Au sein de la fonction publique, les autorisations spéciales d’absence souffriraient-elles d’un handicap ?
Par Alexis DEPRAU :: Fonction publique
Résumé : Afin de participer au maintien dans l’emploi des agents en situation de handicap, le droit de la fonction publique n’autorise officiellement aucune autorisation spéciale d’absence (ASA) en vue du suivi et de la réalisation de soins à l’hôpital pour ces agents. Quelle solution ces agents ont-ils afin de ne pas perdre une journée de congés classiques pour des soins ou une somme financière propre à chaque journée non rémunérée à cet effet. Par cette étude, différents mécanismes juridiques sont explorés afin d’envisager ou non, la possibilité d’autorisations spéciales ou de dispositifs équivalents en vue des soins et du suivi des agents handicapés.
« Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » Ce monologue de Don Diègue dans le Cid de Corneille pourrait tristement s’appliquer pour toutes les personnes handicapées, attendant encore et toujours que les mesures de prise en compte du handicap soient édictées, et appliquées. Effectivement, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés le lundi 10 février 2025 à Paris, à la veille du vingtième anniversaire de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (dite « loi handicap »), afin de réclamer que le texte soit totalement, sinon correctement appliqué.
Malgré des avancées en matière d’accessibilité, de compensation et d’égalité des droits et des chances, elle n’intègre pas le changement de paradigme appelé par la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) du 13 décembre 2006 – ratifiée par la France en 2010 –, dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques du handicap. Le Comité européen des droits sociaux n’a-t-il pas d’ailleurs conclu – à l’unanimité – le 17 avril 2023, à la violation par la France des articles 11.1 (accès aux services de santé), 15.1 (inclusion scolaire), 15.3 (accès à l’aide sociale, intégration sociale et participation citoyenne) et 16 (accessibilité universelle) de la Charte sociale européenne du 18 oct. 1961 dans la mise en œuvre d’une véritable politique inclusive.
Hélas, le handicap reste la première cause de saisine du Défenseur des droits pour la huitième année consécutive. Si le handicap ne représente que 9% des réclamations au total (Défenseur des droits, Rapport annuel d’activité 2024, p. 12), la discrimination en raison du handicap reste le premier critère de réclamation (22%), loin devant les discriminations en raison de l’origine (15%), ainsi que les autres critères (Ibid., p 13). A plus forte raison, la répartition des réclamations concerne pour 21% des cas le secteur privé, et 24 % pour le secteur public (Ibid.), ni plus ni moins qu’un quart des réclamations.
C’est en effet pour compenser l’inégalité induite par la situation de handicap, que les aménagements nécessaires doivent être mis en œuvre afin de permettre aux agents handicapés de ne pas se sentir en situation d’inégalité avec les autres agents. Au cœur de ces aménagements résident les autorisations spéciales d’absence (ASA), qui sont regrettablement absentes alors que la population concernée nécessite des absences relatives au suivi et aux soins liés à leur pathologie. Ne pas se focaliser sur les seules ASA existantes nous aide à élargir une réflexion sortant du pur cadre du droit de la fonction publique pour envisager des dispositifs annexes, cela toujours en vue du respect du principe du maintien dans l’emploi.
I/ Un droit de la fonction publique aménagé en faveur des agents handicapés
Si la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires n’avait pas omis les fonctionnaires en situation de handicap, des avancées notables notamment en matière de recrutement et d’évolution professionnelle des agents handicapés sont observables depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, sans oublier l’existence d’aménagements raisonnables.
A/ Une avancée notable depuis la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique
Le rapport sur le handicap dans la fonction publique, intitulé « Donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique » est fondamental, puisqu’il est le premier sur le sujet permettant de transcrire par écrit mais également de verbaliser ce que beaucoup d’agents en situation de handicap attendaient, mais il a également influencé l’ajout de dispositions relatives à la prise en compte du handicap dans la loi de transformation de la fonction publique promulguée un an plus tard (L. n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, dite « loi TFP »). Pour autant, un immense regret tient au fait que, « malgré leurs capacités d’expertise, les associations représentant les personnes handicapées ne sont pas suffisamment associées aux réformes de la fonction publique. Le fait que la concertation menée par la DGAFP n’ait concerné que les employeurs publics et les organisations syndicales, acteurs du dialogue social en est l’illustration. » (C. Di Folco, Rapp. d’information sur le handicap dans la fonction publique, Sénat, n°520, 22 mai 2019, p. 21).
C’est ce rapport qui a plaidé pour une meilleure structuration de la politique du handicap dans la fonction publique, afin de sortir de démarches individuelles, en vue de garantir la pérennité de cette politique publique, mais encore en proposant « de reconnaître le rôle des référents handicap et de favoriser leur professionnalisation, au bénéfice de l’insertion et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés » (Ibid.,p. 28). Une proposition suivie avec la loi n°2019-828 du 6 août 2019 précitée, qui a instauré le référent handicap dans la fonction publique, chargé d’accompagner l’agent tout au long de sa carrière et de coordonner les actions menées par son employeur en matière d’accueil, d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées (art. 92).
