Le blog Droit administratif

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02 12 2022

Petit lexique de l’étudiant en droit administratif

En ce début de mois de décembre, qui annonce l’arrivée des partiels du premier semestre, il est apparu intéressant de compléter les billets du blog consacrés à la méthodologie des différents exercices juridiques par un « Petit lexique de l’étudiant en droit administratif ».

Sans prétendre aucunement à l’exhaustivité, ce petit lexique se propose de reprendre quelques mots ou expressions largement utilisés en droit administratif, notamment par les décisions du Conseil d’Etat ou des autres juridictions administratives, et avec lesquelles les étudiants sont nombreux à rencontrer des difficultés.

N.B. : Ce billet constitue une première ébauche et pourra être complété au fil du temps, grâce notamment à vos suggestions. Autrement dit, n’hésitez pas à laisser vos commentaires sous ce billet afin qu’il puisse être enrichi !

A

1°) Abrogation : il y a abrogation lorsque le juge ou l’administration procèdent à l’anéantissement d’un acte administratif, et ce, seulement pour l’avenir. Autrement dit, lorsqu’un acte est abrogé, seuls ses effets pour l’avenir vont être annulés, alors que ses effets passés demeurent. L’abrogation s’oppose ainsi au retrait qui consiste en l’anéantissement d’un acte pour le passé ET l’avenir.

2°) Acte administratif unilatéral : l’acte administratif unilatéral est un acte qui s’adresse à des personnes qui n’en sont pas les auteurs, et qui est attaché à l’exercice de la fonction administrative de son auteur. Il existe principalement deux catégories d’actes administratifs unilatéraux : les actes réglementaires et les actes individuels. Les actes réglementaires sont des actes de portée générale et abstraite. En d’autres termes, il s’agit d’actes qui posent une norme de portée générale, dont les destinataires ne sont pas nominativement désignés mais correspondent à des catégories abstraites (exemple d’acte réglementaire : le décret ayant réduit la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h sur les routes à double sens et dépourvues de séparateur central). Quant aux actes individuels, il s’agit d’actes qui s’adressent à une ou plusieurs personnes qu’ils visent expressément (exemples d’actes individuels : un arrêté d’expulsion visant un ressortissant étranger en particulier). A ces deux catégories s’y ajoute une dernière composée d’actes qui ne sont ni réglementaires ni individuels, on parle alors de décisions d’espèce. Ces décisions ont pour objet de déterminer l’application d’une norme générale préexistante, sans toutefois s’adresser à des personnes nominativement désignées (exemple de décision d’espèce : décision de délimitation des circonscriptions électorales).

3°) Arrêt/décision/jugement : selon une présentation classique, le jugement est le nom donné aux décisions rendues par un tribunal administratif, et les arrêts sont les décisions rendues par une cour administrative d’appel ou par le Conseil d’Etat. Quant au terme de décision ou de décision de justice, il s’agit d’un terme générique utilisé pour qualifier l’ensemble des décisions rendues par les juridictions administratives (N.B. : il peut également arriver que le terme de « jugement » soit utilisé en ce sens).

4°) Autorité de la chose jugée : il s’agit de l’autorité acquise par une décision de justice au moment de sa lecture. En substance, elle empêche de remettre en cause ce qui a déjà été jugé en dehors des voies de recours ouvertes à cet effet. Cette autorité ne s’attache qu’aux décisions rendues au « principal » et non aux décisions rendues à titre conservatoire, préparatoire ou provisoire. Elle ne vaut par ailleurs que pour le dispositif et les motifs déterminants de la décision. L’autorité de la chose jugée se distingue de la force de chose jugée qui s’attache aux décisions de justice rendues en dernier ressort ou qui ne sont plus susceptibles de faire l’objet ni d’un appel ni d’un pourvoi en cassation.

C

5°) Compétence liée : la compétence liée correspond à la situation dans laquelle se trouve une autorité administrative dans l’exercice de son pouvoir de décision. Plus précisément, lorsqu’une autorité administrative est en situation de compétence liée, elle ne dispose d’aucune marge de manœuvre et, face à une situation déterminée, elle est tenue par les règles de droit qui lui sont applicables de prendre une décision donnée (par exemple : est en situation de compétence liée, le préfet qui ordonne au titulaire d’un permis de conduire de le restituer après avoir perdu tous ses points).

