Le régime contentieux des ordonnances des articles 47 et 47-1 de la Constitution
Par Olivier Boyer :: Contentieux administratif
La Constitution du 4 octobre 1958 a introduit un mécanisme singulier au sein de son article 47. Celui-ci autorise la mise en vigueur du projet de loi de finances par voie d’ordonnance dans l’hypothèse où le Parlement ne se serait pas prononcé dans le délai constitutionnel de 70 jours qui lui est imparti[1]. En 1996, ce dispositif a été étendu aux lois de financement de la sécurité sociale, le délai étant ici de 50 jours, conformément à l’article 47-1[2].
La consécration des ordonnances budgétaires dans le texte constitutionnel de 1958 est le fruit d’une volonté politique : mettre un terme aux dérives des régimes précédents en contraignant le Parlement à donner – ou à refuser – un budget à la France avant le début de l’exercice budgétaire. Par la menace de dessaisissement que cet article fait planer à l’égard d’une des compétences les plus fondamentales du Parlement, l’espoir était que le Parlement s’autodiscipline et vote en temps utile le budget.
En réalité, les autres techniques du parlementarisme rationalisé ainsi que l’apparition du fait majoritaire ont conduit à faire tomber dans l’oubli ce dispositif qui, pour l’heure, n’a toujours pas été utilisé sous la Vème République. Il n’en demeure pas moins qu’il peut apparaître comme un facteur d’ordre psychologique ayant conduit à une forme d’autodiscipline du Parlement. C’est sans doute la raison pour laquelle, au-delà de sa volonté de calquer le régime des lois de financement sur celui des lois de finances, le constituant l’a introduit à l’endroit des premières en 1996.
Au-delà de la stricte technique juridique, les ordonnances financières revêtent une dimension symbolique et théorique qui mérite d’être soulignée.
Du point de vue de la symbolique, la terminologie d’ordonnance renvoie à notre passé monarchique. Cette notion, disparue depuis la monarchie de Juillet[3], fut réintroduite en 1958. S’agissant du domaine financier, autoriser le Gouvernement à se substituer au Parlement dans l’exercice de sa compétence d’autorisation budgétaire a une saveur particulière si l’on veut bien se rappeler que c’est par le truchement de ce pouvoir que les Parlements ont su s’imposer face à un exécutif à l’époque monarchique.
Du point de vue théorique, cette capacité du Gouvernement à se substituer au Parlement dans sa fonction budgétaire peut être rapprochée de la théorie du budget développée au XIXème siècle par Paul Laband. Cette théorie consistait à appréhender le budget comme un acte d’administration : formellement adopté en la forme législative, sa nature profonde demeurait réglementaire, ce qui autorisait le gouvernement, en l’occurrence celui de Bismarck, à se substituer à un Parlement réfractaire à sa politique. Cette théorie, non dénuée d’arrière-pensées politiques[4], fit des émules, Gaston Jèze et Emile Bouvier par exemple la reprenant à leur compte[5]. Il faudra attendre Raymond Carré de Malberg pour l’écarter définitivement, celui-ci démontrant l’impossibilité de définir la loi selon un critère matériel[6].
Bien qu’infondée sur le plan du droit positif, il n’en demeure pas moins que cette théorie recèle une part de vérité, à savoir que le pouvoir d’autorisation budgétaire se distingue du pouvoir législatif[7] ; en conséquence, la légalité budgétaire n’est pas assimilable à la légalité administrative[8]. Dès lors, il est loisible de rechercher le fondement théorique de ces ordonnances financières dans le particularisme du droit budgétaire.
A ce titre, le Conseil constitutionnel a de longue date placé la procédure budgétaire sous la houlette d’une exigence particulière, celle de la continuité de la vie nationale[9]. Ainsi, le vote du budget en temps utile, c’est-à-dire avant l’ouverture de l’exercice budgétaire sur lequel il porte, a pour principale fonction d’assurer la continuité de l’Etat. Dans ce cadre, les ordonnances financières ne sont qu’un mécanisme d’exception permettant d’atteindre cet objectif.
Si l’exception n’a pour l’heure jamais joué, il se pourrait bien que la disparition récente du fait majoritaire et le tripartisme nouveau de l’Assemblée nationale puisse conduire à la faire sortir des oubliettes de l’Histoire. D’ailleurs, à la suite de l’annonce du Premier ministre Lecornu de ne pas recourir à l’article 49 alinéa 3 pour faire adopter le budget de 2026[10], des députés ont pu s’inquiéter de ce que cet apparent mouvement de candeur soit en réalité une manœuvre visant à permettre la promulgation du budget par voie d’ordonnances[11].
Cette actualité conduit à un regain d’intérêt pour ces ordonnances financières. Si les questions concernant le régime juridique des ordonnances apparaissent peu ou prou réglées, celui de leur régime contentieux demeure sujet à controverse. L’absence de précédent, « l’extrême concision de la rédaction quelque peu sibylline de l’alinéa 3 de l’article 47 »[12] et le manque de substance des travaux préparatoires relativement à cette question ouvrent la voie à la réflexion. C’est à cette réflexion que nous aimerions contribuer en tâchant de répondre à la question suivante : quelles seraient les conséquences contentieuses de l’édiction des lois financières par voie d’ordonnance ?