Ont par ailleurs été instaurés des dispositifs en faveur des agents déjà recrutés, ou des futurs agents dans le cadre du recrutement. Comme l’avait d’ailleurs rappelé le Conseil d’État, les mesures du projet de loi de transformation de la fonction publique en faveur des agents de situation de handicap ont notamment pour but « de supprimer la disposition, figurant actuellement dans chaque loi statutaire, qui subordonne le droit de ne pas écarter d’un concours ou d’un emploi public en raison d’un handicap à la condition d’avoir été orienté en milieu ordinaire de travail » (CE, avis, 21 mars 2019, n°397088, § 31).
Les dispositifs spécifiques (et dérogatoires) de prise en compte du handicap la loi n°2019-828 du 6 août 2019 précitée (art. 90 à 92), ont prévu que les modalités d’application soient précisées, avec les décrets nos 2020-523 du 4 mai 2020 relatif à la portabilité des équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail et aux dérogations aux règles normales des concours, des procédures de recrutement et des examens en faveur des agents publics et des candidats en situation de handicap ; 2020-530 du 5 mai 2020 fixant pour une période limitée (jusqu’au 31 décembre 2025) les modalités de titularisation dans un corps ou cadre d’emplois de la fonction publique des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés à l’issue d’un contrat d’apprentissage ; et 2020-569 du 13 mai 2020 fixant pour une période limitée les modalités dérogatoires d’accès par la voie du détachement à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure instituées en faveur de ces mêmes fonctionnaires.
Salués, ces dispositifs nécessitent nonobstant quelques commentaires. En premier lieu, les mesures instaurées par les décrets précités ne le sont qu’à titre expérimental (i. e. jusqu’au 31 déc. 2025), sans qu’il ne soit pour le moment prévu de pérenniser ces dispositifs.
En deuxième lieu, ces mesures souffrent dans la réalité de difficultés dans leur mise en œuvre car, « la pratique montre toutefois que l’appareillage technique d’assistance est souvent inapproprié et que l’aide individuelle a parfois peu de compétences pour “compenser” le handicap du candidat » (A. Taillefait « Les personnes en situation de handicap : devenir et être fonctionnaires », RDSS 2023 p.23).
En troisième lieu, bien que ces dispositions aient facilité le recrutement d’agents handicapés, il en ressort néanmoins – encore – la présence de discriminations lors de leur recrutement, à l’image d’une candidate au poste d’animatrice et de soutien scolaire au sein d’une école primaire, écartée en raison de son incapacité à se déplacer sans béquille et de la prétendue incompatibilité de son handicap avec les fonctions envisagées, motif qui lui a été opposé par le service des ressources humaines par message téléphonique. Cet acte constitutif d’une discrimination, a justifié de recommander au maire de la commune une indemnisation des préjudices subis (déc. DDD n°2022-211 du 6 mars 2023).
En quatrième et dernier lieu, bien que ces éléments eussent été salués en ce qu’ils allaient dans un sens favorable à l’égard des agents concernés (v. A. Deprau, Emploi et handicap dans la fonction publique, Berger-Levrault, Boulogne-Billancourt, 2023), de nombreuses avancées méritent d’être exécutées, notamment le recrutement sur des postes qualifiés, car « il ne s’agit pas de recruter plus mais de recruter mieux » (Entretien pour AEF Info, dépêche n°705344, 15 janv. 2024). Cela, que ce soit pour les postes ouverts au contrat en vue d’une titularisation (D. n°2020-530 du 5 mai 2020 préc.) ou de promotion par la voie du détachement handicap (D. n°2020-569 du 13 mai 2020 préc.) ne concernant majoritairement que des postes de catégorie B ou C, moins souvent de catégorie A, sinon très rarement pour les postes A+. Plus difficile sera encore la lutte contre les stéréotypes, qui « découlent souvent d’une méconnaissance sur le sujet » (A. Deprau, Entretien pour Acteurs publics, 4 déc. 2023), d’autant plus dans une situation de handicap invisible.
Peut-être est-ce en raison d’un ou plusieurs de ces éléments que la Direction générale de l’administration et de la fonction publique lança récemment une concertation sur la gestion du handicap dans la fonction publique, articulée autour de deux objectifs : revoir la gouvernance et, mobiliser plus de leviers d’action au bénéfice des agents handicapés (dont le second point porte sur « Mieux garantir le maintien dans l’emploi »). L’écueil tient ici au fait que le rapport traite dans sa quasi-totalité du reclassement, avec en tout et pour tout deux pages (sur les 86) pour l’aménagement de poste et l’aménagement raisonnable (DGAFP, Le maintien dans l’emploi des agents publics de l’État, 2025, p. 9-10). Une initiative ambitieuse afin de prendre en compte le handicap en matière de recrutement, un point fondamental. Encore faut-il cependant que le maintien dans l’emploi soit effectif.
C’est parce que la question du maintien dans l’emploi se pose, que la loi n°2019-828 du 6 août 2019 précitée a institué le référent handicap au sein de la fonction publique. Une fonction indispensable pour l’aide et l’accompagnement des agents handicapés tout au long de leur carrière, ainsi que la coordination des actions menées par l’employeur public en matière d’accueil, d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées (CGFP, art. L. 131-9). Dans la mesure où l’une de ses missions consiste à « favoriser l’insertion, le maintien dans l’emploi et accompagner les agents en situation de handicap tout au long de leur carrière, notamment pour leurs mobilités et progression professionnelle » (Circ. du 17 mars 2022 relative à la mise en place de la fonction de référent handicap dans la fonction publique de l’Etat, NOR : TFPF2205849C), le référent handicap peut être appréhendé comme un « pilier » dans la démarche du maintien dans l’emploi et de l’aménagement raisonnable, dont la mise en œuvre s’avère potentiellement délicate, surtout lorsqu’il s’agit d’autorisations d’absence relatives à des soins hospitaliers récurrents.