6°) Conclusions : d’une manière générale, les conclusions correspondent tout d’abord au document remis au juge par les parties à une instance. Les conclusions renvoient aussi aux demandes ou prétentions des parties – demandeur comme défendeur –, c’est-à-dire à ce qu’elles demandent au juge de faire (par exemple : demander l’annulation d’un acte administratif unilatéral pour le demandeur ou demander le rejet de la requête pour le défendeur)

7°) Contrôle de la qualification juridique des faits : le contrôle de la qualification juridique se rapporte au contrôle de la légalité interne d’un acte administratif unilatéral. Il consiste pour le juge à vérifier que les faits ayant donné lieu à l’adoption de l’acte contesté devant lui ont été justement qualifiés. Autrement dit, il s’agit de savoir si, pour adopter son acte, l’administration a bien intégré les faits à la catégorie juridique prévue par les règles de droit et lui permettant d’adopter ledit acte.

Par exemple, pour que l’administration puisse décider de l’infliction d’une sanction disciplinaire à un agent public, l’article L. 530-1 du Code de la fonction publique prévoit que le fonctionnaire doit avoir commis une faute dans le cadre de ses fonctions.

Ainsi, à l’occasion d’un recours dirigé contre une sanction disciplinaire, le contrôle de la qualification juridique des faits va consister pour le juge à vérifier que les faits retenus contre l’agent par l’administration pour décider de la sanction sont bien constitutifs d’une faute (= condition ou catégorie juridique prévue par le texte)

Du reste, l’intensité du contrôle de la qualification juridique des faits accuse des variations, en étant soit normal soit limité à l’erreur manifeste d’appréciation, selon la marge de manœuvre laissée à l’administration.

8°) Contrôle de l’exactitude matérielle des faits : à l’instar du contrôle de la qualification juridique des faits, le contrôle de l’exactitude matérielle des faits se rapporte au contrôle de la légalité interne d’un acte administratif unilatéral. Ce contrôle consiste pour le juge à vérifier que les faits sur lesquels repose l’acte contesté existent bien et sont avérés.

Il va par exemple s’agir pour le juge de vérifier que les faits d’agressivité et d’absentéisme au travail, reprochés à un agent public par l’administration pour décider de lui infliger une sanction disciplinaire, existent bien.

D

9°) Déféré préfectoral : le déféré préfectoral a été mis en place par la loi du 2 mars 1982, afin de remplacer le pouvoir d’annulation dont disposait le préfet sur les actes des collectivités locales. Il s’agit d’un recours spécial ouvert au seul préfet, qui consiste pour ce dernier à demander au juge administratif de se prononcer sur la légalité d’un acte pris par une collectivité locale placée sous son contrôle.

10°) Détournement de pouvoir : commet un détournement de pouvoir l’autorité administrative qui adopte un acte administratif dans un autre but que celui pour lequel il est prévu.

Par exemple, commet un détournement de pouvoir le maire qui décide d’infliger une sanction disciplinaire à un agent public à titre de vengeance personnelle, et non pour la commission d’une infraction (sur ces questions, voir infra n°20).

E

11°) Economie de moyens : l’économie de moyens est une technique contentieuse selon laquelle le juge ne répond pas à l’intégralité des moyens soulevés par les parties.

Le juge peut tout d’abord opérer une économie de moyens lorsque, face à deux moyens fondés, il ne décide de s’appuyer que sur l’un d’entre eux pour rendre sa décision. De même, le juge peut opérer une économie de moyens lorsque, face à un moyen fondé et à un autre qu’il ne l’est pas, il ne s’appuie que sur le moyen fondé pour rendre sa décision.

Lorsque le juge opère une économie de moyens, cela est identifiable par l’utilisation de la formule « sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens… ». Par conséquent, seuls les moyens auxquels le juge a répondu sont identifiables dans sa décision.

12°) Ecran législatif : l’écran législatif, aussi appelé théorie de la loi-écran, correspond à un mécanisme contentieux en vertu duquel le juge administratif s’estime incompétent pour contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif pris en application d’une loi. La justification de la théorie de la loi-écran réside dans le fait que le juge administratif estime, en ce cas, que contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif pris pour l’application d’une loi revient en réalité à contrôler la constitutionnalité de la loi. Or si le juge administratif peut contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif, il ne peut en principe pas contrôler la constitutionnalité d’une loi, ce qui relève de la compétence du Conseil constitutionnel. En d’autres termes, face à un écran législatif, le juge administratif ne pourra que s’assurer que l’acte administratif dont il est saisi respecte la loi sur le fondement de laquelle il a été adopté. A noter toutefois que la loi ne fait écran qu’à hauteur de son contenu, si bien qu’au-delà le juge redevient compétent pour contrôler la constitutionnalité de l’acte administratif.