La détermination de la compétence juridictionnelle pour connaître d’un acte dépend de la nature de cet acte. Aussi faut-il éclaircir la nature des ordonnances des articles 47 et 47-1 avant d’envisager la compétence des juridictions pour en connaître. Cette recherche s’établira en deux volets. Dans un premier temps, nous verrons que contrairement à une opinion répandue en doctrine, les ordonnances financières peuvent être rapprochées d’une intervention du pouvoir exécutif dans le domaine législatif sur habilitation directe du constituant, excluant de ce fait la compétence du Conseil d’Etat (I). Pour autant, il nous est apparu possible, dans un second temps, de distinguer les dispositions législatives mises en vigueur par voie d’ordonnance de la décision de recourir aux ordonnances financières. Si cette dernière pourrait donner prise à un contrôle du Conseil d’Etat, l’hypothèse nous paraît cependant peu crédible (II).
I/ Le régime contentieux des dispositions mises en vigueur par voie d’ordonnance
La doctrine demeure incertaine quant à la valeur à accorder aux ordonnances financières (A). Nous aimerions faire valoir que les articles 47 et 47-1 de la Constitution habilitent directement le gouvernement à intervenir dans le domaine législatif et que, par conséquent, les dispositions mises en vigueur par voie d’ordonnance demeurent des dispositions législatives échappant au contrôle du Conseil d’Etat (B).
A/ La nature incertaine des ordonnances financières
Les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle de 1996 témoignent de ce que le constituant a entendu élargir le mécanisme des ordonnances budgétaires de l’article 47 de la Constitution aux lois de financement de la sécurité sociale[13]. Par conséquent, les conclusions afférentes à la nature juridique des ordonnances de l’article 47 paraissent pouvoir être étendues aux ordonnances de l’article 47-1 de la Constitution, et ce malgré la formulation différentes retenues par ces deux articles
Les travaux préparatoires de la Constitution du 4 octobre 1958 permettent d’écarter la nature législative des ordonnances budgétaires[14]. En effet, la mention de la « force de loi » de ces ordonnances, dont l’introduction fut proposée par la commission des finances de l’Assemblée nationale[15], ne fut pas retenue par le Comité consultatif constitutionnel, pas plus qu’elle ne fut réintroduite lors des étapes ultérieures, qu’il s’agisse des propositions du Conseil d’Etat ou de la finalisation du projet de loi constitutionnelle.
Est-ce néanmoins suffisant pour affirmer la nature réglementaire de ces ordonnances ? La doctrine apparaît divisée sur ce sujet. Une partie de la doctrine refuse de prendre position sur la nature de ces ordonnances[16]. Pour une autre, ces ordonnances seraient à rapprocher de celles de l’article 38 de la Constitution dont elles suivraient le régime juridique[17]. Pour une autre encore, ces ordonnances seraient d’une nature particulière qui les rapprocherait de l’acte de gouvernement[18]. Enfin, il semblerait que la majorité de la doctrine considère ces ordonnances comme des actes réglementaires justiciables d’un recours en excès de pouvoir[19]. Une nuance est parfois apportée quant à l’étendue de l’office du juge administratif qui, du fait de la portée de l’ordonnance budgétaire, dont le seul but est de rendre exécutoire le projet de loi de finances, impliquerait que le juge ne puisse connaître que des formes de son édiction et non du fond[20].
Cette opinion majoritaire en doctrine est cependant fondée sur des éléments divergents, attestant des incertitudes qui demeurent. Ainsi, pour Paul Gaucher, les ordonnances budgétaires constituent un mécanisme à rapprocher de l’article 37 de la Constitution. Selon l’auteur, elles correspondraient à une « délégalisation tacite mais définitive du projet de loi de finances »[21]. Pour Rémi Pellet, les ordonnances financières relèvent de la jurisprudence Compagnie des chemins de Fer de l’Est de 1907[22]. Pour Emilien Quinart, les ordonnances financières relèvent de la jurisprudence Heyriès de 1918[23].
La position consistant à assimiler les ordonnances de l’article de 47 à celles de l’article 38 apparaît isolée. Dès 1967, Paul Amselek faisait remarquer que la ratification parlementaire des ordonnances budgétaires se mariait mal avec leur logique de sanction du Parlement[24], position répandue aujourd’hui au sein de la doctrine financière[25]. En effet, il apparaît illogique d’exiger la ratification d’un acte dont l’objet est de dessaisir le Parlement de sa compétence initiale en raison de son refus de l’exercer, la ratification conduisant à demander au Parlement d’exercer cette compétence dont il a précisément été dessaisi.
Il apparaît donc que la nature législative des ordonnances doit leur être refusée tant ab initio qu’in medias res.
Si l’on s’en tient au régime juridique de ces ordonnances, il semblerait qu’elles soient assimilables à des actes réglementaires. En effet, ces actes sont pris à l’initiative du gouvernement et derrière lui de son chef[26]. Ils doivent faire l’objet d’une délibération en Conseil des ministres et, conformément à l’article 13 de la Constitution, doivent être signés par le président de la République[27]. Ils sont à rapprocher des décrets pris en conseil des ministres, chose qu’avait déjà soulignée M. Paul Coste-Floret lors des débats se tenant au Comité consultatif constitutionnel[28]. Ce dernier ajoutait d’ailleurs qu’ils devaient être pris après avis du Conseil d’Etat, obligation consultative[29] qui trouve aujourd’hui un fondement juridique à l’article L. 112-1 du code de justice administrative[30].
Mais ces caractéristiques les rendent-elles ipso facto justiciables d’un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat ?