D’une part, les contours de l’aménagement raisonnable, définis aussi bien par le législateur que par la jurisprudence, méritent quelques précisions quant à l’aménagement du temps de travail pour des absences contraintes. D’autre part, la délivrance d’autorisations spéciales d’absence pour les agents handicapés est encore absente, sinon contingentée en raison de conditions ouvrant à des débats juridiques, notamment lorsqu’il s’agit de s’inspirer du droit du travail pour légitimer ces autorisations d’absence.
B/ Du maintien dans l’emploi grâce au principe de l’aménagement raisonnable
Selon la directive du Conseil du 27 novembre 2000 n°2000/78/CE portant sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (art. 5), les aménagements raisonnables pour les personnes handicapées ont pour objet de garantir le respect du principe d’égalité de traitement. À savoir que l’employeur doit prendre les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, de permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou qu’une formation lui soit dispensée, sauf s’il s’avère que ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée.
La notion d’aménagement raisonnable du poste des personnes en situation de handicap a été codifiée dans notre droit interne (CGFP, art. L. 131-8). Une notion entendue comme une mesure d’égalité de traitement incluant notamment l’aménagement, l’accès et l’usage de tous les outils numériques concourant à l’accomplissement de la mission des agents (dont les logiciels métiers et de bureautique et/ou les appareils mobiles). En d’autres termes, l’aménagement raisonnable s’inscrit dans un contexte d’égalité de traitement des situations et de l’appréciation des moyens à la portée de l’employeur. De sorte que les projets d’aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail devront faire l’objet d’une consultation de la formation spécialisée du comité social d’administration (D. n°2020-1427 du 20 nov. 2020 relatif aux comités sociaux d’administration dans les administrations et les établissements publics de l’État, art. 69). Similaire en grande partie à l’aménagement raisonnable du droit du travail (C. trav., art. L. 5213-6), la différence tient néanmoins dans le fait – et c’est là où le bât blesse – que l’article L. 131-8 du CGFP ne prévoit pas, hélas, que le refus d’aménagement raisonnable puisse constituer une discrimination. Une rédaction insatisfaisante, qu’il est loisible au législateur de corriger.
Parce la définition française du handicap issue de la L. n°2005-102 du 11 févr. 2005 précitée ne retient qu’une vision médicale du handicap centrée sur la notion d’invalidité (CASF, art. L. 114), la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) n’a eu de cesse de recommander aux pouvoirs publics de remplacer cette définition par celle retenue dans la Convention relative aux droits des personnes handicapées. L’aménagement raisonnable y est entendu comme « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales » (CIDPH du 13 déc. 2006, art. 2).
L’obligation d’aménagement raisonnable recouvre tous les types d’aménagements : aménagements physiques et matériels, adaptation de l’organisation du travail, sensibilisation des équipes. Cette obligation de moyens renforcée s’impose à l’administration, sauf si cette dernière démontre que l’aménagement requis entraîne pour elle une charge disproportionnée, ce qui s’apprécie notamment au regard de la taille et des ressources financières de l’organisation et des aides susceptibles d’être mobilisées auprès du FIPHFP. Ce qui n’empêche pas le fait que l’absence d’aménagement raisonnable reste un possible harcèlement moral fondé sur le handicap, puisque la majorité des réclamations reçues par le Défenseur des droits portent sur des manquements à l’obligation d’aménagement raisonnable. Des réclamations qui, après examen attentif, mettent en avant des « manquements le plus souvent liés à une absence de diligence de l’employeur public, qui ne prend pas la mesure des enjeux pour l’agent, ainsi qu’à des lenteurs dans la mise en œuvre » (M. Doiselle, « Les 20 ans de la « loi Handicap » vus du Défenseur des droits : des avancées à parfaire », AJFP 2025 p.67).
L’administration est tenue, concernant le handicap, de prendre les règlements spécifiques et les mesures appropriées au cas par cas pour permettre l’accès de chaque personne handicapée à l’emploi auquel elle postule (CGFP, art. L. 131-1, L. 131-8 et suiv.). A cet effet, le Conseil d’Etat a rappelé aux autorités administratives qu’il leur incombe de prendre en compte les propositions d’aménagements de poste de travail ou de conditions d’exercice des fonctions justifiés par l’âge, la résistance physique ou l’état de santé des agents, que seuls les médecins du service de médecine préventive sont habilités à émettre (CE, 12 mai 2022, n°438121, AJDA 2022. 1005). Cela, sous réserve, d’une part, que ce handicap n’ait pas été déclaré incompatible avec l’emploi en cause et, d’autre part, que ces mesures ne constituent pas une charge disproportionnée pour le service (CE, 14 nov. 2008, n°311312, AJDA 2008. 2205 ; AJDA 2009. 380, concl. Keller). De plus, le retard pris par l’employeur dans l’aménagement des conditions de travail d’un agent handicapé ne justifie pas systématiquement l’octroi de la protection fonctionnelle dès lors que ce retard trouve une justification dans des considérations liées au fonctionnement du service. Ce retard ne sera pas non plus discriminatoire ou constitutif d’un harcèlement, puisqu’il ne révèle aucune intention en ce sens, et ne résulte enfin pas d’une prise en compte de la personne de l’agent ou de sa situation (CAA Paris, 4 déc. 2024, n°23PA00597 AJDA 2025. 376).