13°) En tout état de cause : expression que l’on peut retrouver dans les décisions des juridictions administratives et qui peut s’entendre comme un synonyme des expressions « quoi qu’il en soit » ou « de toute manière ».

14°) Erreur manifeste d’appréciation : à l’occasion du contrôle de la légalité interne des actes administratifs, et plus précisément à l’occasion du contrôle de la qualification juridique des faits ou de celui de l’adéquation du contenu de la décision aux faits, le juge peut être amené à relever que l’acte est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Cela signifie que l’administration a commis une erreur grossière dans la qualification juridique des faits ou dans l’adéquation de son contenu par rapport aux faits qui l’ont justifiée.

15°) Exception d’illégalité : l’exception d’illégalité consiste à invoquer, à l’occasion d’un recours dirigé contre un acte administratif, l’illégalité de l’acte en vertu duquel ce dernier a été adopté.

Plus concrètement, il s’agit par exemple de remettre en cause la légalité de l’acte réglementaire sur le fondement duquel l’acte individuel contesté devant le juge a été adopté.

Dans une décision de justice, l’exception d’illégalité est identifiable par l’expression « par voie d’exception ».

I

16°) Instance : l’instance est la phase du procès qui se déroule de la saisine du juge jusqu’à ce que le jugement soit rendu.

17°) Intérêt à agir : l’intérêt à agir est une condition de recevabilité de la demande en justice. Cela signifie que le requérant doit avoir un intérêt à saisir le juge de sa demande. Pour cela, il doit montrer qu’il tirera avantage du fait que le juge accède à sa demande. L’intérêt à agir se distingue de la capacité à agir, qui est la possibilité reconnue à une personne physique ou morale de former un recours devant le juge. Autrement dit, pour disposer de la capacité à agir en justice, il faut être capable juridiquement.

18°) Instruction : l’instruction est une phase de l’instance qui se déroule de l’enregistrement de la requête jusqu’à la clôture de l’instruction. Elle est en principe suivie par l’audience. L’instruction a pour rôle de mettre l’affaire en état d’être jugée en connaissance de cause, et donne alors lieu à des échanges, essentiellement entre le juge et les parties. En contentieux administratif, l’instruction se caractérise par son caractère secret, écrit et inquisitoire.

L

19°) Légalité externe : la légalité externe renvoie aux conditions de compétence, de procédure et de forme auxquelles doit satisfaire un acte administratif. Ainsi, lorsque le juge est amené à contrôler la légalité externe d’un acte administratif, il s’assure que ce dernier a été adopté par l’autorité compétente, selon les règles de procédure et de forme qui s’imposent à elle pour ce faire. Le juge commence toujours par contrôler la légalité externe d’un acte avant sa légalité interne.

20°) Légalité interne : la légalité interne se rapporte aux conditions de fond auxquelles doit satisfaire un acte administratif. Ainsi, lorsque le juge est amené à contrôler la légalité interne d’un acte, il va pouvoir vérifier la légalité de son but, de son contenu et de ses motifs.

Le contrôle du but de l’acte consiste à vérifier que l’acte a été adopté conformément au but qui lui est assigné par les textes. Si tel n’est pas le cas, le juge va retenir l’illégalité de l’acte et l’annuler pour détournement de pouvoir.

Le contrôle du contenu de l’acte consiste pour le juge à vérifier que l’acte contesté devant lui respecte bien les règles de droit qui lui sont supérieures.

Quant au contrôle des motifs de l’acte, il conduit le juge à contrôler la légalité des éléments de droit et de fait sur lesquels repose l’acte. Au titre du contrôle des motifs de droit, le juge va être amené à vérifier que la justification juridique donnée à l’acte est existante et correctement interprétée. Si tel n’est pas le cas, le juge pourra censurer la décision pour défaut de base légale ou pour erreur de droit. Enfin, dans le cadre du contrôle des motifs de fait de l’acte, le juge va pouvoir être amené à contrôler l’exactitude matérielle des faits, leur qualification juridique ainsi que l’adéquation du contenu de l’acte aux faits.

M

21°) Motifs : les motifs sont les raisons de droit ou de fait sur lesquelles reposent soit une décision administrative soit une décision de justice.

22°) Moyens : les moyens correspondent aux éléments de droit et de fait dont se prévalent les parties pour justifier leurs demandes ou leurs prétentions.

23°) Moyen d’ordre public : un moyen d’ordre public est un moyen que les parties peuvent soulever à tout moment de la procédure ou, à défaut, que le juge doit relever d’office, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties de le soulever.

A titre d’exemple, constituent des moyens d’ordre public, les moyens relatifs aux conditions de recevabilité de la requête ou tenant à la compétence de l’auteur de l’acte contesté devant le juge.

