Le blog Droit administratif

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19 04 2022

Le recours en interprétation, un recours délaissé

Actuellement, le recours en interprétation ne paraît guère susciter l’attention des juristes. Sans doute, ce relatif désintérêt s’explique-t-il autant par la rareté de l’exercice même de ce recours, que par la possible insatisfaction qu’il provoque, malgré ses réelles potentialités. En tout état de cause, cette rareté doit interroger. Pourquoi, en effet, maintenir l’existence d’un tel recours s’il est inutile ? Mais, s’il est inutile, pourquoi le juge l’a-t-il récemment réactualisé ? Et, s’il est rarement exercé, fallait-il vraiment en restreindre encore les conditions d’exercice comme semble bien le vouloir le Conseil d’Etat ?

Comme nous allons le rappeler dans un instant, ce recours (inscrit à l’article R311-1 et R 312-4 du code de la justice administrative) permet d’obtenir une interprétation par le juge administratif d’un texte normatif « obscur ou ambigu ». Il s’exerce selon l’une ou l’autre de deux procédures différentes : – soit par un recours sur renvoi, ; – soit un recours direct

La rareté contentieuse de ce recours à deux branches est soulignée par tous[1], mais l’utilisation limitée de ce recours ancien ne le fait pas disparaître pour autant. Tout au contraire, des arrêts de 2017 et 2018 réaffirment son existence, que l’on pourrait penser vacillante. Par ailleurs, la pratique de cette question préjudicielle a été confortée et modernisée par le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 qui éclaire les modalités de saisine du juge administratif en imposant aux juridictions des deux ordres de sursoir à statuer chaque fois que la solution d’un litige demeure tributaire d’une question soulevant une « difficulté sérieuse » dont la résolution relève de l’autre ordre juridictionnel. Il s’agira ici du recours en interprétation qui se déroule devant le juge administratif agissant soit sur renvoi d’une autre juridiction (non administrative), soit directement saisi par un recours direct exercé par un justiciable qui y a intérêt au sens du contentieux administratif.

Depuis sa création à nos jours, ce double recours en interprétation est mal admis, mal reconnu, sans doute parce que les conditions de recevabilité ou de fond sont toujours de plus en plus restreintes, au point qu’il faudra questionner autant l’utilité d’un tel recours que les raisons de cette réticence, après avoir observé la façon dont il est effectivement traité.

Il faudra d’abord présenter en quoi le recours en interprétation est un contentieux spécifique et unique, autant dans son objet que sa portée (I), mais en analysant son impact aujourd’hui limité (II).

I-   Le recours en interprétation, un contentieux unique dans son objet et sa portée

Le contentieux du recours en interprétation est unique en ce qu’il articule une fonction consultative et juridictionnelle (A), et qu’il donne une normativité assurée à l’interprétation juridictionnelle (B), ce qui n’est pas si formellement évident pour les autres recours contentieux.

A- Un recours entre mission consultative et juridictionnelle du juge administratif

Le recours en interprétation relève d’un contentieux spécifique en ce qu’il combine, d’une certaine manière, la fonction consultative et la fonction juridictionnelle du Conseil d’État, à l’origine seule juridiction administrative. Initialement, la compétence du Conseil d’État était consultative. Et elle était cantonnée au pouvoir reconnu au juge de proposer au chef de l’État des solutions concernant les litiges entre l’administré et l’administration. Par la loi du 24 mai 1872, le Conseil d’État devient un véritable juge administratif, à part entière, rendant la justice sans l’intervention du pouvoir exécutif, du moins lorsque peu de temps après l’intervention de cette loi fut abandonnée la théorie du ministre-juge : depuis lors, il juge « Au nom du Peuple français », au titre du système dit de « la justice déléguée » et non plus de « la justice retenue » par l’Exécutif.