Dans une autre affaire, l’université avait pris différentes mesures d’aménagement du poste de travail au profit du travailleur reconnu handicapé. La faute ne fut pas démontrée dès lors que les mesures à prendre ont donné lieu à examen et consultation d’autorités diverses s’agissant du matériel et du fauteuil de bureau à commander, ainsi que des journées devant être libres, suivis d’un entretien pour évoquer tous ces points mais auquel l’intéressé ne s’est pas présenté (CAA Marseille, 9 janv. 2023, n°21MA00277). Une précision importante, si ce n’est salutaire – pour ce qui nous concerne – se rattache au rappel par le juge administratif dans cette affaire où les aménagements raisonnables ont certes trait à du matériel spécifique mis à la disposition des agents en situation de handicap, mais encore à des journées devant être libres pour les agents publics concernés. Rappelons-le, une journée d’hospitalisation ne pouvant et ne devant se voir comme une journée libre similaire à un congé, bien au contraire.
II/ Des autorisations spéciales d’absence pour les agents handicapés ?
Les autorisations d’absence sur des jours normalement travaillés sont octroyées en raison de conditions bien spécifiques, raison pour laquelle celles-ci ne sont accordées de droit qu’en vertu de dispositions législatives, en principe tout au moins, puisque dans le silence des textes, l’octroi de ces autorisations d’absence a nonobstant émergé parallèlement.
A/ Pas d’autorisation spéciale d’absence de droit hors les textes
L’autorisation spéciale d’absence (ASA) est un congé exceptionnel accordé à l’agent public pour différents motifs ou événements l’affectant, devant nécessairement intervenir sur un jour normalement travaillé. Pour exemple, les ASA relatives à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux (CGFP, art. L. 622-1). Cet exemple symptomatique est également le fruit d’une jurisprudence concernant l’octroi ou non de ces ASA, dont le fondement aurait pu, mais n’est pas, un moyen de justifier une absence pour soins en raison du handicap.
En matière d’octroi d’autorisations d’absence liées à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux donc (CGFP, art. L. 622-1), les agents publics bénéficient depuis 2023 (L. n°2023-622 du 19 juill. 2023, art. 2) d’une ASA de 12 jours ouvrables pour le décès d’un enfant, portée à 14 jours ouvrables lorsque l’enfant est âgé de moins de vingt-cinq, et quel que soit son âge si l’enfant décédé était lui-même parent, ou en cas de décès d’une personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont l’agent public a la charge effective et permanente (CGFP, art. L. 622-2).
Hormis la situation prévue aux articles L. 622-1 et L. 622-2 du CGFP, les autres ASA liées à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux, ou ASA « familiales », sont principalement accordées de droit en vertu de circulaires spécifiques à chaque situation. En revanche, les ASA facultatives sont laissées à l’appréciation de l’autorité hiérarchique, en vue de permettre à l’agent de répondre à une obligation durant un jour normalement travaillé (JOAN Q. n°112228 28 juin 2011 ; Rép. min. : JOAN 30 août 2011), sous réserve des nécessités de service et après justification du motif par l’intéressé.
Il est à noter qu’avant même leur codification au sein du CGFP, la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoyait qu’un décret en Conseil d’Etat (art. 21) définisse la liste des autorisations d’absence et leurs conditions d’octroi (obligation désormais inscrite dans CGFP, art. L. 9). Si un projet de décret relatif aux autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à certains événements familiaux et à l’aménagement horaire pour allaitement de l’enfant dans la fonction a été rédigé en 2020, celui-ci n’a jamais été édicté. Cette carence peut s’expliquer aujourd’hui en toute logique par la promulgation de la loi n°2025-595 du 30 juin 2025 visant à protéger les personnes engagées dans un projet parental des discriminations au travail qui a apporté des précisions sur les autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité (art. 2). Si l’article L. 622-1 du CGFP disposait jusqu’alors que « les agents publics bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité » sans autre précision, la loi du 30 juin 2025 précitée a modifié cet article en ajoutant après « parentalité », les dispositions « notamment les autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du Code du travail ». Preuve s’il en est, comme nous le verrons par la suite, que le droit de la fonction publique s’inspire bien du droit du travail (v. infra).