B/ Des dispositions législatives édictées sur habilitation directe du constituant
A titre liminaire, relevons tout d’abord que la compétence du Conseil constitutionnel pour connaître a priori des ordonnances des articles 47 et 47-1 de la Constitution doit, conformément à leur absence de nature législative ainsi qu’à la ligne jurisprudentielle jusqu’à présent tracée en matière de contrôle a priori des actes législatifs, être exclue. A ce titre, le Conseil constitutionnel a toujours eu une lecture restrictive de ses compétences[31], ce qui l’empêche de connaître des actes pour lesquels sa compétence n’est pas explicitement prévue à l’article 61 de la Constitution, qu’il s’agisse de lois référendaires[32] ou de lois constitutionnelles[33], pour mentionner des exemples bien connus.
Concernant le Conseil d’Etat, nous savons que depuis l’arrêt Chemins de Fer de l’Est de 1907[34], il mobilise un critère organique pour identifier les actes administratifs. Cela signifie que bien qu’intervenant dans le domaine législatif, l’acte pris par l’autorité administrative est en principe réputé administratif. L’habilitation délivrée par le législateur à ladite autorité ne suffit donc pas à conférer une valeur législative à l’acte pris sur le fondement de cette habilitation[35]. Les seules exceptions résultant de la jurisprudence administrative tiennent au cas où l’habilitation est directement prévue par la Constitution elle-même.
Par deux fois le juge administratif a eu à connaître de telles situations. Par deux fois il a rejeté sa compétence. Ainsi, dans l’arrêt Société Eky de 1960, le Conseil d’Etat a refusé de connaître d’une ordonnance en arguant qu’elle avait « été prise par le gouvernement en vertu de l’article 92 de la Constitution du 4 octobre 1958, dans l’exercice du pouvoir législatif »[36]. En 1962, dans l’arrêt Rubin de Servens, le Conseil d’Etat a refusé de connaître d’une décision prise par le président de la République sur le fondement de l’article 16 de la Constitution au motif que « ladite décision, qui porte sur des matières législatives et qui a été prise par le Président de la République pendant la période d’application des pouvoirs exceptionnels, présente le caractère d’un acte législatif dont il n’appartient pas au juge administratif de connaître »[37]. En miroir de cette ligne jurisprudentielle, le Conseil d’Etat a admis sa compétence dès lors que l’intervention de l’autorité administrative était fondée sur une habilitation délivrée par la loi, qu’il s’agisse des décrets-lois[38] puis des ordonnances de l’article 38 de la Constitution[39] ou des ordonnances référendaires de 1962[40].
Le critère déterminant pour établir la compétence du Conseil d’Etat résulte de l’habilitation de l’autorité administrative par la loi elle-même. Or, s’agissant des ordonnances financières, il est bien évident qu’une telle habilitation est impossible : cela reviendrait à demander au Parlement d’autoriser le gouvernement à le sanctionner. D’ailleurs, l’article 47 ne prévoit aucune intervention législative préalablement au recours aux ordonnances. C’est au contraire l’abstention du législateur qui ouvre la voie à la prise de ces ordonnances.
Le critère déterminant pour écarter la compétence du Conseil d’Etat est quant à lui l’habilitation directe par la Constitution de l’autorité administrative à intervenir dans le domaine législatif. A ce titre, le sénateur Etienne Blanc, membre de la commission des lois constitutionnelles du Sénat, invitait à rapprocher le mécanisme de l’article 47 de la Constitution de ceux prévus aux articles 16 et 92[41]. Mais peut-on voir dans ces articles 47 et 47-1 de la Constitution une habilitation du constituant à l’endroit du gouvernement[42] ou doit-on plutôt les rapprocher des mécanismes de substitution d’action bien connus du droit administratif[43] ?
En droit administratif, la substitution d’action peut se définir comme la faculté ouverte au supérieur hiérarchique de se substituer à un de ses subordonnés dans l’exercice d’une compétence liée qu’il n’a pas exercée. Ces substitutions d’action s’inscrivent ainsi dans le cadre d’une relation hiérarchique. Elles sont rendues possibles par l’abstention de l’autorité subordonnée et ne visent que des cas de compétence liée. Ces caractéristiques se retrouvent-elles dans le cadre des ordonnances financières ?
Du point de vue de l’abstention de l’autorité compétente, il n’y a pas de difficulté. C’est bien parce que le Parlement s’abstient d’exercer sa compétence que le gouvernement peut intervenir à sa place. Concernant le caractère lié de la compétence, il a pu être défendu que le refus du budget consistait en un « déni de justice »[44], autrement dit en un abus de pouvoir. S’il apparaît difficile d’aller jusque-là, l’idée que le Parlement a le devoir de se prononcer avant l’ouverture de l’exercice budgétaire nous paraît, en revanche, plus admissible, l’obligation juridique découlant du principe de continuité de l’Etat qui s’impose à l’ensemble des pouvoirs constitués. Sur le dernier point cependant, il est impossible d’identifier le Gouvernement comme le supérieur hiérarchique du Parlement. Si la Constitution de 1958 s’efforce d’organiser l’ascendant du premier sur le second, elle n’instaure en aucun cas une relation hiérarchique entre eux qui heurterait de plein fouet le principe de séparation des pouvoirs. Ainsi, bien que la thèse de la substitution d’action soit séduisante, elle ne paraît pas pouvoir être identifiée relativement aux ordonnances financières car elle reviendrait à établir une autorité hiérarchique du Gouvernement sur le Parlement.
Par conséquent, il semble difficile de dénier aux articles 47 et 47-1 de la Constitution leur nature d’habilitation à l’endroit du pouvoir réglementaire à intervenir dans le domaine législatif. L’article 34 fait tomber dans la compétence législative la détermination des ressources et des charges de l’Etat au travers des lois de finances et la détermination des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, au travers des lois de financement de la sécurité sociale. En permettant au pouvoir réglementaire d’exécuter ces lois en se passant du vote du Parlement, les articles 47 et 47-1 de la Constitution attribuent temporairement la compétence d’adoption de ces lois à l’organe exécutif. La compétence du Conseil d’Etat paraît donc devoir être exclue.
