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22 10 2023

La vie longue et tourmentée de la jurisprudence Couitéas

Rendu le 30 novembre 1923 par le Conseil d’État, l’arrêt Couitéas[1] fête ses cent ans cette année. Cet arrêt à l’âge respectable portait sur la conséquence de la non-effectivité d’une décision de justice et plus précisément sur la façon dont un requérant peut obtenir réparation en cas de refus de concours de la force publique dans l’exécution d’une décision de justice régulière. Destiné à une application limitée (I), l’arrêt Couitéas a finalement été déployé au-delà de son cadre (II) et reste encore aujourd’hui classé parmi les grands arrêts du droit administratif.

I) L’apport jurisprudentiel de Couitéas strictement encadré

De la jurisprudence Couitéas découlent des principes strictement délimités, tant lors de leur conception (A) que lors de leur potentielle expansion (B).

A) Des principes minutieusement délimités dès leur conception

Le principe d’indemnisation d’un administré pour responsabilité sans faute de l’administration en raison d’une rupture d’égalité devant les charges publiques, apporté par Couitéas, fut pensé pour une application subsidiaire.

Monsieur Basilio Couitéas était propriétaire d’un terrain de 38 000 hectares en Tunisie, sur lequel vivaient 8 000 autochtones. Il a obtenu, à l’issue d’une procédure judiciaire, deux décisions[2] d’expulsion de ces habitants. Mais face aux risques de violence causés par l’expulsion d’un tel nombre de personnes, l’autorité française en Tunisie a refusé de recourir à la force militaire pour faire exécuter la décision judiciaire. De leur côté, les autochtones s’estimaient être les légitimes occupants d’un territoire qui était à eux depuis un temps immémorial. L’arrêt Couitéas était d’ailleurs annonciateur du développement ultérieur des droits des populations autochtones[3]. Au regard du droit administratif français, Monsieur Couitéas était néanmoins dans son droit de demander l’exécution d’une décision de justice régulière le concernant. Il a donc saisi le juge administratif d’une demande d’annulation de la décision par laquelle le ministre des Affaires étrangères avait rejeté la demande d’indemnité qu’il avait formée contre l’État français.

Le Conseil d’État a tranché en faveur de Monsieur Couitéas, avec le célèbre considérant suivant : « le justiciable nanti d’une sentence judiciaire dûment revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur l’appui de la force publique pour assurer l’exécution du titre qui lui a été ainsi délivré ; que si, comme il a été dit ci-dessus, le gouvernement a le devoir d’apprécier les conditions de cette exécution et le droit de refuser le concours de la force armée, tant qu’il estime qu’il y a danger pour l’ordre et la sécurité, le préjudice qui peut résulter de ce refus ne saurait, s’il excède une certaine durée, être regardé comme une charge incombant normalement à l’intéressé, et qu’il appartient au juge de déterminer la limite à partir de laquelle il doit être supporté par la collectivité ».

Le préjudice de « privation de jouissance totale et sans limitation de durée » de son bien est reconnu au requérant. Ce dernier est renvoyé devant le ministre des Affaires étrangères pour que soit réalisée (à défaut d’accord amiable), en tenant compte de toutes les circonstances de droit et de fait, la fixation des dommages-intérêts qui lui sont dus. Monsieur Couitéas poursuivra son combat judiciaire et obtiendra en 1927 (soit un an avant son décès) une indemnisation de 1 500 000 francs au titre du préjudice pour privation de jouissance subi[4]. Plus tard, le Conseil d’État se refusera à verser une indemnité supplémentaire du fait de la persistance de l’État dans son refus d’exécuter le jugement[5].

Cette jurisprudence semble, pendant une quinzaine d’années, réservée à des cas relatifs à des pays sous protectorat[6]. Le doyen Hauriou avait fortement exprimé son souhait que l’arrêt soit appliqué par exception[7].

Il est pourtant confirmé, sur certains de ses aspects, par le législateur puis par le juge constitutionnel.