Une disposition relative au secteur privé désormais appliquée aux agents publics également, afin que ces derniers se voient octroyer une liste d’ASA liées à la parentalité, pour : les examens médicaux obligatoires dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l’accouchement ; l’assistance médicale à la procréation pour les actes médicaux nécessaires ; le conjoint de la femme enceinte ou de la personne bénéficiant d’une assistance médicale à la procréation ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle, pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires ou de ces actes médicaux nécessaires pour chaque protocole du parcours d’assistance médicale au maximum ; et les entretiens obligatoires nécessaires à l’obtention de l’agrément des agents engagés dans une procédure d’adoption. Sont donc enfin régularisées des situations initialement fixées par voies de circulaires, comme les autorisations d’absence liées à la maternité (Circ. du 21 mars 1996, NOR/FPP/A/96/1038C), ou liées à une assistance médicale à la procréation – PMA (circ. DGAFP du 24 mars 2017). Le législateur a par conséquent remédié à la carence de certaines ASA liées à la parentalité, sans pour autant traiter des autres ASA liés aux événements familiaux, aux situations personnelles d’ordre médical, ou enfin au handicap.
Quid du handicap ? Si des autorisations d’absence sont également prévues pour raison de santé (D. n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique), elles ont uniquement pour but d’autoriser les agents de se déplacer pour des examens médicaux, et des visites avec le médecin ou un autre membre de l’équipe pluridisciplinaire de la médecine du travail (art. 25). Ces examens médicaux obligatoires sont compris au titre des absences rémunérées, à la différence des rendez-vous médicaux non obligatoires, comprises comme des autorisations d’absence pour convenances personnelles non rémunérées.
Certes, les examens obligatoires prévus par la médecine du travail en vue de suivre les agents handicapés sont compris au titre des absences rémunérées. Il ressort pour autant que les ASA en raison du handicap demeurent toujours absentes des textes, au détriment des agents, les premiers concernés. Une carence à laquelle il serait également loisible au pouvoir réglementaire de remédier, hors autres solutions envisagées.
B/ Des autorisations spéciales d’absence envisagées avec d’autres solutions
Face à cette carence, il est revenu à chaque administration employeur des trois versants de la fonction publique de définir sa doctrine justifiant l’octroi d’ASA facultatives, à savoir non prévues par les textes. Mais c’est en dernier lieu au juge administratif qu’il appartient d’apporter des éléments de précision à ce sujet, si ce n’est de fixer une jurisprudence dans l’attente d’une éventuelle codification ou réglementation. Dans une décision de principe, les agents de la fonction publique territoriale peuvent, sur décision du chef de service, bénéficier d’autorisations spéciales d’absence n’entrant pas en compte dans le calcul des congés annuels à l’occasion de certains événements, alors même que les dispositions (i. e. L. n°84-53 du 26 janv. 1984, art. 59) n’ont pas fait l’objet du décret d’application nécessaire à leur entrée en vigueur (CE, 20 déc. 2013, n°351682, Féd. autonome FPT, AJDA 2014. 9, JurisData n°2013-030000). Même si le débat est ouvert concernant son application pour les fonctions publiques d’Etat et hospitalière, en tant que cette jurisprudence concerne la fonction publique territoriale, il n’est pas inutile de rappeler que la disposition servant de fondement à la décision attaquée est applicable aux agents des trois versants de la fonction publique. En effet, avant sa codification au sein du CGFP (art. L. 622-1), elle se retrouvait au sein de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 précitée (art. 21, al. 9).
Récemment, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que les délibérations du conseil municipal de Grenoble et du conseil métropolitain de Grenoble Alpes Métropole visant à créer de nouvelles autorisations spéciales d’absence pour leurs agents étaient entachées d’irrégularité pour incompétence (TA Grenoble, ord., 17 janvier 2025, n°2500479, Préfète de l’Isère, AJFP 2025 p.219). Il en va de même de l’irrégularité pour incompétence du conseil municipal de Blagnac concernant les « congés menstruels » (TA Toulouse, 15 avr. 2025, n°2502178).
En revanche, il est loisible aux chefs de service de ces collectivités de mettre en place légalement, au titre de leur pouvoir réglementaire (CE Sect., 7 févr. 1936, Jamart, Rec. 172, S. 1937.3.113, note Rivero) et sur le fondement de l’article L. 622-1 du CGFP, les ASA « 2ème parent », et « interruption de grossesse » (TA Grenoble, ord., 17 févr. 2025, n° 2500481, Préfète de l’Isère, AJFP 2025 p.219). Parce que ces autorisations ne sont pas étrangères aux catégories « parentalité » et « évènements familiaux » fixées par l’article L. 622-1 du même Code, elles peuvent être accordées par le chef de service (CE, 20 déc. 2013, n°351682, op. cit.). Il en ira autrement de l’ASA dite « santé menstruelle » qui ne présente pour le juge, aucun lien avec ces catégories (TA Toulouse, 15 avr. 2025, n°2502178).
En reprenant le considérant la décision de principe du 20 décembre 2013, les tribunaux administratifs ont non seulement admis cette éventualité pour le chef de service, et cela également « dans le silence des textes ». A ainsi été jugée légale l’ASA de huit jours ouvrables accordée aux fonctionnaires territoriaux qui se marient ou se pacsent, alors que la durée de l’ASA dont les agents de l’Etat peuvent bénéficier dans la même situation est limitée à cinq jours, dès lors que cette dernière durée ne résulte pas des dispositions légales ou réglementaires applicables mais du seul chef de service (TA Melun, 11 juill. 2024, n°2309586, Préfet Val-de-Marne ; TA Montreuil, 9 janv. 2015, n°2309761).