II/ Le régime contentieux de la décision de recourir aux ordonnances
Il nous est cependant apparu possible de distinguer entre les dispositions mises en vigueur par voie d’ordonnances et la décision de recourir aux ordonnances (A), distinction qui pourrait laisser prise à un contrôle du Conseil d’Etat, bien que nous puissions douter qu’il souhaite exercer cette compétence (B).
A/ La décision de recourir aux ordonnances : un acte autonome
L’exclusion de la compétence du Conseil d’Etat doit néanmoins être nuancée. Ce qui échappe à la compétence du Conseil d’Etat, ce sont les dispositions prises par le biais de l’ordonnance et qui, effectivement, interviennent dans le domaine législatif sur habilitation directe de la Constitution et demeurent des dispositions législatives. Mais n’est-il pas possible d’opérer une distinction entre la décision de recourir aux ordonnances et le contenu des ordonnances ? Autrement dit est-il possible de voir dans la décision de recourir aux ordonnances une décision autonome vis-à-vis des projets de lois mis en vigueur ?
Plusieurs éléments invitent à opérer cette distinction.
Tout d’abord, un argument favorable à cette thèse peut être trouvé dans les écrits de Pierre-Henri Teitgen qui était partisan d’un contrôle du Conseil d’Etat limité aux formes de l’ordonnance, dans la mesure celle-ci avait pour seul objet de rendre exécutoire le projet de loi de finances[45].
Un deuxième argument peut être recherché dans la jurisprudence administrative elle-même. En règle générale, il est vrai que lorsque le Conseil d’Etat accepte sa compétence, il l’accepte intégralement ; autrement dit, il contrôle la légalité externe comme la légalité interne de l’acte qui lui est soumis, avec des variations dans l’intensité du contrôle de la qualification juridique des faits s’agissant du recours en excès de pouvoir. Pour autant, cette inséparabilité de la forme et du fond peut être nuancée.
Ainsi, depuis son arrêt Blotzheim de 1998[46], lorsqu’il est saisi d’un moyen dirigé contre un engagement international dont la ratification est subordonnée à une autorisation législative conformément à l’article 53 de la Constitution, le Conseil d’Etat accepte de vérifier que cette obligation a bien été suivie, sans pour autant faire déborder son examen sur le contenu de l’engagement international, dont la compétence pour en connaître relève du seul Conseil constitutionnel en vertu de l’article 54 de la Constitution.
Par ailleurs, lorsque le Conseil d’Etat a été amené à préciser le régime contentieux des mesures intervenues sur le fondement de l’article 16 de la Constitution, il a opéré une distinction entre la décision de recourir à l’article 16 et les mesures intervenues subséquemment sur le fondement de ces pouvoirs exceptionnels. Il est vrai que ladite décision avait fait l’objet d’une décision distincte, publiée au journal officiel le 24 avril 1961[47]. Et pour cause, la décision de recourir à l’article 16 de la Constitution constituant la base légale des mesures prises sur son fondement, il faut que cette décision entre en vigueur avant la prise de ces mesures.
Pour autant, en vertu de l’article 1er du code civil[48], l’urgence peut justifier une entrée en vigueur immédiate d’un acte réglementaire, c’est-à-dire dès le jour de sa parution au journal officiel. Cette hypothèse, dont la décision appartient au gouvernement, n’apparaît pas devoir être exclue concernant la décision de recourir aux pouvoirs exceptionnels. Autrement dit, il est tout à fait possible d’imaginer que paraissent le même jour ladite décision et des mesures prises sur son fondement. Cela n’interdirait cependant pas de continuer à voir des décisions distinctes, entre celle de recourir à l’article 16 et celles prises sur son fondement.
Un dernier argument peut être recherché dans l’analogie que l’on peut établir entre les ordonnances financières et les décrets de promulgation des lois. En effet, étant donné la formulation retenue par l’article 47 de la Constitution, laquelle évoque la mise en vigueur des dispositions du projet de loi de finances, un rapprochement avec les décrets de promulgation paraît pouvoir être fait[49]. Or, il est bien évident que le décret de promulgation se distingue de la loi qui en est l’objet. Il s’agit de deux choses différentes qui ne suivent ni le même régime juridique ni le même régime contentieux. Pour autant, conformément au décret relatif aux formes de promulgation des lois par le Président de la République du 19 mai 1959, le décret de promulgation s’intègre à la loi promulguée et c’est cet ensemble qui fait l’objet d’une parution au journal officiel[50]. Ce mélange n’interdit pas cependant d’y voir deux actes distincts : un acte du Président de la République, à savoir le décret de promulgation, et un acte du Parlement, c’est-à-dire la loi adoptée par le législateur.
Au regard de ces différentes considérations, nous croyons possible d’admettre de distinguer la décision de recourir aux ordonnances financières des projets de lois financières mis en vigueur par cet intermédiaire. Mais alors un contrôle sur cette décision de recourir aux ordonnances financières est-il praticable par le Conseil d’Etat ?
