des lésions cérébrales dont elle est atteinte, il estime également que cette affection « constitue une maladie neurodégénérative et non une maladie mentale au sens des dispositions de l’article L. 822-12 »[27].

Que recouvre donc la catégorie de « maladie mentale » ? En l’absence de précisions apportées par le législateur ou le pouvoir réglementaire, il appartient au juge de participer à une délimitation de ce qui peut être accepté ou non. De la sorte, le Conseil d’Etat a considéré que le CLD pouvait être octroyé concernant l’état anxiodépressif chronique, revêtant le caractère de maladie mentale[28]. Ce qui ne sera pas automatiquement le cas pour les troubles dépressifs. De la sorte, « si l’appartenance du syndrome dépressif à la catégorie de maladie mentale au sens du CGFP ne fait plus guère de doute, les CLD pour troubles dépressifs demeurent néanmoins peu fréquents. D’une part, le caractère chronique de la dépression ou du trouble assimilé doit être démontré. D’autre part, la dépression doit non seulement mettre l’agent dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions […], mais encore présenter un caractère grave et invalidant »[29].

A l’instar de la présente affaire, où la requérante voulait faire reconnaître l’appartenance du trouble neurodégénératif à la catégorie de maladie mentale ouvrant droit au CLD, pourrait-on en revanche espérer à l’avenir que les maladies neurodégénératives listées dans l’arrêté du 14 mars 1986 précité soient reconnues au titre de la maladie mentale, que le CLM soit mécaniquement étendu au CLD (après avoir épuisé les droits à traitement plein dans le cadre d’un CLM) ? En effet, étant donné que le trouble dépressif majeur (TDM) et les symptômes dépressifs sévères sont très fréquents dans la sclérose en plaques, que l’accentuation des autres symptômes peuvent directement lui être corrélés, mais encore que la dépression est reconnue comme un symptôme à part entière de cette maladie chronique, les troubles anxiodépressifs de cette maladie ne pourraient-ils pas, dès lors, être pris compte pour l’octroi d’un CLD ?

Il semblerait, à l’heure actuelle, que le refus serait lié au caractère incurable des affections. Le ministre de la santé publique ne s’était-il pas déjà opposé à l’inscription de la poliomyélite au titre des affections ouvrant droit à un CLD au motif que les personnes touchées devenaient des « infirmes définitifs »[30] ?  Pour autant, cette affection est comprise dans la liste de celles ouvrant droit à un CLD. De même, « le critère du caractère curable de l’affection ne résiste guère à l’ouverture du droit au CLD au déficit immunitaire grave et acquis dans les années 1990, également ouvert, par ailleurs, en cas d’irradiation »[31].

Certes, la question avait été précédemment posée pour la sclérose en plaques, et la réponse, négative. Car « l’existence de seules phases de rémission justifie, quant à lui, le maintien de la sclérose en plaques dans le régime du CLM, car renouvelable en cas de reprise de poste pendant un an, et le refus du ministre de la fonction publique d’envisager son inscription au sein des maladies ouvrant droit au CLD »[32].

Une position regrettable, puisqu’une personne une situation de handicap pourra donc bénéficier d’un congé de longue maladie d’un traitement plein pendant un an, puis d’un demi-traitement pendant deux ans, mais ne pourra aucunement bénéficier du traitement plein pendant trois ans. Un coût financier certes important pour l’administration. Mais quel poids pour l’agent au quotidien, pour lequel outre les symptômes d’une affection lourde jamais souhaitée, s’ajoute également une perte de rémunération importante.