Concernant plus précisément notre étude, par deux jugements du tribunal administratif de Toulouse, les délibérations du conseil municipal de Toulouse (TA Toulouse, 13 déc. 2024, n°2407309) et du conseil métropolitain de Toulouse métropole (TA Toulouse, 13 déc. 2024, n°2407308) instaurant une autorisation d’absence pour la réalisation de soins en rapport avec le handicap ont été annulées pour défaut de base légale. Des décisions assises sur le même fondement juridique que les affaires précédemment citées, qui n’auraient cependant pas connu l’annulation si l’autorité hiérarchique avait été – en toute hypothèse – à l’origine des autorisations d’absence.
A titre anecdotique, l’octroi de autorisations relève également de la compétence de l’autorité hiérarchique en matière de célébrations religieuses, car « il appartient toutefois au chef de service d’apprécier au cas par cas si l’octroi d’une autorisation d’absence sollicitée par un agent pour participer à une fête autre que l’une des fêtes religieuses légales est compatible avec les nécessités du fonctionnement normal du service » (CE, 26 oct. 2012, n°346648, §9 : Lebon T. ; AJDA 2012. 2033 ; AJFP 2013. 110, et les obs. ; ibid. 195, note R. Matta-Duvignau). Sans compter que pour cette situation, la circulaire du 10 février 2012 fixe les autorisations d’absence pouvant être accordées à l’occasion des principales fêtes religieuses des différentes confessions (NOR : MFPF1202144C).
Se pose alors la question de pallier cette carence par l’édiction de circulaires. Il s’avère que dans la fonction publique de l’Etat, des notes de service et circulaires ont suppléé à cette carence, textes autant bienvenus qu’insatisfaisants, convenons-en. En effet, non seulement le régime des autorisations d’absence est « un élément du statut des fonctionnaires et ne peut dès lors être réglementé par voie de circulaire » (CE, 12 mars 1982, n° 32792 ; CE, 10 juill. 1985, n° 44319), mais les circulaires et notes de service ne peuvent, ni accorder de droits à bénéficier de ces autorisations d’absences, ni fonder un refus opposé par l’administration à une telle demande (CE, 30 janv. 2019, n°410518).
Lors d’une situation exceptionnelle certes, des autorisations spéciales d’absence ont toutefois été octroyées par les chefs de service lors de la crise sanitaire (Circ. du 12 janv. 2021 relative aux mesures destinées à inciter à l’auto-isolement des agents de la fonction publique de l’Etat dans le cadre de la Covid-19). Surtout, le projet de décret relatif aux autorisations d’absence liées à la parentalité (v. supra), et surtout la modification de l’article L. 622-1 du CGFP (par la L. n°2025-595 du 30 juin 2025 préc.) ne vient que régulariser une situation où ces autorisations d’absence étaient consenties par le biais de circulaires, notamment les autorisations d’absence liées à la maternité, ou à une assistance médicale à la procréation – PMA (v. supra). Par ces éléments, rien ne pourrait alors interdire de trancher en faveur de la possibilité de fixer par voie de circulaire ces autorisations d’absences en raison des soins liées au handicap, puisqu’elles sont déjà mises en place dans la pratique au sein de nombreuses administrations.
Un espoir – vain – aurait pu dès lors être envisagé avec le projet de circulaire relative au renforcement de la politique de prévention des absences pour raison de santé dans la fonction publique. Mais cette circulaire faisait essentiellement état en substance d’un recueil des bonnes pratiques mises en place par les employeurs publics en matière de maintien et de retour à l’emploi, sans que la réflexion ne soit plus poussée concernant les absences justifiées des agents en situation de handicap.
Quand bien même la solution actuelle est juridiquement débattue dans sa mise en œuvre, ou a contrario acceptée, la jurisprudence reste un moyen intéressant de parer l’éventualité de l’ASA handicap. En effet, même en l’absence de texte règlementaire d’application édicté, il pourra revenir au chef de service, « dans le silence des textes » (CE, 20 déc. 2013, n°351682, op. cit.), de fixer les règles applicables en la matière aux agents concernés, cette fois-ci plus probablement sur le fondement de l’article L. 131-8 du CGFP relatif à l’aménagement raisonnable, que sur celui de l’article L. 622-1 du CGFP.
III/ S’extirper du droit de la fonction publique pour concevoir des pistes d’amélioration
Pistes d’amélioration ou de réflexion, le droit du travail peut, non sans grand étonnement (v. infra) devenir une source d’inspiration en vue de suppléer certaines carences. Il en va de même concernant le droit de la sécurité sociale
A/ Le droit du travail comme source d’inspiration ? Oui, mais…
Pourquoi ne pas s’inspirer du code du travail ? Telle est la proposition du rapporteur public Xavier Jégard au tribunal administratif de Nantes (conclusions pour l’affaire TA Nantes, 7 févr. 2023, n°1905809). Assurément, « ce n’est pas parce que rien n’est prévu par le texte concernant spécifiquement les agents non titulaires qu’il serait incongru de se référer aux principes dont s’inspire le code du travail – c’est bien d’ailleurs ce que le Conseil d’Etat a fait dans l’avis précité [CE 25 sept. 2013, n° 365139] – parmi lesquels figurent l’ancienneté des salariés licenciés (C. trav., art. L. 1233-5) » (X. Jégard, « Annulation d’une mesure de licenciement fondée de manière indirecte sur le handicap de l’agent », AJFP 2023 p.513).