D’une part, une dimension de la jurisprudence Couitéas a bénéficié d’une consécration législative lors de l’adoption de l’article 16 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 qui prévoit que « L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’État de prêter son concours ouvre droit à réparation ». On parle d’un aspect seulement, car le législateur ne donne pas de précision quant à la gravité et la spécialité du préjudice, et ne distingue pas selon que le refus de concours est fautif ou non[8]. Sur ce fondement, le Conseil d’État, juge que « l’autorité administrative est normalement tenue d’accorder le concours de la force publique en vue de l’exécution d’une décision de justice revêtue de la formule exécutoire et rendue opposable à la partie adverse ; que, s’il en va autrement dans le cas où l’exécution forcée comporterait un risque excessif de trouble à l’ordre public, un refus justifié par l’existence d’un tel risque, quoique légal, engage la responsabilité de l’État à l’égard du bénéficiaire de la décision de justice »[9]. Notons qu’en pratique, il s’agit souvent d’une décision de justice émanant des tribunaux judiciaires[10].

D’autre part, au cours de la même décennie, le Conseil constitutionnel consacre, quant à lui, un autre aspect de la jurisprudence Couitéas. Si l’on suit le raisonnement du juge de 1923, il s’agit de l’argument préalable à une reconnaissance d’une responsabilité étatique pour refus de concours de la force publique. Le Conseil constitutionnel considère que « toute décision de justice a force exécutoire », et que « tout jugement peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle y est requise, prêter main-forte à cette exécution »[11]. Selon le juge constitutionnel, cette règledécoule naturellement du principe de la séparation des pouvoirs énoncé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il admet enfin qu’exceptionnellement, dans des circonstances « tenant à la sauvegarde de l’ordre public, l’autorité administrative peut, sans porter atteinte au principe sus-évoqué, ne pas prêter son concours à l’exécution d’une décision juridictionnelle[12] ».

Le cadre est clair. D’ailleurs, le droit européen vient conforter la rigueur des règles juridiques de la jurisprudence Couitéas.

B) Des principes limités dans leur application

En bonne place dans les Grands arrêts de la jurisprudence administrative et incontournable dans le cadre de l’enseignement du droit administratif, la jurisprudence Couiétas voit ses possibilités d’applications fragilisées par un obstacle issu des droits européens.

L’expansion de la jurisprudence Couitéas se heurte aux droits européens. D’une part, la Cour européenne des droits de l’Homme s’attache fermement au principe de la garantie effective des droits, qui implique que toutes les conséquences des décisions de justice soient tirées. Le droit à un procès équitable exige l’exécution sans délai des décisions de justice[13]. Le refus de concours de la force publique correspond en fait à une limitation de ce droit, et n’est acceptable qu’à la condition de poursuivre un but légitime, et ce de façon proportionnée[14]. Et même quand une telle condition est respectée, la CEDH considère que priver la chose jugée de sa réalisation exigerait des circonstances très particulières[15]. En cas de motifs sérieux d’ordre public, le concours de la force publique peut être différé, mais ne peut être refusé définitivement[16]. Comme le résume le Professeur Seiller, « l’indemnisation du bénéficiaire d’une décision juridictionnelle, restée dépourvue d’effet en l’absence de concours des forces de l’ordre, n’est pas une fin en soi : l’exécution, le cas échéant légitimement reportée, doit néanmoins être assurée[17] ».

D’autre part, au niveau de l’Union européenne, la Cour de justice a déjà, elle aussi, tempéré le mécanisme juridique insufflé par la jurisprudence Couitéas, en refusant, par exemple, que l’argument lié à la prise en charge par la République française des dommages causés par des manifestants aux victimes, soit invoqué par le gouvernement défendeur pour s’affranchir de ses obligations au titre du droit communautaire[18].

