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10 10 2025

Légalité d’un refus d’inhumer fondé sur des risques de trouble à l’ordre public

Par une ordonnance de tri du 8 septembre 2025, le juge des référés du Conseil d’Etat a refusé de suspendre l’exécution de l’arrêté par lequel le maire d’Orléans a retiré sa décision du 20 août 2025 autorisant l’inhumation de M. H., décédé le 8 août à Niamey, dans le cimetière municipal.

Au titre de ses pouvoirs de police administrative générale, le maire est compétent pour réglementer les cimetières et les funérailles (CGCT, article L. 2213-8). Ces pouvoirs, qui visent notamment à prévenir les atteintes à la tranquillité publique, doivent être conciliés avec les dispositions de l’article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales qui fixent la liste des personnes jouissant d’un droit à l’inhumation dans le cimetière de la commune. Tel est notamment le cas des personnes qui, bien que ne résidant pas sur le territoire de la commune, « y ont droit à une sépulture de famille ».

Les limites des pouvoirs conférés au maire s’agissant de la police des funérailles et des cimetières tiennent, d’une part, à la prohibition des discriminations. L’article L. 2213-9 du CGCT interdit en effet d’établir des « prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort ».

Elles tiennent, d’autre part, au contrôle de proportionnalité qu’exerce le juge administratif sur toute mesure de police (CE, Ass., 2011, Assoc. promotion de l’image). 

Elles doivent d’abord être justifiées par la nécessité de préserver l’ordre public. Dans sa décision Abbé Olivier, le Conseil d’Etat relevait ainsi, pour censurer l’instruction du maire de Sens, que : « aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre sur la voie publique ne pouvait être invoqué par le maire pour lui permettre de réglementer, dans les conditions fixées par son arrêté, les convois funèbres, et notamment d’interdire aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d’accompagner à pied ces convois » (CE, 19 février 1909, Abbé Olivier, Rec. 181 ; GAJA n° 18).

Il faut ensuite, lorsqu’est établi un risque de trouble à l’ordre public, que la mesure soit proportionnée. Ainsi, quelques années avant la célèbre décision Benjamin (CE, 19 mai 1933, Benjamin, Rec. 541 ; GAJA n° 42), le Conseil d’Etat avait déjà jugé que s’il est possible au maire « d’interdire les inscriptions de nature à troubler l’ordre public (…) il ne pouvait prononcer d’une manière absolue l’interdiction de toute inscription sur les couronnes, bouquets et croix qui peuvent être déposés sur le monument aux morts » (CE, 14 janvier 1927, Sieurs Delaty et Castalifaud, Rec. p. 44). Ce n’est ainsi que lorsqu’aucune autre mesure ne peut prévenir le trouble à l’ordre public que le maire peut refuser l’inhumation (CE, Ass., 4 mars 1949, Dame Nemironsky, Rec. p. 104).

Plus récemment, s’agissant d’un refus d’inhumer motivé par la circonstance que le défunt était l’auteur d’attentats terroristes, le Conseil d’Etat a rappelé que : « les pouvoirs de police générale et spéciale que le maire tient des dispositions (…) du code général des collectivités territoriales lui permettent de prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité (…) en présence d’un risque de troubles tel que, dans les circonstances de l’espèce, aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation » (CE, 16 décembre 2016, Commune de Mantes-la-Jolie, n° 403738, Rec. T.).

La constance de la jurisprudence administrative peut sans doute expliquer le choix du juge des référés du Conseil d’Etat, dans l’ordonnance commentée, de rejeter sans instruction – sur le fondement de l’article L. 522-3 du code de justice administrative – le référé liberté que les proches du défunt avaient introduit afin d’obtenir la suspension du retrait de l’autorisation d’inhumer.

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord que le défunt faisait partie du cercle restreint du pouvoir rwandais lors de la préparation du génocide des Tutsis en 1994 et qu’il était présent au Rwanda lors des massacres (§ 5). Il rappelle surtout l’existence d’un risque avéré de trouble à l’ordre public, en relevant que les obsèques devaient se dérouler dans le plus grand édifice religieux de la commune, qu’elles avaient connu une forte médiatisation et suscité de vives oppositions de la part des associations de défense des victimes du génocide. Il en déduit qu’aucune autre mesure que le retrait de l’autorisation d’inhumer ne pouvait prévenir la survenance de troubles à l’ordre public, notamment afin d’éviter que la sépulture ne devienne un lieu de rassemblement (§6).

Ref. : JRCE, 8 septembre 2025, n° 507728 

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