B/ La décision de recourir aux ordonnances : un acte de gouvernement
De prime abord, un contrôle juridictionnel du recours aux ordonnances financières apparaît opportun du point de vue de l’Etat de droit qui fait du droit au recours et du contrôle effectif de l’ensemble des actes de l’Etat l’un des piliers de la garantie des droits. Pour autant, ce principe de l’Etat de droit doit être mis en balance ici avec un autre impératif, celui de la continuité de la vie nationale. En effet, derrière les ordonnances financières, tout l’enjeu est de donner à la France un budget pour l’année qui s’ouvre. Trivialement, il s’agit d’éviter les pertes de recettes fiscales s’agissant des ressources, et d’éviter les blocages des administrations publiques s’agissant des dépenses. Or ce principe de continuité de l’Etat est fondamental. Alexandre Guigue a pu y voir un héritage de la théorie des Deux-Corps du Roi[51], le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’Etat lui attribue une valeur constitutionnelle, et la doctrine a même pu s’interroger sur sa valeur supra-constitutionnelle[52]. Le contrôle des ordonnances financières se situe ainsi au carrefour de deux enjeux majeurs : l’Etat de droit et la continuité de la vie nationale.
Quels seraient les moyens invocables à l’appui d’un tel recours et qui aurait intérêt à agir ?
Le recours aux ordonnances financières est suspendu à une méconnaissance par le Parlement des délais constitutionnels lui étant impartis, 70 jours dans le cadre des lois de finances et 50 jours dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Passés ces délais, le Gouvernement peut mettre en vigueur « les dispositions du projet » de loi de finances d’une part et de loi de financement de la sécurité sociale d’autre part. Ainsi, au-delà du contrôle des formes précédemment décrites (délibération en Conseil des ministres, signature du président de la République et consultation du Conseil d’Etat), la légalité du recours aux ordonnances est suspendue au respect d’une condition temporelle et d’une condition matérielle. Cela implique pour le juge de déterminer, d’une part, l’objet visé par les délais constitutionnels ainsi que leur mode de computation. Cela implique, d’autre part, de déterminer la notion de « projet » prévue aux articles 47 et 47-1 de la Constitution.
Concernant la condition temporelle, les débuts de la Vème République ont révélé toutes les difficultés interprétatives que cela pouvait poser. Faut-il comptabiliser le dies a quo et le dies ad quem ? Le délai court-il à compter du dépôt du projet de loi de finances ou à compter de la distribution effective des annexes ?[53] Ces questions qui ont trouvé des réponses dans la pratique[54] n’ont jamais été explicitement tranchées par la voie juridictionnelle[55]. Or, il s’agit de questions fondamentales car pouvant conduire à l’annulation totale de l’ordonnance financière.
Concernant la condition matérielle, trois solutions sont envisageables. Soit le Gouvernement doit s’en tenir au projet initial, soit il peut y intégrer les amendements adoptés en termes identiques par les deux assemblées, soit il peut y intégrer l’ensemble des amendements déposés au cours de la procédure. La dernière solution, retenue en matière d’article 49 alinéa 3[56], est ici à bannir. D’une part, contrairement à l’article 49 alinéa 3, le Parlement n’est pas amené à se prononcer. D’autre part, ce serait ouvrir la voie à une potentielle obstruction gouvernementale. En effet, le Gouvernement pourrait multiplier les amendements conduisant à une méconnaissance des délais constitutionnels pour ensuite librement piocher dans les amendements présentés. Le recours aux ordonnances étant une exception à la compétence de principe du Parlement, elle devrait être interprétée strictement, ce qui ne serait pas le cas de cette lecture de l’article 47 alinéa 3.
Doit-on alors imposer au Gouvernement de mettre en vigueur le seul texte initial ou le texte initial complété par les amendements adoptés en termes identiques par les deux assemblées ? Si la deuxième solution paraît conforme à l’esprit des textes[57], le contrôle du Conseil d’Etat en la matière ne pourrait avoir de prise sauf à ce qu’il fasse dériver son examen sur les conditions d’adoption de ces amendements, autrement dit sur le déroulement de la procédure législative, chose pour laquelle il n’est pas compétent. Par conséquent, si le Conseil d’Etat admettait cette solution, il n’aurait pas les moyens de la contrôler, ce qui laisserait place aux abus précédemment décrits.
Le contrôle du recours aux ordonnances financières par le Conseil d’Etat apparaît ainsi dangereux pour la continuité de l’Etat dans sa dimension temporelle et ineffectif dans sa dimension matérielle[58]. Mais même à admettre que le recours aux ordonnances soit justiciable d’un recours en excès de pouvoir, qui aurait qualité pour agir ? Concernant les parlementaires, il est de jurisprudence constante que cette seule qualité ne leur confère pas d’intérêt à agir contre les actes administratifs[59]. A cet égard, la suggestion émise par Daniel Labetoulle en 2010[60] de reconnaître aux parlementaires « un intérêt à agir contre les actes administratifs de nature à méconnaître les compétences et prérogatives liées aux fonctions normatives et de contrôle du Parlement » n’a pas reçu de concrétisation, malgré des propositions de loi allant dans ce sens[61].
De manière générale, l’intérêt à agir est reconnu aux justiciables dans la mesure où ils démontrent un intérêt direct, personnel et certain à la sanction de l’acte incriminé. Cet intérêt à agir est déterminé en fonction du contenu de l’acte et répond à la question de savoir si les dispositions en cause ont une incidence sur la situation personnelle du requérant. Par hypothèse, le contenu des ordonnances financières est particulièrement étendu, qu’il s’agisse de dispositions fiscales, de dispositions sociales ou de dispositions afférentes aux collectivités territoriales. Potentiellement donc, le recours à l’encontre de la décision de recourir aux ordonnances pourrait être assez largement ouvert.