Par ailleurs, l’application de la jurisprudence Couitéas n’est pas toujours opportune. Le législateur, en matière de servitudes d’urbanisme, avait introduit un régime spécial d’indemnisation qui excluait l’application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l’administration pour rupture de l’égalité devant les charges publiques (ancien art. L160-5 al 1 Code l’urbanisme)[19]. Dans ce contexte, l’arrêt Bitouzet, rendu par le Conseil d’État le 3 juillet 1998 au sujet de la responsabilité sans faute en matière d’urbanisme, a conduit à un recours parcimonieux à la jurisprudence Couitéas[20].

Des regrets sont parfois émis quant à la non-application de la jurisprudence Couitéas. Commentant une affaire où une décision d’expulsion rendue par le juge judiciaire à l’intention d’un locataire « désargenté, malade et père d’un jeune enfant » avait été suivie du refus d’aide des forces de police[21], le Professeur Bioy souligne que si le juge administratif avait ici eu recours à la jurisprudence Couitéas, cela aurait en réalité eu un impact moins lourd pour les charges publiques, que le régime de responsabilité pour faute qui a été retenu en l’espèce. Le préfet, pour motiver ce refus, avait invoqué des considérations humanitaires susceptibles de porter atteinte à l’ordre public. Rappelons que pour appliquer la jurisprudence Couitéas, il faut une atteinte particulièrement importante à l’ordre public[22]. Dans cette affaire de 2009[23], le juge administratif « opte pour une conception stricte de l’ordre public, limitée à « l’ordre matériel de la rue » »[24], laquelle n’inclut donc pas la « dignité sociale[25] ». Cela se justifie au regard du principe de séparation des pouvoirs (article 16 DDHC), dans la mesure où « il n’appartient qu’à l’autorité judiciaire d’apprécier l’existence de considérations sociales ou humanitaires de nature à justifier un sursis à l’exécution d’un jugement d’expulsion[26] ».

Enfin, une diminution du contentieux de « type Couitéas » est actuellement constatée, pour trois raisons principales. Premièrement, cela s’explique par une politique efficace de prévention tant des expulsions locatives que du contentieux pour refus de concours de la force publique[27]. Deuxièmement, le concours de la force publique semble être plus facilement accordé qu’autrefois. La Professeure Jacquemet-Gauché note que, dans certains départements, par exemple l’Isère, « face à la raréfaction des moyens financiers disponibles, le préfet est davantage enclin à accorder son concours, afin d’éviter un engagement ultérieur de la responsabilité de l’État[28] ». Troisièmement, la tendance à la signature d’un accord entre la préfecture et le requérant contribue elle aussi à la diminution du contentieux[29].

Malgré ces nombreuses limitations au principe de responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques instauré par l’arrêt Couitéas, ce dernier reste encore une référence et a été à l’origine de nombreuses créations jurisprudentielles.

II) La résonnance inattendue de la jurisprudence Couitéas

Selon Patrick Frydman, la jurisprudence Couitéas est sans doute l’une des jurisprudences traditionnelles du Conseil d’État dont « il est fait l’usage le plus massif[30] ». Contredisant l’analyse restrictive que le doyen Hauriou en avait fait[31], l’interprétation dominante de l’arrêt Couitéas a conduit, au cours du XXème siècle, à un double prolongement de celui-ci.

Après son rendu en 1923, la jurisprudence Couitéas est en effet rapidement reprise et affinée, notamment en 1938 dans l’arrêt du Conseil d’État Société La Cartonnerie et Imprimerie Saint-Charles[32], puis élargie à d’autres cas d’abstention de l’administration (A). La même année, le mécanisme instauré par l’arrêt Couitéas pour les décisions individuelles régulières est étendu aux cas similaires concernant les lois régulières, c’est la fameuse jurisprudence Lafleurette[33], et le début d’un prolongement à d’autres cas de responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques du fait de normes (B).

