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02 06 2016

Une optimisation fiscale pour les enseignants-chercheurs : l’option pour les frais réels

Contrairement aux croyances populaires, l’optimisation fiscale n’est pas l’apanage des sociétés multinationales et des personnes les plus aisées. Les règles fiscales offrent de multiples options à tous les contribuables quels que soient leurs situations sociales ou leurs revenus.

Les enseignants-chercheurs à l’Université peuvent notamment tirer avantage des règles générales applicables en matière d’impôt sur le revenu. Que nous soyons doctorant contractuel, attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER), maître de conférences ou professeur, les rémunérations versées par l’Université sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires.

À ce stade un bref rappel du mécanisme de l’impôt sur le revenu s’impose. Cet impôt frappe le revenu global du foyer fiscal. Ce revenu global imposable au barème progressif [1] est composé de l’ensemble des revenus nets catégoriels de chaque membre du foyer fiscal. Chaque catégorie de revenus dispose de règles propres pour la détermination du revenu net catégoriel [2] destiné à rejoindre le revenu global. Quoi qu’il en soit, toutes ces catégories sont gouvernées par les principes posés à l’article 13 du Code général des impôts (ci-après « CGI ») et notamment par le principe selon lequel le revenu imposable est un revenu net de frais [3] . Les frais correspondent aux dépenses engagées par le contribuable afin d’acquérir ou de conserver son revenu.

En matière de salaire, la loi précise que le montant net du salaire imposable est déterminé en déduisant des rémunérations perçues, les frais inhérents à la fonction lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales [4]. Ces frais sont évalués forfaitairement à 10 % du montant des salaires perçus, sauf option pour les frais réels. La plus grande majorité des salariés pratique (souvent sans le savoir) la déduction forfaitaire. En effet, n’indiquant que leurs salaires imposables dans leur déclaration des revenus, l’administration applique automatiquement la déduction forfaitaire de 10 % lors de la liquidation de l’impôt. Certes le forfait a le mérite de la simplicité et demeure avantageux pour la majorité des salariés. Néanmoins, dès que ces frais dépassent les 10 %, tout contribuable a intérêt à opter pour les frais réels. [5]. C’est notamment le cas pour les enseignants-chercheurs qui engagent un grand nombre de dépenses personnelles pour exercer leur activité professionnelle.

L’intérêt de l’option est indéniable puisqu’elle permet de réduire l’assiette imposable et va par conséquence diminuer le montant de l’impôt net à payer.

Il s’agit alors de savoir s’il est effectivement intéressant pour les enseignants-chercheurs d’opter pour la déduction de leurs frais réels ?

La diversité des dépenses inhérentes à l’exercice de leurs fonctions (I) et la facilité d’en obtenir la déduction (II) conduisent à encourager l’exercice de cette option dès lors que l’administration ne peut reprocher au contribuable de choisir la voie la moins imposée[6].

I. LES FRAIS PROFESSIONNELS DEDUCTIBLES : UN CHAMP D’APPLICATION RELATIVEMENT ETENDU

Les frais professionnels déductibles sont nombreux. La richesse des développements de la doctrine administrative sur ce sujet le démontre aisément[7]. Sans démarrer un inventaire à la Prévert, il convient de s’intéresser aux principaux frais professionnels déductibles chez les enseignants-chercheurs qu’ils s’agissent de dépenses courantes (A) ou exceptionnelles (B).

A. LES DEPENSES COURANTES DEDUCTIBLES

Les dépenses courantes concernent, principalement, les frais liés au lieu de travail (1) et aux moyens matériels utilisés (2).

1. LES FRAIS DE BUREAU

Il est rare que les enseignants-chercheurs disposent d’un bureau personnel dans les locaux universitaires pour préparer leurs cours magistraux ou leurs travaux dirigés, corriger les copies et effectuer leurs travaux de recherche. Un bon nombre d’entre eux travaille à domicile et dédie ainsi une partie de leur habitation personnelle à leurs activités professionnelles. Bien que contraignante, cette situation peut offrir quelques avantages fiscaux.