En suivant le fil de cette pensée, même si le commentaire de l’arrêt de la Cour administrative de Versailles du 22 novembre 2024 est le fruit d’une brillante analyse juridique, nous ne pouvons aucunement souscrire à des considérations ressortant du domaine médical, quand il est écrit qu’« il semble effectivement assez peu logique d’ouvrir un congé dans le cas d’un agent qui, en l’état de la science, ne verra jamais son état s’améliorer. Il s’agirait de maintenir le traitement plein d’un agent qui ne pourra pourtant jamais reprendre ses fonctions, sauf à le faire dans un état de santé aggravé par rapport à la période antérieure »[33]. Ou encore quand, « il convient de reconnaître que ces congés, laissant par ailleurs la possibilité aux agents de passer un concours […], s’accordent mal avec les troubles neurodégénératifs. Le trouble neurodégénératif n’est pas seulement incurable. Il touche les fonctions intellectuelles, vouées à se dégrader » [34]. A quoi cela reviendrait-il ? Ne doit-on donc rien faire ? En effet, au regard d’une maladie imprévisible amenant potentiellement à une dégradation progressive de l’état de santé de l’agent, d’aucuns estiment que cette cause serait perdue d’avance, que la mesure serait inutile car coûteuse. N’est-ce pas, au sein du pays des droits de l’homme, où le Français René Cassin a co-rédigé la Déclaration universelle des droits de l’homme et reçu le prix Nobel de la paix pour son œuvre en faveur des droits de l’homme, un paradoxe que laisser dépérir des agents du service public, physiquement et financièrement ? Le maintien dans l’emploi des agents en situation de handicap est pourtant bel et bien l’un des axes de travail de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Le maintien dans l’emploi et l’obligation d’aménagement raisonnable ne sont-ils pas liés à la prohibition de toute discrimination fondée sur le handicap[35] ? Rappelons enfin que le rapport sur le handicap dans la fonction publique, intitulé « Donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique », influençant à ce sujet la loi de transformation de la fonction publique (dite loi TFP)[36], proposait « de reconnaître le rôle des référents handicap et de favoriser leur professionnalisation, au bénéfice de l’insertion et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés »[37], ce qui eut bien lieu d’ailleurs avec l’instauration du référent handicap et d’autres mesures relatives au recrutement et au maintien dans l’emploi (comme la promotion par voie du détachement dans un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure[38]).

L’argent, nerf de la guerre pour les administrations, et plus encore pour les agents malades

En tout état de cause, l’ensemble du dispositif s’explique plus par des considérations budgétaires. Et « les développements parfois peu convaincants des réponses ministérielles ne cachent pas la véritable réticence à élargir le CLD à une quelconque nouvelle affection […]. Le refus ministériel apparaît plus lié à une volonté de limiter les dépenses publiques que motivé par l’application stricte d’un critère précisément défini »[39].

Le salaire relatif de la population atteinte d’une SEP accuse une diminution importante. S’il est égal à 130 % de la médiane des salaires au départ, il passe ensuite à 65 % au bout de dix ans et à 34 % au bout de vingt ans. Il ressort effectivement que « la baisse des salaires s’explique principalement par les arrêts maladie et la mise en invalidité (y compris en maintenant une activité professionnelle réduite), puisque seules 40 % des personnes au bout de dix ans et 30 % au bout de vingt ans n’ont pas connu de trimestre d’interruption de travail. Mais cette situation est partiellement compensée par les revenus de remplacement accordés par le système de protection sociale français lorsqu’il n’est plus possible pour une personne de travailler autant qu’avant »[40]. Alors oui, l’enjeu pour les agents concernés n’est pas des moindres. Car le CLD se révèle financièrement plus favorable que les autres dispositifs de prise en charge des agents malades.

Au final, « le sort des affections non psychiques touchant les fonctions intellectuelles demeure incertain. La « maladie mentale » au sens de l’article L. 822-12 du CGFP gagnerait assurément à être précisée pour clarifier la situation des agents atteints de troubles neurodégénératifs »[41]. Souscrivant totalement à ces propos, il serait heureux qu’une extension au congé de CLD soit effectuée à l’égard des agents affectés par des maladies neurodégénératives.

Bien entendu, dans une société minée par la dette, à une rigueur demandée par le Premier ministre (comprenant la réduction des ALD), l’octroi du CLD pour les agents atteints par une sclérose en plaques grèverait les finances publiques. Pour autant, on ne peut pas dépenser, selon l’évaluation de la Cour des comptes, près de six milliards d’euros (2,77 milliards d’euros de dépenses d’organisation, dont 1,4 milliard pour la sécurité, et 3,19 milliards d’euros de dépenses liées aux infrastructures) pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, pour oublier très – trop – rapidement les agents publics demandant seulement de mener une vie décente, tout en se battant contre la maladie, et sans avoir à « survivre » financièrement.