Néanmoins, le Conseil d’Etat a toujours gardé sa fonction consultative, qu’il exerce comme conseiller du Gouvernement. Dans l’exercice de cette fonction, il répond à des questions ponctuelles, mais il est aussi saisi pour délivrer des avis d’ensemble sur des projets de texte. Cette fonction consultative s’exerce donc pour le Gouvernement. Dans le cas du recours en interprétation, la situation est différente : le Conseil d’État détient une fonction partiellement consultative, non plus à la demande du Gouvernement, mais à celle du justiciable ou du juge du fond lui-même. Il répond en effet à une question relative à l’interprétation qu’il convient objectivement de donner à un acte administratif, unilatéral ou contractuel, ou à un jugement, et cela dans le but ultime de répondre à une quête de droit de la part du justiciable et, de la part du juge, à celle d’une bonne administration de la justice. Il agit en quelque sorte comme un conseiller juridique, indépendant de toutes les parties ou autorités en cause. En outre, à la différence de ce qui vaut pour un simple conseil juridique, son interprétation se voit dotée d’une valeur normative qui servira au juge du fond et l’obligera à l’appliquer pour résoudre le litige en cause. Le Conseil d’État – et plus largement le juge administratif – exerce bien ici une fonction juridictionnelle.

Mais ce recours est bien unique en cela que la fonction juridictionnelle que le Conseil d’Etat exerce ainsi prolonge d’une certaine façon sa mission consultative, et lui donne du corps normatif si l’on peut dire. En effet, par cette interprétation authentique de la norme juridique, il ajoute du droit au droit : il garantit l’exigence de sécurité juridique et particulièrement la clarté, l’intelligibilité, la stabilité des rapports juridiques, tout en gardant dans le même temps son rôle juridictionnel, cette dualité ne laissant évidemment pas sans interrogation.

Pour analyser plus finement ces recours en interprétation, on doit ici préciser la façon dont ils se divisent en ces deux sortes de recours déjà sommairement mentionnées :

  • le recours sur renvoi (on dit aussi « par renvoi »), correspond, pour le cas qui nous intéresse ici, à l’hypothèse dans laquelle une question préjudicielle est posée : cette question est incidente dans un procès se déroulant devant une autre juridiction (juridiction judiciaire ou toute autre juridiction spécialisée ne relevant pas de l’autorité du Conseil d’Etat en dernier ressort); et elle est accessoire par rapport à l’objet même du litige ; mais elle en conditionne l’issue dans la mesure où sa solution résultera de l’interprétation donnée à l’acte en question; elle est dite alors préjudicielle en ce que le juge saisi au fond du litige ne peut la trancher lui-même et doit sursoir à statuer jusqu’à l’intervention de la réponse donnée à cette question, fournie par le juge compétent; la question porte sur l’interprétation qu’il convient de donner à un acte administratif unilatéral ou contractuel, un acte législatif ou un jugement administratif, la réponse à cette question étant précisément nécessaire à la solution du litige ;
  • la deuxième sorte de ce recours en interprétation est un recours direct, exercé donc par voie d’action à l’initiative de telle partie à un procès, qui y a intérêt au sens du contentieux administratif, et porte pareillement sur l’interprétation qu’il faut donner d’un acte administratif unilatéral ou contractuel ou un jugement administratif ou un acte législatif[2].

Mais le but de ces deux types de recours est commun : il tend à obtenir du juge administratif compétent une interprétation authentique de la norme problématique, qui s’imposera pour la résolution du litige : le corps de cette interprétation se tient dans la réponse apportée par le juge administratif saisi de cette question, cette réponse étant susceptible de résoudre par elle-même le litige et parfois même d’en éviter la naissance (dans le cas du recours direct), puisqu’il suffit d’un « litige en puissance » pour que le recours soit recevable[3]. L’interprétation a donc bien dans les deux cas une valeur normative, et pour le juge du fond, et pour les parties au litige, au moins.

Par conséquent, le recours en interprétation mêle donc la fonction consultative à la fonction juridictionnelle normative, s’affirmant en cela comme un recours unique et original. Ce recours est encore plus étonnant et spécifique en ce qu’il assure la normativité de l’interprétation des actes administratifs ou des décisions juridictionnelles.