En effet, il est possible de déduire une partie des loyers ou des intérêts de l’emprunt de son habitation principale au titre de frais professionnels. Le principe de cette déduction est admis par le Conseil d’Etat [8] et reconnu par la doctrine administrative [9] sous certaines conditions :

• L’exercice de l’activité doit nécessiter un local spécifique et surtout le salarié ne doit pas disposer d’un bureau fourni par son employeur qui soit adapté aux conditions d’exercice de sa profession. L’existence de salles réservées aux enseignants, ou encore des bureaux des centres de recherche ne sauraient remettre en cause cette condition puisqu’il ne s’agit pas de bureau spécifiquement attribué par l’employeur à l’enseignant-chercheur pour y exercer sa profession [10]
• En outre, l’espace affecté doit être effectivement utilisé à des fins professionnelles[11]. C’est-à-dire qu’en cas d’usage mixte de l’habitation principale, il convient de déterminer selon des circonstances de fait la quote-part du logement qui est affecté à l’activité professionnelle.

Si ces conditions sont réunies, il est possible de déduire en plus (et selon la même quote-part), une partie des frais d’électricité et de la taxe d’habitation [12]. Les propriétaires de leur logement pourront aussi déduire une partie de leurs charges de copropriété et de taxe foncière.

2. LES FRAIS DE MATERIELS

Tout d’abord, il est possible de déduire les dépenses de matériels liées au bureau, à savoir les meubles meublants et le matériel informatique [13]. Pourront ainsi être déduits les frais d’achats du bureau (lui-même), de la bibliothèque et des autres accessoires affectés à cet usage. Pourront aussi être déduits les frais d’achat d’ordinateur et d’imprimante. Si le prix d’acquisition de ces frais de matériels dépasse 500 € hors taxe, il conviendra alors de les amortir selon le mode linéaire [14].

Ensuite, les dépenses de documentation présentent également un caractère déductible. L’administration le confirme puisqu’elle considère que ces frais engagés « en vue de se perfectionner dans leur profession ou d’accroître leurs connaissances professionnelles sont admis en déduction » [15]. Ainsi pourront être déduits les achats d’ouvrages juridiques, les abonnements à des revues scientifiques ou encore les frais d’inscriptions à des bibliothèques.

Enfin, les dépenses de fournitures et de consommables être admises en déduction. Pourront ainsi être pris en compte les achats de stylos, de cahiers et de papiers, de cartouches d’imprimantes ou encore les cartes de photocopie.

B. LES DEPENSES EXCEPTIONNELLES DEDUCTIBLES

Certaines dépenses présentent un caractère exceptionnel dès lors qu’elles se font plus rares et dépendent de choix de l’intéressé. Pour une partie de ces dépenses, leur déductibilité est expressément reconnue (1) pour d’autres celle-ci paraît s’imposer (2).

1. LES FRAIS SPECIFIQUES D’EXERCICE DE L’ACTIVITE

Les frais de transport du domicile au lieu de travail sont admis en déduction, sous réserve qu’ils ne soient pas remboursés par l’employeur [16] . Lorsque la distance est inférieure à 40 km, ils sont entièrement admis en déduction. Au-delà de 40 km, la déduction intégrale des coûts de transports est admise si le contribuable démontre l’existence de circonstances particulières qui justifient un tel éloignement. Il s’agit principalement de motifs professionnels ou familiaux dont il faudra faire été dans la déclaration des revenus. En l’absence de circonstances particulières, la déduction de ces frais sera plafonnée à 80 km par aller-retour. Ces règles s’appliquent aussi bien aux trajets en train qu’à ceux effectués en voiture ou en moto [17].

En outre, les frais liés à la participation de colloques, de conférences et de voyages d’étude en France ou à l’étranger peuvent être admis en déduction des salaires imposables dès lors qu’ils ne sont pas remboursés par l’Université [18].

Par ailleurs, il est possible de déduire les cotisations professionnelles [19]. Les cotisations syndicales ou à des sociétés savantes constituent ainsi des frais professionnels déductibles.

De manière plus anecdotique, la doctrine reconnaît la déduction de frais vestimentaires pour l’acquisition de tenues spécifiques à la profession exercée [20]. Il ne faut donc pas se méprendre, les dépenses pour l’achat d’un tailleur ou d’un costume ne sont pas admises en déduction. Seuls les frais engagés pour l’achat d’une robe de maître de conférences ou de professeur peuvent être déduits.