Plusieurs commentaires s’imposent dans le prolongement des propos éclairants du rapporteur public. Le droit du travail au secours du maintien dans l’emploi dans la fonction publique s’observe tout d’abord avec l’article L. 1226-5 du Code du travail en vertu duquel tout salarié atteint d’une maladie grave au sens du 3° et du 4° de l’article L. 160-14 du Code de la sécurité sociale (affection longue durée – ALD, ou affection grave entraînant un état pathologique invalidant) bénéficie d’autorisations d’absence pour suivre les traitements médicaux rendus nécessaires par son état de santé.
Une solution qui serait positivement accueillie si cette disposition avait vocation à s’appliquer aux agents publics. Alors que dans le secteur privé, les salariés ont la faculté d’obtenir, grâce à des clauses spécifiques, des autorisations d’absences rémunérées pour bénéficier de soins médicaux nécessaires au bon suivi de leur maladie longue durée, les fonctionnaires ne disposent que d’autorisations d’absences non rémunérées en vertu de ce même article L. 1226-5 du Code du travail. Cette situation entraîne de facto des inégalités entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé, de nombreux agents se retrouvant dans la nécessité d’utiliser des congés payés annuels afin de s’absenter pour se soigner. Il est malheureusement évident que cette situation concerne aussi les salariés du secteur privé ne bénéficiant pas de ces clauses spécifiques au sein de leur entreprise. C’est pourquoi le ministre du Travail a été interrogé sur l’impossibilité d’obtenir des autorisations d’absence pour les fonctionnaires en cas de maladie longue durée en vue de suivre un traitement. La question consistait alors de savoir quelles étaient les solutions pouvant répondre à ce problème touchant les personnes atteintes d’ALD (JOAN, Q. n°8637, 6 juin 2023, p. 5093). Même si l’objet de la question du député concernait le caractère non rémunéré de ces périodes d’absence pour les fonctionnaires, il eut été intéressant d’avoir des éclaircissements de la part du ministre.
Il n’y en eut malheureusement aucun. Sans jamais évoquer les ASA dont bénéficieraient les agents publics en application des dispositions de l’article L 1226-5 du Code du travail, la réponse ministérielle n’apporta aucune réponse, ou à tout le moins fut-elle éludée, puisqu’elle porta sur le droit à congé des fonctionnaires, que ce soit le congé de longue maladie (CLM), le congé de longue durée (CLD), le temps partiel thérapeutique, ou les aménagements de poste (JOAN, Q. n°8637, 5 déc. 2023, p. 10997)
Il n’est pas déraisonnable d’observer ensuite une « travaillisation » de la fonction publique justifiant l’application de l’article L. 1226-5 du code du travail pour les agents publics. Cette travaillisation ou incorporation d’éléments du code du travail au sein du droit de la fonction publique est en outre démontrée avec la loi de transformation de la fonction publique précitée, en créant l’article 33 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 précitée. L’Etat est effectivement assujetti à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, prévue à l’article L. 5212-2 du code du travail, et dans les conditions fixées par les articles L. 5212-7 et L. 5212-10 du même code (aujourd’hui codifié à l’art. L. 351-1 CGFP). On retrouve notamment au sein du CGFP l’article L. 5212-2 faisant référence à l’obligation d’emploi.
Cet élément n’est pas étonnant, puisque les rédacteurs du CGFP ont expressément affirmé s’être inspirés – pour partie – du code du travail. « Le regroupement des dispositions figurant dans les livres II, VI, VII et VIII fait écho, mutatis mutandis, écrivent-ils, aux subdivisions que l’on retrouve dans les parties II, III et IV du code du travail » (E. Aubin et A. Taillefait, « Le code général de la fonction publique, much ado about nothing ? », AJFP 2022 p.318). Sans être le pendant du CGFP, cette travaillisation « vient ainsi graver dans le marbre la perspective d’un droit commun aux fonctionnaires et aux salariés ; le CGFP procédant à des renvois au code du travail » (Ibid.). Autre exemple, l’unique article du CGFP relatif au télétravail (art. L. 430-1) se fonde d’ailleurs sur les dispositions de l’article L. 1222-9 du code du travail relatif aux modalités d’application du télétravail.
Dans la mesure où l’article L. 1226-5 du code du travail se situe dans la Partie II qui fait écho aux dispositions figurant dorénavant au sein du CGFP, rien n’interdit donc une potentielle application de cette disposition à l’égard des agents publics, si tant est que cette reconnaissance soit effective et que ces autorisations d’absence soient rémunérées.
Dans le même ordre d’idées, le décret n°82-453 du 28 mai 1982 précité ne contient pas moins d’une quinzaine de références aux dispositions du code du travail, pérennisées avec le décret n°2020-1427 du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux d’administration dans les administrations et les établissements publics de l’Etat quand les comités d’hygiène et de sécurité au travail ont été remplacés par les formations spécialisées des comités sociaux d’administration.
Last but not least, la loi n°2025-595 du 30 juin 2025 précitée n’est-elle pas venue modifier l’article L. 622-1 du CGFP en se référant expressément aux « autorisations d’absence prévues à l’article L. 1225-16 du code du travail » s’agissant des autorisations d’absence liées à la parentalité au sein de la fonction publique (v. supra).