A) Un prolongement à d’autres cas d’abstention de l’administration

La jurisprudence Couitéas a été élargie à d’autres cas d’abstention de l’administration. On pense notamment au défaut d’intervention de la force publique correspondant à l’inaction de l’administration pour « maintenir ou rétablir l’ordre »[34]. Un courant de jurisprudences reconnaît en effet la responsabilité sans faute pour ruptures de l’égalité devant les charges publiques lorsque l’administration « ne prend pas les dispositions qu’elle devrait normalement adopter »[35]. Le juge administratif reconnaîtra par exemple que le refus d’intervenir opposé par l’administration peut être justifié si l’intervention de la police est susceptible d’aggraver le trouble à l’ordre public[36].

Récemment, le Conseil d’État a précisé qu’en cas d’octroi de la force publique en vue de l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre du logement occupé, il appartient au juge d’opérer un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur l’analyse à laquelle s’est livrée l’administration concernant la nature et l’ampleur des troubles à l’ordre public susceptibles d’être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l’expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l’ayant ordonné, ou ayant statué sur la demande de délai pour quitter les lieux[37].

En plus d’avoir été transposée à l’important contentieux relatif à l’indemnisation des propriétaires victimes d’un refus de concours de la force publique pour l’expulsion de locataires ne respectant pas leurs obligations[38],la jurisprudence Couitéas a été utilisée et élargie au bénéfice de certains cas où des mesures de suspension et de retrait d’agréments d’assistantes maternelles se sont ultérieurement révélées comme étant infondées[39]. En outre, la responsabilité sans faute des autorités de police a été reconnue au regard de leur abstention à la fois pour assurer l’ordre public, et pour exécuter une décision de justice[40].

Ces prolongements sont l’occasion de souligner que l’arrêt Couitéas en lui-même n’évoque pas les adjectifs qualificatifs « spécial » et « anormal » du préjudice du requérant. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement Rivet évoquait un « sacrifice exceptionnel[41] » ainsi qu’un « sacrifice trop lourd[42] » infligé à Monsieur Couitéas. Mais cette condition s’est imposée par la suite : dans les applications ultérieures de la jurisprudence Couitéas, le juge administratif a exigé que le requérant ait subi un préjudice anormal et spécial pour enclencher le mécanisme de responsabilité sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques[43]. La responsabilité sans faute de l’administration a été reconnue lorsque le refus de mener à son terme une expropriation cause un préjudice anormal et spécial[44]. A contrario, dans une affaire où un chasseur n’a pu vendre les sangliers issus de sa chasse en raison d’une épizootie de peste porcine, le juge administratif a considéré que le préjudice du chasseur n’était pas anormal, mais consistait en « aléa que doivent, en principe, supporter les titulaires de droit de chasse »[45].

B) Un prolongement à d’autres cas de responsabilité administrative sans faute pour rupture de l’égalité devant les charges publiques du fait d’une norme

Après le premier cas de reconnaissance par le juge administratif d’une responsabilité sans faute de l’État en raison d’une décision administrative individuelle régulière que constitue la jurisprudence Couitéas, le juge administratif a aussi admis ce même principe pour les décisions réglementaires régulières[46]. Cette responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques continuera d’être appréhendée dans de nouveaux cas de figure tout au long du XXème siècle, notamment pour les lois et les conventions internationales régulières.

Ce phénomène s’est produit dans la lenteur et la mesure : avant 2005, la responsabilité sans faute de l’État du fait de son activité normative n’a joué que quatre fois[47]. Dans le prolongement de la jurisprudence La Fleurette, le Conseil d’État juge, cette année-là, qu’il résulte des principes gouvernant l’engagement de la responsabilité sans faute de l’État que le silence d’une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en œuvre n’exclut pas, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer[48].