2. LES FRAIS DE FORMATION

Les frais de formation sont définis par la doctrine administrative comme « les dépenses supportées en vue d’acquérir un diplôme ou une qualification permettant aux salariés d’améliorer leur situation au sein de la profession qu’ils exercent ou d’obtenir un nouvel emploi dans un autre domaine professionnel constituent des frais professionnels déductibles du montant brut des traitements et salaires »[21].

Dans ces conditions, les docteurs qui présentent leurs candidatures pour la qualification à la maîtrise de conférences ou au concours d’agrégation supportent des frais importants qui doivent être pris en compte parmi leurs frais professionnels déductibles.

En premier lieu, en ce qui concerne l’accès à la profession de maître de conférences, plusieurs catégories de dépenses présentent un caractère déductible. Il s’agit tout d’abord des frais liés au dossier de candidature, le candidat pourra déduire ses frais de réimpression de thèse [22] et d’envoi de sa candidature au Conseil national des Universités. Il s’agirait ensuite des dépenses engagées pour le « tour de France » (frais de transports et frais d’hébergement). Celles-ci sont effectivement engagées pour acquérir un revenu salarial.

En second lieu, concernant l’agrégation, les frais de transports et d’hébergement des candidats ne résidant pas sur le lieu du concours peuvent être admis en déduction. Il peut en être de même des dépenses engagées pour la fameuse leçon de 24 heures [23]. Là encore, celles-ci sont engagées pour conserver un revenu salarial et améliorer sa situation professionnelle.

Certes, ni la loi, ni la doctrine administrative ne vise expressément ces catégories de frais professionnels. Cependant, la lettre générale de loi, les solutions jurisprudentielles et les interprétations de la doctrine [24] vont dans le sens de la déduction des dépenses personnelles supportées en vue d’acquérir ou de conserver un revenu, et notamment de celles exposées en vue d’améliorer leur situation professionnelle.

Quoi qu’il en soit, les heureux qualifiés ou agrégés pourront déduire les frais de déménagement s’ils sont contraints de changer de domicile pour exercer leurs nouvelles fonctions [25].

Bien qu’elle soit loin d’être exhaustive, cette liste des divers frais professionnels démontre la richesse des frais professionnels. Il convient maintenant d’examiner comment les déduire effectivement des salaires imposables.

II. LA DEDUCTION DES FRAIS PROFESSIONNELS : UNE MISE EN ŒUVRE RELATIVEMENT AISEE

Dès lors que les conditions sont réunies, l’obtention de la déduction repose sur les déclarations du contribuable (A), ce qui n’exclut pas un droit de regard de l’administration fiscale (B).

A. DES CONTRAINTES PERSONNELLES MINIMES

La déduction des frais professionnels du contribuable peut se décomposer en deux étapes successives pour le contribuable : l’identification de ceux-ci (1) et leur déclaration (2).

1. LES CONDITIONS DE DEDUCTION DES FRAIS PROFESSIONNELS

En application des articles 13 et 83 du CGI, les dépenses personnelles sont déductibles si quatre conditions sont cumulativement remplies. Il faut que les dépenses du contribuable soient (1) engagées pour l’acquisition ou la conservation du revenu salarial ; (2) nécessaire pour l’exercice de l’activité salariée ; (3) payées au cours de l’année civile d’imposition ; et (4) justifiées [26] . Par exemple, l’achat d’un manuel de droit peut ainsi être déductible alors que l’achat d’un nouveau roman (sans lien avec l’activité a priori) ne le serait pas. De plus, cet achat serait déductible des salaires perçus en 2015, s’il est supporté en 2015.

Concrètement, l’option pour les frais réels exige que le salarié évalue justement ses frais et qu’il soit en mesure de les justifier. Celui-ci devra déterminer quelles sont les dépenses personnelles nécessaires à son activité professionnelle qu’il a acquittées au cours de l’année d’imposition. Il devra, en outre, être en mesure de les justifier, c’est-à-dire d’en rapporter la preuve. La déduction de frais pourra être refusée par l’administration si le salarié est dans l’incapacité de rapporter la preuve de ses dépenses ou bien si elles présentent un caractère somptuaire. A titre d’exemple, l’administration pourrait réduire la quote-part de déduction des frais liés aux locaux professionnels si celle-ci est trop élevée.