24°) Moyen inopérant : un moyen inopérant est un moyen qui n’est pas de nature à fonder la demande, en ce qu’il n’est pas susceptible d’avoir un impact sur la réponse que le juge peut apporter à cette dernière.

N

25°) Neutralisation de motifs : à l’occasion du contrôle de la légalité d’un acte administratif, s’il apparaît que certains motifs sur lesquels repose l’acte contesté devant le juge sont illégaux, mais que l’administration aurait adopté la même décision si elle s’était fondée sur les seuls motifs légaux, alors le juge peut accepter de neutraliser les motifs illégaux en ne tenant compte que des motifs légaux de la décision.

26°) Nonobstant : il n’est pas rare que le juge use du terme « nonobstant » qui est, la majorité du temps, compris comme un synonyme de « malgré ».

27°) Notamment : étonnamment, il s’agit d’un terme qui passe souvent inaperçu lors de l’étude d’un arrêt ou d’une décision par les étudiants. Pourtant, son utilisation par les juges est fréquente et exprime l’idée que les éléments qui lui font suite ne sont pas exhaustivement énumérés par le juge.

P

28°) Pouvoir discrétionnaire : le pouvoir discrétionnaire est couramment opposé à la compétence liée. D’une manière générale, une autorité dispose d’un pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle est libre d’agir, dans le respect toutefois de la légalité.

29°) Premier ressort/dernier ressort : schématiquement, une décision de justice rendue en premier ressort est une décision qui peut faire l’objet d’un appel. En revanche, une décision rendue en dernier ressort est une décision qui ne peut pas faire l’objet d’un appel. Il peut arriver qu’une décision soit rendue en premier et dernier ressort, ce qui signifie que la décision a été rendue en première instance et qu’elle n’est toutefois pas susceptible de faire l’objet d’un appel.

R

30°) Recours administratif : un recours administratif est un recours adressé à l’administration afin qu’elle reconsidère sa décision. Un tel recours peut être adressé à l’autorité qui a pris la décision en cause (on parle alors de recours gracieux) ou au supérieur hiérarchique de cette dernière (on parle alors de recours hiérarchique). Le recours administratif est parfois obligatoire avant toute contestation de la décision devant le juge, il est alors qualifié de recours administratif préalable obligatoire (RAPO).

31°) Référé : le terme de référé ou de procédure de référé renvoie à une procédure simplifiée et commandée par l’urgence qui consiste, pour le requérant, à obtenir le plus rapidement possible une mesure provisoire pour que soient protégés les intérêts qu’il entend défendre.

Les procédures de référé les plus connues sont les procédures de référé soumises à la condition d’urgence, c’est-à-dire le référé-liberté (art. L. 521-2 du CJA), le référé-suspension (art. L. 521-1 du CJA) ou encore le référé-mesures utiles (art. L. 521-3 du CJA). Néanmoins, il existe bien d’autres procédures de référé en droit du contentieux administratif.

32°) Retrait : le retrait d’un acte administratif s’oppose à l’abrogation en raison de son effet rétroactif. En d’autres termes, le retrait d’un acte administratif conduit le juge ou l’autorité administrative qui le prononce à anéantir l’acte pour le passé et pour l’avenir.

Une astuce – peu juridique mais pratique – pour ne plus confondre le retrait et l’abrogation : retrait commence par un « R » comme la « R »étroactivité de ses effets.

S

33°) Substitution de base légale : la substitution de base légale est une technique contentieuse mise en œuvre par le juge qui lui permet, lorsqu’il est saisi d’un acte administratif qui repose sur un texte inadapté, de lui substituer un autre texte. Ce pouvoir de substitution de base légale peut être mis en œuvre d’office par le juge ou à la demande de l’administration, à la condition toutefois que cette substitution ne prive le requérant d’aucune garantie prévue par le texte initial.

34°) Substitution de motifs : la substitution de motifs consiste pour le juge à substituer des motifs légaux aux motifs de fait illégaux sur lesquels repose l’acte administratif contesté devant lui, et ce, sur proposition de l’administration. Pour ce faire, le juge doit toutefois s’assurer que le nouveau motif permet de justifier l’acte tel qu’il a été adopté par l’administration, et qu’il ne conduit pas à priver le requérant du bénéfice de certaines garanties procédurales liées au motif initial.

T

35°) Tierce opposition : la tierce opposition permet à des personnes qui n’ont pas été parties ou présentes à une instance, d’obtenir l’annulation ou la réformation de la décision qui en résulte, s’il apparaît qu’elle préjudicie à leurs droits.

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