Cette évolution a été le terreau d’un certain flottement entre les expressions « préjudice grave et spécial » et « préjudice anormal et spécial »[49], suscitant un débat qui ne semble pas encore tranché. Le mouvement de prolongement a continué son cours, avec notamment l’arrêt Bizouerne du Conseil d’État[50] où ce dernier a considéré, à propos d’une loi favorisant la surpopulation d’oiseaux ichtyophages et causant un préjudice à l’exploitant d’une pisciculture, que les préjudices résultant des conséquences d’une loi ne doivent faire l’objet d’une indemnisation par l’État que lorsque, excédant les aléas inhérents à l’activité en cause, ils revêtent un caractère grave et spécial et ne sauraient, dès lors, être regardés comme une charge incombant normalement aux intéressés[51]. On finira en mentionnant l’admission de principe, en 2019 (en l’espèce, les demandes sont rejetées), d’une responsabilité de l’État du fait des lois sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques en raison de préjudices causés par l’application d’une loi déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel[52].

***

Malgré cet itinéraire tortueux, l’arrêt Couitéas montre une persistance au XXIème siècle – dans sa conception stricte – et figurera encore probablement parmi les Grands arrêts de la jurisprudence administrative. En tout état de cause, cent ans après qu’il ait été rendu, les parlementaires, au cours de leur réflexion sur ce qui deviendra la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, se réfèrent encore explicitement à l’arrêt Couitéas[53]. Attachés à la possibilité d’apprécier d’éventuels troubles à l’ordre public susceptibles d’être engendrés par l’expulsion, ils suppriment l’amendement introduit par le Sénat qui créait une obligation au préfet de département d’appliquer une décision juridictionnelle d’expulsion dans un délai de sept jours[54]. Longtemps débattu, parfois rejeté, mais fréquemment réutilisé, l’arrêt du Conseil d’État du 30 novembre 1923 est encore d’actualité.


[1] CE, 30/11/1923, n° 38284, Couitéas, Lebon 789 ; D. 1923. 3. 59.

[2] Tribunal civil de Sousse, 13/02/1908.

[3] G. Koubi, in T. Perroud et al. (dir.), Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, LGDJ, Les grandes décisions, 2019, 561 p., p. 146.

[4] CE, 02/12/1927, Sieur Basilico Couitéas, Lebon 1159.

[5] CE, 06/11/1936, Héritiers Couitéas, D. 1937. 3. 56. Voir à ce sujet A. Jacquemet-Gauché, « La jurisprudence Couitéas : du mythe doctrinal à la réalité indemnitaire », AJDA 2014, p. 1821.

[6] T. Perroud et al. (dir.), Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, op. cit., p. 132.

[7] Note sous CE, 30/11/1923, D. 1923. 3. 62. Le Professeur Seiller rappelle que le doyen Hauriou avait dénoncé le fondement de la responsabilité sans faute, en faisant valoir qu’« en principe, on doit admettre, qu’en vertu de la loi et de la  formule exécutoire des jugements, l’administration est obligée de prêter main-forte à l’exécution de ceux-ci, même manu militari ; en principe donc, il y a faute de sa part à refuser cette main-forte ». Le Professeur précise que sa conclusion, selon laquelle « on eût parfaitement compris et admis la thèse d’une faute de l’État dans ces conditions », est partagée par un très grand nombre d’auteurs, y compris à l’époque contemporaine (B. Seiller, « L’actualité de l’arrêt Couitéas », RFDA 2013, p. 1012). Voir aussi B. Camguilhem, Recherche sur les fondements de la responsabilité sans faute en droit administratif, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2014, 490 p.

[8] A. Jacquemet-Gauché, « La jurisprudence Couitéas : du mythe doctrinal à la réalité indemnitaire », op. cit ; voir aussi L. Dutheillet de Lamothe, « Égalité devant les charges publiques et responsabilité des collectivités publiques », Justice et Cassation 2020, p. 65, où l’auteur précise que le législateur a supprimé la condition d’anormalité du préjudice.

[9] CE, 25/11/2009, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales c/ Société Orly Parc, n° 323359, concl. J.-P. Thiellay, AJDA 2009. 2257 ; voir à ce sujet X. Bioy, « La dignité justifie-t-elle le refus de concours de la force publique pour expulser un locataire ? », AJDA 2010, p. 448.