Afin de suivre précisément la constitution des frais professionnels, l’idéal serait alors d’en dresser une liste comprenant la date, la nature et le montant des dépenses ainsi que le mode de paiement [27] . Il faut aussi conserver précieusement toutes les pièces justificatives relatives à ces dépenses (factures, attestations, etc.)[28]. En respectant ces deux étapes à l’occasion de chacune d’entre elles, le travail d’identification des frais professionnels déductibles sera facilité. Dès lors que leur montant total dépassera 10 % des rémunérations imposables, l’option pour les frais réels sera alors fiscalement plus avantageuse.

2. LA DEMANDE DE DEDUCTION DES FRAIS PROFESSIONNELS

L’option pour la déduction des frais professionnels est facile à mettre en œuvre. Il suffit au contribuable d’indiquer le montant total de ses frais professionnels dans sa déclaration des revenus. L’administration fiscale se charge ensuite de la liquidation de l’impôt compte tenu des informations présentes dans la déclaration. En pratique, sous la case de la déclaration de revenus relative aux traitements et salaires [29], il convient de remplir la case prévue à cet effet [30]. Il convient, ensuite, de joindre la liste détaillée des frais sur papier libre annexé à la déclaration [31].

Par ailleurs, il est possible qu’un salarié n’ait jamais opté pour les frais réels mais que le montant de ceux-ci fut supérieur à la déduction forfaitaire de 10 % automatiquement appliquée.

Dans cette hypothèse, celui-ci peut déposer une réclamation à l’administration fiscale tendant à corriger ses dernières déclarations [32] . Le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année qui suit le paiement de l’impôt contesté [33]. Il aurait, par exemple, jusqu’au 31 décembre 2016 pour demander la correction de ses déclarations de revenus 2013. La seule limite à cette réclamation tiendra alors dans sa capacité à justifier ses frais professionnels.

B. DES CONTRAINTES PROCEDURALES LIMITEES

La déclaration de frais professionnels peut conduire à des échanges administratifs (1) ou contentieux (2) avec l’administration fiscale.

1. LES PROCEDURES ADMINISTRATIVES EVENTUELLES

La procédure du rescrit fiscal prévue par l’article L. 80 B du LPF permet, à tout contribuable, de requérir l’appréciation de l’administration sur une situation de fait. En cas de doute, il est ainsi possible de demander à l’administration fiscale si les dépenses en cause peuvent constituer des frais professionnels déductibles. Si la réponse de l’administration est positive, celle-ci ne pourra remettre en cause ultérieurement la déduction de ces frais [34]. Si la réponse est négative, il est possible de demander un second examen de la demande auprès de l’administration en application de l’article L. 80 CB du CGI. À ce jour, le recours pour excès de pouvoir est jugé irrecevable par le Conseil d’Etat[35], mais sa position pourrait évoluer[36].

Par ailleurs, la déclaration de frais professionnels peut conduire à ce que l’administration fiscale en examine le bien-fondé. Concrètement, l’administration pourra procéder à un bref contrôle interne, c’est-à-dire qu’elle vérifiera la pertinence des frais professionnels déclarés. Elle pourrait alors adresser une demande d’éclaircissement et/ou de justification au salarié ayant opté pour les frais réels [37]. La présentation des pièces justificatives de ses dépenses, lui permettra donc d’y répondre précisément. Il demeure néanmoins possible que l’administration rectifie ses déclarations si elle considère que les conditions de déduction ne sont pas remplies ou bien que certaines présentent un caractère excessif [38].

2. LES PROCEDURES CONTENTIEUSES POTENTIELLES

En cas de rectification de l’administration portant sur le bien-fondé de la déduction des frais professionnels, un avis d’imposition supplémentaire sera émis. Cependant, rien n’empêche le contribuable de contester cette rectification s’il considère que ses dépenses étaient bien déductibles. En effet, la loi invite le contribuable rectifié à présenter ses observations à l’administration fiscale, c’est-à-dire à exposer les motifs de droit et de fait qui ont motivé ses déclarations.

Si l’administration entend maintenir les rectifications, le contribuable pourra alors adresser une réclamation au service compétent et continuer de les convaincre du bien-fondé de ses prétentions. Il s’agit de la même procédure que celle mise en œuvre pour corriger les impositions antérieures [39] . En cas de litige persistant le contribuable pourra saisir le juge de l’impôt, en l’occurrence le tribunal administratif de son ressort, sans le ministère d’un avocat[40].