Si le droit de la fonction publique s’inspire bel et bien du droit du travail, pourquoi alors ne pas l’appliquer totalement au regard de l’art. L. 1226-5 C. trav ?
B/ Heureusement, le bulletin d’hospitalisation vaut arrêt de travail
Quand bien même la caisse d’Assurance Maladie considère que le bulletin d’hospitalisation (ou bulletin de situation – BS) fait office d’avis d’arrêt de travail, et lui permet de calculer et de verser à l’assuré des indemnités journalières, sous réserve de remplir les conditions d’ouverture de droits, aucun texte ne définit le régime juridique d’un bulletin d’hospitalisation.
Heureusement, une nouvelle fois, le juge a pu « trancher le nœud gordien ». La chambre sociale de la Cour de cassation (5 févr. 1998, n°95-13.338) a confirmé dans un arrêt notable que le bulletin d’hospitalisation équivalait à un arrêt de travail valide. De sorte que le salarié hospitalisé n’est pas tenu de fournir un arrêt de travail distinct pour justifier son absence pendant cette période, tant que les délais de transmission du bulletin à l’employeur et à la Sécurité sociale sont bien respectés. Dans le cas contraire, le non-respect du délai de quarante-huit heures peut entraîner des conséquences sur le versement des indemnités journalières, voire éventuellement sur le maintien du salaire par l’employeur (CSS, art. R321-2). Une position suivie, puisque la Cour d’appel de Paris a retenu dans une autre affaire que la société a discuté « vainement la pertinence de ces pièces dès lors qu’en cas d’hospitalisation, le bulletin d’entrée vaut arrêt de travail et il ne peut être reproché au salarié de ne pas avoir adressé ses justificatifs pendant la période d’hospitalisation » (9 déc. 2010, n°09/02418).
La loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 (art. 115) a cependant réintroduit un jour de carence pour le versement de la rémunération au titre du congé de maladie des agents publics civils et militaires, notamment pour les congés de maladie accordés postérieurement à un premier congé de maladie au titre d’une même affection de longue durée (CSS, art. L. 324-1), pour une période de trois ans à compter de ce premier congé de maladie (Circ. du 15 fév. 2018 relative au non versement de la rémunération au titre du premier jour de congé de maladie des agents publics civils et militaires, NOR : CPAF1802864C). De la sorte, en cas d’arrêts de travail successifs liés à une même affection de longue durée (ALD), le délai de carence ne s’applique qu’une seule fois au cours d’une même période de trois ans à partir du premier arrêt de travail lié à cette ALD.
Un dispositif approprié, le seul aujourd’hui permis pour les agents dont le suivi des soins à l’hôpital est nécessaire, il n’en reste pas moins insatisfaisant. Non seulement cette procédure doit être connue de tous les gestionnaires des ressources humaines confrontés à une telle demande. Mais encore, si l’agent concerné n’est titulaire que d’une seule reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), ce dernier ne bénéficiera pas du dispositif en tant que la condition sine qua none est d’être atteint par une affection de longue durée.
Une solution honorable pour les agents publics apparaît à l’heure actuelle avec l’utilisation du bulletin de situation valant arrêt de travail. Insatisfaisante, la présente étude a entendu déployer le champ des possibles afin que les agents publics en situation de handicap (près de 260 000 agents employés au titre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, OETH) se voient accorder décemment une autorisation d’absence afin d’être examinés, suivis et traités à l’hôpital au regard des diverses pathologies pouvant les affecter. Dans le meilleur des mondes, il serait loisible que le législateur intervienne en vue d’étendre l’article L. 1226-5 du Code du travail, ou que le pouvoir réglementaire se fonde sur l’article L. 131-8 du CGFP pour justifier ces autorisations d’absence au titre de l’aménagement raisonnable. Mais doit-on y voir potentiellement certaines réticences à l’égard des agents en situation de handicap, quand la dernière modification de l’article L. 622-1 s’est uniquement concentrée sur les événements familiaux, en vue de régulariser des absences auparavant accordées par voie de circulaires ?
En tout état de cause, les transformations de la vie politique appellent à des évolutions, quel que soit le domaine. Aussi, au regard du handicap, il n’est pas incongru de citer le Professeur Georges Burdeau qui, pour ce qui avait trait aux constitutions certes, indiquait toutefois que « la politique ne souffre d’autres lois que celles des possibilités et des besoins »[1]. Une évolution de la politique publique du handicap serait dès lors heureuse, surtout pour ce qui a trait aux autorisations spéciales d’absence qui, rappelons-le, ne sont pas des moments ouverts à l’oisiveté, mais bien concentrés sur le traitement des agents pour des pathologies parfois invalidantes, si ce n’est déjà fortement gênantes au quotidien.
Le temps politique étant redevenu calme après les soubresauts des différents remaniements et de la dissolution, une heureuse situation pourrait germer de la volonté des décideurs, aussi bien le législateur que le pouvoir réglementaire afin de régler une situation justifiée par la nécessité de la prise en compte du handicap dans la fonction publique.
[1] Georges Burdeau, « Une survivance : la notion de Constitution » in L’évolution du droit public : études offertes à Achille Mestre, Sirey, Paris, 1956, p. 53-6

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