Nous pensons cependant que ce potentiel flux de recours sera résolu par le Conseil d’Etat en sa plaçant sur le terrain de l’acte de gouvernement. Si de nombreux auteurs se refusent à voir dans ces actes un acte de gouvernement[62], nous ne pouvons pas nous y résoudre. Que l’on s’attache à définir l’acte de gouvernement de façon juridique ou de manière empirique, le recours aux ordonnances financières apparaît dans les deux cas conforme à ces définitions.
Juridiquement, les auteurs qui se sont essayés à la définition de l’acte de gouvernement l’ont fait en considération de deux critères : soit l’acte de gouvernement est insusceptible de recours en raison de sa nature juridique, c’est-à-dire en tant qu’il se rattache à la fonction gouvernementale et non à la fonction administrative[63] ; soit l’acte de gouvernement est insusceptible de recours en raison du jeu normal des règles de compétence juridictionnelle, le Conseil d’Etat ne pouvant connaître des rapports entre le Gouvernement et le Parlement[64]. In fine, ces deux thèses se rejoignent en ce que l’acte de gouvernement vise les actes accomplis par le Gouvernement dans ses rapports avec le Parlement.
Ramené aux ordonnances financières, la décision d’y recourir est une compétence que partage le chef du Gouvernement qui doit décider d’y recourir et le chef de l’Etat qui doit apposer sa signature. Il s’agit d’un mécanisme sanctionnant l’abstention du Parlement. Eu égard aux acteurs impliqués ainsi qu’à l’objet des ordonnances financières, il apparaît difficile de ne pas voir là un acte qui échappe à la compétence du Conseil d’Etat conformément à la théorie de l’acte de gouvernement.
Empiriquement ensuite, il a pu être avancé que l’acte de gouvernement ne pouvait pas être défini a priori et que la détermination de son champ d’application était fonction de l’inopportunité de son contrôle par le juge[65]. Celle-ci étant appréciée au cas par cas et par le juge lui-même, il était difficile de le définir autrement qu’au travers d’une liste établie au regard de la jurisprudence rendue. A cet égard, certains actes déclarés actes de gouvernement par le juge administratif peuvent peu ou prou être rapprochés de la décision de recourir aux ordonnances financières[66]. Plus fondamentalement, la décision de recourir aux ordonnances constitue un moyen d’assurer la continuité de la vie nationale[67]. Ouvrir la voie du recours en excès de pouvoir à son endroit conduit à ouvrir la possibilité d’une sanction a posteriori de l’autorisation de percevoir les impôts et d’engager les dépenses. Elle fait ainsi courir un risque financier à l’Etat particulièrement important et nous pouvons douter que le Conseil d’Etat souhaite endosser cette responsabilité. En conclusion, le régime contentieux que nous avons esquissé peut se résumer ainsi. D’une part, la décision de recourir aux ordonnances financières est un acte insusceptible de recours. Cela ne veut pas dire qu’il soit insusceptible de sanction puisque le Parlement pourrait procéder, le cas échéant, à la sanction politique du gouvernement[68]. D’autre part, les droits des personnes juridiques concernées par les dispositions des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale ne feraient pas pour autant l’objet d’un déni de justice. Conservant leur nature législative, ces dispositions seraient susceptibles d’un recours QPC devant le Conseil constitutionnel et d’un contrôle de conventionnalité par les juges du fond. Le seul déni de justice qui en résulterait toucherait au droit parlementaire et au droit budgétaire, qui ne peuvent ni fonder un recours en excès de pouvoir, ni fonder un recours QPC. Outre que celui-ci ne serait que temporaire, la dimension éminemment politique de ces droits nous invite à penser que la seule sanction politique à leur méconnaissance n’a rien de choquant. D’ailleurs, la protection dont ils jouissent dans le cadre de la jurisprudence constitutionnelle est plutôt limitée[69], ce qui permet de relativiser un peu le caractère néfaste de leur immunité juridictionnelle.
[1] Art. 47 (al. 3) de la Constitution du 4 octobre 1958.
[2] Art. 47-1 (al. 3) de la Constitution du 4 octobre 1958.
[3] M. Verpeaux, « Les ordonnances de l’article 38 ou les fluctuations contrôlées de la répartition des compétences entre la loi et le règlement », CCC, n° 19, 2006, p. 149.
[4] R. Bourget, « Paul Laband et la construction d’un droit public financier « vraiment scientifique » : la systématisation des pratiques constitutionnelles de Bismarck lors du conflit budgétaire prussien (1862-1866) » In L’invention de la gestion des finances publiques. Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle (1815-1914), P. Bezes, F. Descamps, S. Kott et Lucile Tallineau (dir.), CHEFF, 2010, p. 323-391.
[5] G. Jèze et E. Bouvier, « La véritable notion de la loi et la loi annuelle de finances », Revue critique de législation et de jurisprudence, t. XXVI, n° 1, janvier 1897, p. 381-574.
[6] R. Carré de Malberg, « Distinction des lois matérielles et formelles dans la Constitution de Weimar », Bulletin de la Société de législation comparée, 1928, p. 597 et 1929 p. 155.
[7] G. Vedel, « Allocution d’ouverture », RFFP, n° 26, 1989, p. 15.
[8] S. Damarey, « Légalité administrative et légalité budgétaire », RFFP n° 70, 2000, p. 25-36.
[9] CC, 79-111 DC, « Loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants », 30 décembre 1979, cons. 2.
[10] « Sébastien Lecornu annonce qu’il renonce à l’article 49.3 sur le budget et tiendra sa déclaration de politique générale mardi », Le Monde, 3 octobre 2025.