Il convient, néanmoins, de relativiser l’existence d’un contentieux sur ce sujet. Certes le risque de contrôle existe. Toutefois dès lors que le contribuable vérifié est en mesure de justifier ses frais, le risque de rectification demeure faible, notamment grâce au dialogue qui se noue avec l’administration fiscale.

En tout état de cause, qu’il s’agisse d’un recours pour excès de pouvoir contre un rescrit défavorable ou d’un recours de plein contentieux à l’encontre d’une rectification d’imposition, le coût de ces procédures serait relativement faible puisque le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire [41].

Ainsi, loin de constituer une pratique fiscale dommageable, l’option pour la déduction des frais réels permet plutôt de restaurer une certaine idée de la justice fiscale. Il est légitime que les dépenses personnelles des salariés, et plus particulièrement celles des enseignants-chercheurs, soient admises en déduction dès lors qu’elles sont supportées pour l’acquisition et la conservation de ces rémunérations.

Ces brefs développements, d’une portée essentiellement pratique, avaient pour objet principal de partager une information trop méconnue dans le monde universitaire, surtout parmi les doctorants. Espérons que cet objectif soit atteint et qu’en sus, ces lignes aient réconcilié certains avec le droit fiscal. Une chose est sûre, les économies réalisées embelliront des vacances bien méritées !

ANNEXE : EXEMPLE PRATIQUE

Imaginons un enseignant-chercheur, célibataire, dont le salaire brut mensuel s’élève à 2.000 € par mois pour l’année 2015. Il perçoit environ un salaire net de 1.600 € par mois ce qui conduit à des rémunérations imposables de 19.200 € pour l’année civile (1.600 € x 12 mois).

Il loge dans un deux-pièces de 30 m² à Paris, dont le loyer est de 750 € par mois. Une pièce de 10 m² lui sert de bureau. Sa taxe d’habitation s’élève à 600 €. Il a pris un abonnement pour une revue juridique de 200 € par an. Il a en outre acquis trois manuels de droit pour un montant total de 100 €. Enfin, il a acquis un nouvel ordinateur portable pour 900 €.

Quel serait le montant de l’impôt à payer en 2016 au titre de la déclaration de ses revenus 2015 ?

Hypothèse A : option pour la déduction forfaire de 10%

En tant que contribuable célibataire, il devra déclarer 19.200 € de salaire imposable dans sa déclaration de revenu. Ses salaires nets imposables s’élèveront à 17.280 € (19.200 – 10% = 19.200 – 1.920 = 17.280). En conséquence, l’impôt à payer s’élèverait à 1.061 € [42].

Hypothèse B : option pour la déduction des frais réels

Etant donné qu’un tiers de l’appartement est dédié à son activité professionnel, il pourra déduire un tiers des dépense liées à son habitation principale. Il peut ainsi déduire un tiers de ses loyers, soit 3.000 € (750 € / 3 x 12) et un tiers de sa taxe d’habitation, soit 200 € (600 €/3).

Il peut en outre déduire ses dépenses de documentation, soit un total de 300 € (200€ d’abonnement + 100 € de manuels). Il peut enfin déduire un amortissement linéaire sur l’achat de son ordinateur, soit 300 € pour 2015 et de même pour 2016 et 2017 (900 € / 3 ans).

Le montant total des frais professionnels atteint donc 3.800 €. Ses salaires nets imposables s’élèveront donc à 15.400 € (19.200 – 3.800 = 15.400). En conséquence, l’impôt à payer s’élèverait à 798 € [43].

En conclusion, l’option pour les frais réels lui ferait bénéficier d’une économie d’impôt sur le revenu de 263 €.

Notes

[1] Plus le revenu sera élevé, plus le taux d’imposition sera important. Ce barème est prévu par l’article 197 du CGI.

[2] Les revenus catégoriels imposables sont énumérés à l’article 1 A du CGI.

[3] Article 13, 1 du CGI : « Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conservation du revenu. »

[4] Article 83, 3° du CGI. C’est-à-dire que les frais sont déductibles s’ils ne sont pas pris en charge par l’employeur, soit par des avances soit par des remboursements

[5] La doctrine administrative le reconnaît en ces termes : « Le régime des frais réels, prévu aux trois derniers alinéas du 3° de l’article 83 du CGI, permet aux salariés de faire état de leurs frais professionnels pour leur montant justifié lorsqu’ils estiment que la déduction forfaitaire de 10 % est insuffisante pour couvrir l’ensemble de leurs dépenses professionnelles. » BOI-RSA-BASE-30-50-30-20120912

[6] V. par exemple NAVATTE (Bernard), La fraude et l’habileté fiscale en droit fiscal, D. 1951, chron. pp. 87-90. – CE, 20 décembre 1963, n°52308.