[10] B. Seiller, « L’actualité de l’arrêt Couitéas », op. cit. ; J. Moreau, « Responsabilité administrative et sécurité publique : droit positif et perspectives d’évolution », AJDA 1999, p. 96.

[11] Cons. const., 29/07/1998, n° 98-403 DC, Rec. Cons. const. p. 276.

[12] ibid ; Voir aussi B. Seiller, « L’actualité de l’arrêt Couitéas », op. cit.

[13] CEDH 19/03/1997, Hornsby c/ Grèce , n° 18357/91, Recueil des arrêts et décisions 1997. II. 508 ; Actualité de la CEDH, AJDA 1997. 986 ; D. 1998. Jur. 74, note N. Fricero.

[14] X. Bioy, « La dignité justifie-t-elle le refus de concours de la force publique pour expulser un locataire ? », op. cit.

[15] ibid. Où l’auteur se réfère à CEDH 31/03/2005, Matheus c/ France, n° 62740/00, H. Périnet-Marquet, JCP N 2005, n° 49, p. 2013 ; Actualité de la CEDH, AJDA 2005. 1886.

[16] M. Long et al. (dir.), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 23ème édition, 2021, 1081 p., qui se réfère à CEDH, 21/01/2010, Barret et Sirjean contre France (JCP Adm. 2010.2260, note Dieu).

[17] B. Seiller, « L’actualité de l’arrêt Couitéas », op. cit.

[18] CJCE, 09/12/1997, Commission c. France, aff. C-265/95.

[19] X. Dupré de Boulois, « Le fabuleux destin de l’arrêt Bitouzet », AJDA 2023 p. 933 ; et CE, sect., 03/07/1998, Bitouzet, n° 158592, Lebon 288. L’auteur fait référence à la volonté du législateur d’exclure le principe même d’une indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques en application des jurisprudences La Fleurette et Couitéas.

[20] X. Dupré de Boulois, « Le fabuleux destin de l’arrêt Bitouzet », op. cit.

[21] TA Toulouse, 23/10/2009, n° 0602438.

[22] Voir X. Bioy, « La dignité justifie-t-elle le refus de concours de la force publique pour expulser un locataire ? », op. cit., où l’auteur précise notamment que « Le degré de l’atteinte à l’ordre public, pouvant justifier la dérogation à la séparation des pouvoirs, entre ici en ligne de compte ».

[23] Dans d’autres cas, le juge a choisi une autre approche, par exemple : CE, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 30/06/2010, n° 332259, Lebon : « Considérant que toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main forte à cette exécution ; que, toutefois, des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l’ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d’expulsion telles que l’exécution de celle-ci serait susceptible d’attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu’il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique ».

[24] X. Bioy, « La dignité justifie-t-elle le refus de concours de la force publique pour expulser un locataire ? », op. cit.

[25] ibid.

[26] ibid, où l’auteur fait référence aux conclusions du rapporteur public, Jean-Christophe Truilhé.

[27] A. Jacquemet-Gauché, « La jurisprudence Couitéas : du mythe doctrinal à la réalité indemnitaire », op. cit.

[28] ibid.

[29] ibid.

[30] G. Koubi, in T. Perroud et al. (dir.), Les grands arrêts politiques de la jurisprudence administrative, op. cit., p. 132, où l’auteure cite P. Frydman, RFDA 2013. Voir aussi M. Deguergue, Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit de la responsabilité administrative, LGDJ, Thèses, Bibliothèque de droit public, 1994, 906 p.

[31] P. Gonod, « La réception des arrêts par la doctrine juridique », RFDA 2013, p. 1007.

[32] CE, ass., 03/06/1938, n° 58698, Rec. p. 539.

[33] CE, ass., 14/01/1938, n° 51704, SA des produits laitiers « La Fleurette », Lebon 25.

[34] M. Long et al. (dir.), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, op. cit, p. 245.