[11] « Budget : « “Le bloc central ne veut pas aller au bout et mise sur les ordonnances“, estime Jean-Philippe Tanguy (RN) », disponible sur le site de public Sénat, consulté le 11/11/2025.
[12] P. Stillmunkes, « La classification des actes ayant force de loi en droit public français », RDP, 1964, p. 283.
[13] Voir par ex. Rapport (n° 188) fait au nom de la commission des lois constitutionnelles sur le projet de loi constitutionnelle adopté, adopté par l’Assemblée nationale, instituant les lois de financement de la Sécurité sociale, par M. Patrice Gélard, sénateur, annexé au procès-verbal de la séance du 31 janvier 1996, p. 65.
[14] P. Delvolvé et H. Lesguillons, Le contrôle parlementaire sur la politique économique et budgétaire, PUF, Paris, 1964, p. 232.
[15] Documents pour servir à l’Histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, Vol. II, 1988, p. 488.
[16] E. Douat, « Droit constitutionnel financier », JCA, Fasc. 1461, 2014, p. 54-55 et A. Archien, « Article 47 » In La Constitution de la République française, analyses et commentaires, F. Luchaire, G. Conac, X. Prétot (dir.),3ème Edition, Economica, 2008, Paris, p.1156.
[17] G. Vedel, Droit administratif, t.1, Coll. Thémis Droit public, 12ème Edition, PUF, 1992, Paris, p. 349.
[18] P. Lalumière, Finances publiques, Librairie Armand Colin, Paris, 1980, p. 274.
[19] Par ex. P. Stillmunkes, Ibid., p. 283 ; P. Gaucher, « Les ordonnances en matière budgétaire », Annales de la Faculté de Droit de Clermont, fasc. 2, 1965, p. 38-44 ; R. Pellet, « Article 47-1 » In La Constitution de la République française, analyses et commentaires, Ibid., p.1188 ; E. Quinart, « Budget : que sont les ordonnances de l’article 47,alinéa 3 de la Constitution ? », disponible sur le site blog.juspoliticum, consulté le 11/11/2025.
[20] P.-H. Teitgen, Finances publiques, Cours polycopié, 1962-1963, Les cours de Droit, Paris, p. 189.
[21] P. Gaucher, Ibid., p. 39. Cette explication nous paraît un peu spécieuse. D’une part, elle fait jouer la délégalisation en dehors du champ qui lui est imparti par la Constitution. D’autre part, elle la fait jouer à l’endroit d’une matière constitutionnellement législative là où la délégalisation doit jouer à l’endroit de matières constitutionnellement réglementaire.
[22] Voir infra.
[23] E. Quinart, Ibid. Cette assimilation ne nous apparaît pas fondée dans la mesure où la théorie des circonstances exceptionnelles a pour objet l’élargissement du pouvoir réglementaire en dehors de tout texte en cas de survenance d’un évènement imprévisible. Or ici il y a bien un texte qui prévoit cette extension de compétence, à savoir la Constitution, et l’imprévisibilité peut apparaître discutable dans la mesure où juridiquement, la Constitution a prévu ce cas et, factuellement, il est probable que le recours aux ordonnances découle d’un enlisement progressif de la procédure budgétaire.
[24] P. Amselek, Le budget de l’Etat, Bibliothèque de science financière, LGDJ, 1967, Paris, p. 513-514.
[25] Par ex. R. Muzellec et M. Conan, Finances publiques, 16ème Edition, Sirey, 2013, p. 42 ou A. Baudu, Droit des finances publiques, Coll. HyperCours, 3ème Edition, Dalloz, p. 310.
[26] Ressort d’une lecture combinée des articles 21 et 47 de la Constitution du 4 octobre 1958.
[27] Art. 13 de la Constitution du 4 octobre 1958.
[28] Documents pour servir à l’Histoire… Ibid., p. 280.
[29] Obligation cependant pas toujours admise. Par ex. P. Amselek, Ibid., 514-515.
[30] « Le Conseil d’Etat participe à la confection des lois et ordonnances. Il est saisi par le Premier ministre des projets établis par le Gouvernement. »
[31] F. Luchaire, Le Conseil constitutionnel. Organisation et Attributions, t. I, 2ème Edition, Economica, 1997, Paris, p. 121-122.
[32] CC, 62-20 DC, « Loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962 », 6 novembre 1962.
[33] CC, 2003-469 DC, « Révision constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République », 26 mars 2003.
[34] CE, « Compagnie des chemins de fer de l’Est et autres », 6 décembre 1907, publié au Recueil Lebon.
[35] M. Long, P. Weil, G. Braibant, P. Delvolvé et B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, 23ème édition, Dalloz, 2021, Paris, p. 107-110.
[36] CE, Sect., « Société Eky », 12 février 1960, publié au Recueil Lebon.
[37] CE, Ass., « Rubin de Servens », 2 mars 1962, publié au Recueil Lebon.
[38] CE, Ass., « Union des véhicules industriels », 25 juin 1937, publié au Recueil Lebon.
[39] CE, Ass., « Fédération nationale des syndicats de police », 24 novembre 1961, publié au Recueil Lebon.
[40] CE, Ass., « Canal, Robin et Godot », 19 octobre 1962, publié au Recueil Lebon.
[41] A.N., Rapport (n° 752) sur le projet de loi (n° 710) portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale, par M. Etienne Blanc, député, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mars 2003, p. 28.