[7] L’expression de doctrine administrative désigne l’interprétation faite par l’administration fiscale des lois et règlements applicables en matière fiscale. Lorsqu’elle est favorable au contribuable, cette doctrine est opposable à l’administration fiscale en application de l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales (ci-après « LPF »). Lorsqu’elle le contribuable estime qu’elle est illégale, il peut exercer un recours pour excès de pouvoir contre celle-ci. La doctrine administrative est regroupée au BOFIP (Bulletin officiel des finances publiques) et accessible à l’adresse suivante : bofip.impots.gouv.fr/.

[8] CE, 16 juin 1982, n°25426 : RJF 8-9/82 n° 806 ; Dr. fisc. 1983, n°13, comm. 601, concl. D. Léger. En l’espèce, le Conseil d’Etat a admis qu’un professeur d’université qui ne dispose pas sur son lieu de travail du bureau nécessaire à l’exercice de sa profession et qui est contraint d’affecter une pièce de son habitation principale à son activité peut déduire parmi ses frais professionnels une part des intérêts de l’emprunt contracté pour l’acquisition de cette résidence. Cette part doit être déterminée en tenant compte du fait que la pièce peut être utilisée à des fins autres que professionnelles, et du rapport existant entre la superficie du local et la surface totale de l’habitation. Pour des confirmations : CE, 13 mai 1988, n°72312 : Dr. fisc. 1989, n° 30-31, comm. 1517, concl. T. Le Roy – CAA Paris, 21 novembre 1996, n°95-2839, M. Theiss : Dr. fisc. 1997, n° 20-21, comm. 565.

[9] BOI-RSA-BASE-30-50-30-30-20130718

[10] CE, 13 mai 1988, n°72312 : Dr. fisc. 1989, n°30-31, comm. 1517, concl. T. Le Roy –CAA de Paris, 2e chambre, 21 novembre 1996, n° 95-2839, M. Theiss : Dr. fisc. 1997, n°20-21, comm. 565. La jurisprudence considère qu’un cadre isolé permettant de préparer les enseignements et effectuer les travaux de recherches constitue un bureau. Dans ces conditions, les salles collectives ou les locaux partagés ne peuvent pas être considérés comme des bureaux.

[11] CE, 16 juin 1982, n°25426 : Dr. fisc. 1983, n° 13, comm. 601, concl. D. Léger)

[12] CE, 19 décembre 1986, n° 55597 : Dr. fisc. 1987, n°22, comm. 1061 – CE, 13 mai 1988, n°72312 : Dr. fisc. 1988, n°48, comm. 2169 – CE, 6 juillet 1990, n°98161, M. Lelart: Dr. fisc. 1992, n°7, comm. 278, concl. M.-D. Hagelsteen.

[13] BOI-RSA-BASE-30-50-30-40-20130528, n°70.

[14] L’amortissement linéaire consiste à diviser le prix d’acquisition du bien par le nombre d’année d’utilisation prévue d’après les usages. Le prix d’acquisition n’est donc pas déduit en une seule fois l’année d’achat, mais au fur et à mesure de la durée de vie du bien. Par exemple, considérant que le matériel informatique s’amortit d’après les usages sur trois années, l’achat d’un ordinateur portable pour 900 € donnerait lieu à la déduction d’une annuité d’amortissement de 300 € par an pendant 3 ans.

[15] BOI-RSA-BASE-30-50-30-40-20130528, n°40

[16] Article 83, 3°, al. 7 du CGI.

[17] Notons cependant que : « Le salarié qui a le choix entre plusieurs modes de transport peut emprunter celui qui lui convient le mieux, à condition que son choix ne soit pas contraire à une logique élémentaire compte tenu du coût et de la qualité des moyens de transport collectifs desservant son domicile. » BOI-RSA-BASE-30-50-30-20-20160215, n°190.

[18] Précisons que les dépenses effectuées pour ces besoins à l’étranger devront être converties en euros.