[35] ibid, p. 243.

[36] ibid, p. 245 ; CE, sect., 27/05/1977, SA Victor Delforge, n° 98122, 98123, Lebon 253.

[37] CE, 11/10/2023, Ministre de l’Intérieur, n°474491, tables.

[38] J-M. Adrien, « Responsabilité sans faute du fait de l’intervention de décisions administratives légales », AJDA 2005, p. 891.

[39] CAA Nancy, 3e ch., 06/01/2005, n° 00NC00262.

[40] CE, 30/09/2019, Ministre de l’Intérieur contre Compagnie la Méridionale, n° 416615.

[41] Conclusions du commissaire du gouvernement Rivet sur CE, 30/11/1923, n° 38284, Couitéas, p. 62.

[42] ibid, p. 63.

[43] CE, 14/03/1986, n° 40310, Commune de Gap-Romette, Lebon 74.

[44] CE, 23/12/1970, n° 73453, Électricité de France c/ Farsat, Lebon 790 ; AJDA 1971. 96, concl. J. Kahn. (voir à ce sujet F. Rombourg, « La responsabilité de l’administration en cas d’abandon de projets durant la phase de conception », AJDA 2023, n° 11, p. 534).

[45] CE, 22/02/2002, M. Michel, n° 224809.

[46] CE, sect., 22/02/1963, Commune de Gavarnie, Lebon 113.

[47] L. Dutheillet de Lamothe, « Égalité devant les charges publiques et responsabilité des collectivités publiques », op. cit.

[48] CE, 02/11/2005, Coopérative agricole Ax’ion, n° 266564, Lebon.

[49] L. Dutheillet de Lamothe, « Égalité devant les charges publiques et responsabilité des collectivités publiques », op. cit.

[50] CE, 01/02/2012, Bizouerne, n° 347205.

[51]C. Maugüé, « La responsabilité de l’État du fait des lois en cas de préjudice subi par un opérateur économique », AJDA 2014, p.118.

[52] CE, 24/12/2019, n° 425981, 425983 et 428162.

[53] Les parlementaires soulignent notamment que « les refus de concours de la force publique, particulièrement dommageables pour les propriétaires qui ne peuvent récupérer leur bien malgré une décision de justice en ce sens, ne sont pas rares : en 2019, selon la Cour de comptes, sur les 52 860 demandes de concours de la force publique instruites par les préfets, 17 652 ont été refusées explicitement ou implicitement ». Ils pointent du doigt le fait que l’indemnisation est loin d’être systématique, et le fait que « le montant des indemnisations est […] souvent fixé par voie amiable lors de négociations entre les services préfectoraux et le propriétaire et, bien qu’il existe de nos jours des modalités jurisprudentielles de calcul, leur manque de lisibilité peut potentiellement entraîner une inégalité de traitement selon les situations » (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-eco/l16b1010_rapport-fond).

[54] Un article de la proposition de loi, l’article 1er C, a été finalement supprimé. Il était écrit comme suit : « Le présent article oblige le représentant de l’État dans le département à mettre en application dans un délai de sept jours, en ayant recours à la force publique, une décision juridictionnelle d’expulsion ». Dans le cadre de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi, les députés ont supprimé cet article, notamment parce qu’« il forçait la main au préfet pour procéder à l’expulsion, sans lui accorder la possibilité d’apprécier les éventuels troubles à l’ordre public susceptibles d’être engendrés par l’expulsion ou, le cas échéant, d’autres impératifs d’intérêt général qui pourraient légitimement s’interposer, privant donc l’État de la marge d’interprétation nécessaire pour une application appropriée du droit ». (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-eco/l16b1010_rapport-fond) ; voir aussi la loi n° 2023-668, 27/07/2023 ; ainsi que G. Dumenil, « Logement – Loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite – De l’inflation législative à l’incohérence – Aperçu rapide », La Semaine Juridique Edition Générale n° 36, 11/09/2023, act. 990.

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