[42] Le professeur Gaucher en 1965 s’opposait à un tel rapprochement (Ibid., p. 35-38). Il avançait trois arguments. Le premier tenait au fait que la défaillance du Parlement à laquelle l’usage des articles 16, 92 et 47 de la Constitution est suspendu n’est pas de même nature. Le deuxième résultait du fait que les ordonnances de l’article 92 ont « force de loi » là où rien n’est dit s’agissant de celles de l’article 47. Le troisième découlait de l’analogie entre ordonnances référendaires, dont l’habilitation est directement consentie par la Nation, et ordonnances budgétaires, où là encore l’habilitation est consentie directement par la Nation. Ces arguments n’emportent pas la conviction. Le premier tient selon nous plus à un argument de fait qu’à un argument de droit. Le deuxième perd de sa force si on se réfère aux mesures prises sur le fondement de l’article 16 dont la nature législative a pu être reconnue par le Conseil d’Etat malgré l’absence de mention expresse de cette valeur dans la Constitution. Le dernier est contestable puisqu’il assimile l’exercice du pouvoir législatif à exercice du pouvoir constituant. Or, c’est précisément sur ce critère que se fonde le Conseil d’Etat pour établir la nature législative des dispositions qui lui sont soumises.
[43] Ce parallèle pouvait par exemple être fait par Paul Amselek. Ibid., p. 510.
[44] Bonald, 1816. Cité par G. Jèze, « Le budget au point de vue juridique », RSLF, 1907, p. 345.
[45] P.-H. Teitgen, Ibid., p. 189.
[46] CE, Ass., « Blotzheim », 18 décembre 1998, publié au Recueil Lebon.
[47] Décision du 23 avril 1961, JORF, 24 avril 1961, p. 3876.
[48] « Les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures ».
[49] La promulgation conditionne l’entrée en vigueur de la loi sous réserve de sa publication au journal officiel. G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 9ème Edition, Paris, 2011.
[50] Art. 1er du décret n° 59-635 du 19 mai 1959 relatif aux formes de promulgation des lois par le Président de la République, JORF, 20 mai 1959.
[51] A. Guigue, « Le recours au principe de continuité de la vie nationale par le Conseil constitutionnel lors du contrôle des projets de loi de finances », G&FP, n° 5, 2023, p. 22.
[52] J-P. Markus, « La continuité de l’Etat en droit public interne », RDP, n° 4, 1999, p. 1078-1107.
[53] Sur ces questions voir. P. Amselek, Ibid., p. 496-502.
[54] H. Message, L’Assemblée Nationale et les lois de finances, Connaissance de l’Assemblée, n° 3, 2ème Edition, 2000, p. 79.
[55] L. Tallineau, « Les distinctions liées au caractère obligatoire des documents accompagnant le projet de loi de finances de l’année », Études de finances publiques. Mélanges en l’honneur de M. le Professeur Paul- Marie Gaudemet, Economica, 1984, Paris, p. 164-165.
[56] CC, 2023-862 DC, « Loi de finances pour 202 », 28 décembre 2023, cons. 10.
[57] E. Quinart, Ibid.
[58] Notons, en anticipant un peu sur la suite, que l’inefficacité du contrôle fut un argument avancé par le commissaire au gouvernement Henry pour refuser de contrôler la décision de recourir à l’article 16 de la Constitution. J.-F. Henry, Concl. ss. C.E., Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, RDP, 1962, p. 307-308 et 314.
[59] J-P. Camby, « L’intérêt du parlementaire à agir devant le juge administratif », RDP, 2013/1, p. 97-106.
[60] D. Labetoulle, « Le recours pour excès de pouvoir du parlementaire », Revue juridique de l’économie publique, n° 675, 1er mai 2010, p. 2 et s.
[61] Proposition de loi (n° 696) tendant à reconnaitre aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat un intérêt à agir en matière de recours pour excès de pouvoir, , par Jean-Claude Renier et autres, sénateurs, enregistré à la Présidence du Sénat le 16 juin 2021; Proposition de loi (n° 756) relative à l’intérêt à agir des parlementaires, par Jérémie Iordanoff et autres, députés, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2024.
[62] Ce refus résulte selon nous du fait que les auteurs appréhendent en règle générale l’ordonnance comme un bloc monolithique et n’opère pas la distinction que nous avons opéré entre la décision de recourir aux ordonnances et le contenu des ces ordonnances. A notre connaissance, le seul auteur à avoir esquissé cette distinction est Emilien Quinart. E. Quinart, Op cit.
[63] Par ex. R. Chapus, Droit administratif général, Tome 1, Coll. Domat Droit public, Montchrestien, 15ème Edition, 2001, p. 947-950.
[64] Par ex. G. Vedel, Op. Cit., p. 512-515.
[65] Y. Gaudemet, Droit administratif, 25ème Edition LGDJ, 2024, Paris, p. 155.
[66] Outre la décision de recourir à l’article 16 de la Constitution, nous pouvons penser aux « mesures prises par le gouvernement dans l’exercice de son droit d’initiative des lois (dépôts ou retraits de projets de lois, abstention ou refus d’en déposer » ou encore aux « décrets de promulgation des lois ». R. Chapus, Ibid., p. 950-951.
[67] R. Poirot, « La garantie constitutionnelle de la continuité budgétaire », La Semaine juridique, Edition générale, n° 43-44, octobre 2024, doctr. 1288.
[68] A cet égard d’ailleurs, le passage à la session ordinaire unique en 1995 fait tomber l’argument résultant de l’absence de réunion du Parlement après la fin décembre et de l’impossibilité qui en découle de sanctionner le gouvernement.
[69] O. Boyer, Le contrôle de constitutionnalité des lois de finances. Contribution à l’étude du droit des finances publiques, thèse pour le doctorat, soutenue à Aix-en-Provence le 8 novembre 2024, 673 p.

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