[19] BOI-RSA-BASE-30-50-30-40-20130528, n°100

[20] BOI-RSA-BASE-30-50-30-40-20130528, n°90

[21] BOI-RSA-BASE-30-50-30-40-20130528, n°1

[22] CE, 12 octobre 1959, n°41773 – CE, 19 décembre 1986, n°55597 : Dr. fisc. 1987, n° 22, comm. 1061.

[23] Location d’hôtel ou d’appartement ; frais de restauration de l’équipe

[24] Voir notamment : Rép. Min Michel n° 28314, AN 5 février 1996 p. 625.

[25] BOI-RSA-BASE-30-50-30-20-20160215, n°270.

[26] Il s’agit ici de la preuve des frais supportés.

[27] Dans un tableur type Excel

[28] NDA : La photocopie et la numérisation des pièces justificatives sont vivement conseillées.

[29] En page 3 de la déclaration de revenus n°2042, case 1AJ ou 1BJ

[30] Case 1AK ou 1BK de la déclaration n°2042.

[31] En cas de déclaration sur internet, un cadre spécifique est prévu pour la liste détaillée des frais réels.

[32] Article L. 190 du LPF.

[33] Article R. 196-1 du LPF

[34] L’article L. 80 A du LPF prévoit que la doctrine administrative est opposable à l’administration fiscale

[35] CE, 26 mars 2008, n°278858, Association Pro-Musica. L’auteur remercie Pierre-Olivier Rigaudeau pour son rappel pertinent concernant cette décision.

[36] La décision Association Union sociale maritime (CE 16 mars 2011 n°329945) semble remettre en cause la jurisprudence Pro Musica. De plus, dans une décision Guiot (CE 19 février 2014, n°358719) rendue en matière de TVA, le Conseil d’Etat a jugé recevable le REP du contribuable (mais semble toujours le refuser pour le redevable légal de l’imposition). Quoi qu’il en soit, rien n’interdit de faire un REP contre une décision défavorable de rescrit. Celui-ci pourra être déclaré irrecevable mais il existe un espoir de changement de jurisprudence.

[37] Article L. 16 du LPF

[38] Elle appliquera alors la procédure de rectification contradictoire prévue par l’article L. 55 du LPF

[39] Article L. 190 et R. 196-1 et s. du LPF

[40] Article L. 199 du LPF

[41] En matière de contentieux de l’assiette, le ministère d’avocat est obligatoire à partir de l’appel

[42] Montant obtenu en appliquant la méthode de calcul général de l’impôt sur le revenu, soit (R x 0,14) – (1358 x N) pour une tranche de revenu net imposable comprise entre 9.700 € et 26.791 €. Le montant de l’impôt brut afférent aux revenus de 2015 s’obtient en appliquant la formule correspondant au rapport R (revenu global imposable) sur N (nombre de parts). Le montant obtenu correspond à l’impôt brut avant application éventuelle du plafonnement des effets du quotient familial, de la décote et des réductions et crédits d’impôt

[43] Ibid.

Commentaires

LR dit :

Bref, trois jours de paperasses, l’assurance d’un contrôle fiscal et encore trois jours pour justifier tout, pour gagner 263 euros. Bof bof.

toto dit :

Tout ceci est exact mais n’est rentable que parce que les rémunérations françaises sont indécentes… et que l’administration ne fourni pas à ses agents les moyens de leur activité.

🙂

POC dit :

J’ai tjs pensé que les frais réels, c’était souvent beaucoup d’emm…, pardon de paperasses, pour un maigre bénéfice. C’est le cas ici. Notre enseignant-chercheur (bien mal payé, on est d’accord) ferait mieux de résilier son abonnement à une revue juridique et de lire plusieurs revues en bibliothèque (ou en ligne grâce à l’abonnement de la BU qu’il fréquente) plutôt que d’encombrer les 10 m² de son appartement qui lui servent de bureau avec des numéros de revue qu’il ne consultera plus guère et qu’il retrouvera plus vite dans les bases de données (économie : 200€). De même, s’il a acheté trois manuels pour 100€, il s’est mal débrouillé car il aurait pu avoir des spécimens (économie : 100€ ou 85€ si l’on se souvient qu’un éditeur demande un forfait de 15€). Il économisera ainsi au moins 285€ et pourra se contenter de l’abattement forfaitaire (gain de temps : 3 jours et le temps, c’est de l’argent !). 🙂

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