[1] 1) tuberculose ; 2) maladie mentale ; 3) affection cancéreuse ; 4) poliomyélite ; 5) et déficit immunitaire grave et acquis.

[2] CAA Versailles, 22 nov. 2024, n°24VE01495, § 7.

[3] CAA Versailles, 22 nov. 2024, n°24VE01495, § 8.

[4] JOAN, Q n° 02177, 18 oct. 2007, p. 1846 ; JOAN, Q. n° 12377, 24 oct. 2023, p. 9345.

[5] JO Sénat Q. n° 09982, 20 nov. 2003, p. 3373 ; JO Sénat Q. n° 10074, 4 déc. 2003, p. 3490.

[6] JOAN Q. n° 5127, JO 31 janv. 2023, p. 835.

[7] CGFP, art. L. 822-6.

[8] CGFP, art L. 822-7.

[9] CGFP, art. L. 822-8.

[10] CE, 26 mai 1995, n°125327.

[11] CE 17 juin 2005, n°267479.

[12] Arr. du 14 mars 1986 relatif à la liste des maladies donnant droit à l’octroi de congés de longue maladie, art. 1, pt. 6.

[13] CE, 9 janv. 1963, Soffa, Lebon 13

[14] CGFP, art. L. 822-12.

[15] CE, 28 janv. 1998, n°162222, Lebon 24.

[16] Arr. du 14 mars 1986 préc., art. 2.

[17] CGFP, art. L. 822-14 ; v. aussi CE, 30 déc. 2013, n°361946.

[18] CE 19 mai 1976, n°99275, Gibelin, Lebon 262.

[19] CAA Lyon, 13 mars 2000, n° 95LY00513, Ministre de l’intérieur c/ F., Lebon T.

[20] CGFP, art. L. 822-15.

[21] UNISEP, Sclérose en Plaques au travail – qualité de vie. Concilier au mieux SEP et activité salariale, 2020, p. 17.

[22] CGFP, art. L. 131-8.

[23] M. Espagnacqa, E. Lerayb, C. Regaerta, A. Guilleuxb, S. Pichettia, S. Guillaumea et E. Duguetc, Difficultés de maintien en emploi à la suite d’une sclérose en plaques : perte de salaire et rôle des revenus de substitution dans les ressources, Questions d’économie de la santé, n° 274 – janv. 2023, p. 2.

[24] Ibid.

[25] Handicap 7 sur l’échelle EDSS (échelle utilisée pour évaluer le handicap d’un patient, d’une façon harmonisée et objective d’un pays à l’autre), soit quelques pas avec deux appuis.

[26] M. Espagnacqa, E. Lerayb, C. Regaerta, A. Guilleuxb, S. Pichettia, S. Guillaumea et E. Duguetc, op. cit., janv. 2023, p. 3.

[27] CAA Versailles, 22 nov. 2024, n°24VE01495, § 7.

[28] CE 26 mai 2014, n° 370123, Ministère de l’éducation nationale c/ Bégorre, Lebon T. ; AJDA 2014. 1126 ; AJFP 2014. 325

[29] M. Decaux, « Congé de longue durée et troubles neurodégénératifs : une exclusion en quête de sens », Note sous CAA Versailles, 22 nov. 2024, n°24VE01495, AJDA 2025 p.451.

[30] JOAN, Q. n° 79198, 1er févr. 2011, p. 1002

[31] M. Decaux, op. cit., 2025 p.451.

[32] Ibid.

[33] Ibid.

[34] Ibid.

[35] CGFP, art. L. 131-1.

[36] L. n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

[37] C. Di Folco, Rapp. d’information sur le handicap dans la fonction publique, Sénat, n°520, 22 mai 2019, p. 28.

[38] D. n°2020-569 du 13 mai 2020 fixant pour une période limitée les modalités dérogatoires d’accès par la voie du détachement à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure

[39] M. Decaux, op. cit., 2025 p.451.

[40] M. Espagnacqa, E. Lerayb, C. Regaerta, A. Guilleuxb, S. Pichettia, S. Guillaumea et E. Duguetc, op. cit., janv. 2023, p. 5.

[41] M. Decaux, op. cit., 2025 p.451.

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