B- Une normativité assurée de l’interprétation juridictionnelle par le recours en interprétation

Il pourrait paraître acquis que l’interprétation par le juge administratif ait une portée obligatoire ; mais, en réalité, il n’y a au contraire aucun accord doctrinal ou théorique sur la valeur normative de l’interprétation. Une certaine doctrine considère qu’elle n’a pas de valeur normative lorsqu’elle n’est pas placée dans le dispositif[4], lequel correspond à la partie de la décision juridictionnelle répondant au recours : le dispositif comporte bien le résultat de l’interprétation mais il ne contient pas l’interprétation elle-même, excepté pour le cas particulier et spécifique du recours en interprétation, ce qui contribue — à rebours des prémisses du raisonnement initial — à fonder la portée normative de l’interprétation.

En revanche, la théorie réaliste de l’interprétation adopte une tout autre approche, qui valorise l’interprétation en lui donnant d’ailleurs toute sa place, et sans doute plus encore[5]. L’interprète  authentique crée la norme par son interprétation.

En somme, la position adoptée quant à la possible normativité de l’interprétation juridictionnelle varie selon l’épistémologie choisie. Que le recours en interprétation assure la normativité de l’interprétation peut donc apparaître étonnant. En tout cas, il peut engendrer une certaine gêne s’expliquant par le caractère radicalement opposé des diverses doctrines en cause.

Du côté des sources formelles, elles ne mentionnent pas la jurisprudence comme source du droit. Par conséquent, l’interprétation juridictionnelle est formellement dépourvue de normativité.

Néanmoins, matériellement et dans les faits, l’interprétation juridictionnelle a peu à peu acquis, au cours de ces dernières années, une certaine normativité. Ainsi, depuis les années 2000, le juge administratif, dans le cadre des motifs de ses décisions, a présenté, sous forme de consignes, les modes d’emploi de ces dernières. Il a également usé de la technique des obiter dicta[6] pour guider (voire diriger) l’administration : par ces outils, le juge administratif offre aux textes une forme d’interprétation-guide ; et la motivation, qui n’a donc pas de valeur normative selon la théorie classique, en vient à poser tout de même des « obligations » à la charge de l’Administration[7]. Elles restent sans doute dépourvues de cette force obligatoire formelle qui est reconnue aux lois et règlements, mais elles sont soigneusement énonciatrices, sur un mode fortement directif, de ce à quoi l’Administration devrait procéder pour ne pas encourir la censure : en lui dictant des façons de faire, elles édictent bien les normes qui la contraignent.

Bien avant les années 2000, on a pu observer un fait ici déterminant : la « découverte » par le Conseil d’Etat de principes généraux du droit énoncés dans les motifs (et non dans le dispositif de la décision juridictionnelle) et procédant d’une induction à partir de textes divers et épars. Il est patent que ces principes ont reçu, dès leur apparition, une valeur normative. Toute cette immense jurisprudence apporte la preuve que cette interprétation, bien que cantonnée formellement dans les seuls motifs, se voit tout de même reconnaître valeur normative.

Cependant le Conseil d’Etat n’est pas entièrement assuré dans cette position puisqu’en 2014, dans un arrêt concernant la question de l’engagement de la responsabilité de l’État sur la base de l’interprétation juridictionnelle des lois, la Haute assemblée refuse d’accorder une valeur totalement normative à l’interprétation juridictionnelle, lorsqu’il s’exprime de la manière suivante : « si la société requérante fait valoir qu’elle n’avait pas été en mesure d’anticiper l’interprétation donnée de ces dispositions par la Cour de cassation, elle critique ainsi non pas la loi elle-même mais la portée qui lui a été ultérieurement conférée par la jurisprudence ; qu’elle n’est, par suite, pas fondée à mettre en cause la responsabilité de l’Etat au motif que la loi aurait été adoptée en méconnaissance des principes dont elle se prévaut »[8].

Néanmoins, la pratique du Conseil d’Etat est ambiguë, puisqu’il procède à une motivation par  référence à la jurisprudence administrative[9], et plus spécifiquement à la sienne propre. Les juridictions inférieures vont également suivre cette motivation par référence au raisonnement du seul Conseil d’Etat. On note à cet égard une soumission des juridictions inférieures à la juridiction suprême de l’ordre administratif, alors qu’aucun texte n’impose cette soumission, en tout cas pas de cette façon ; et les tribunaux administratifs, autant que les cours administratives d’appel, qui pourraient adopter une jurisprudence plus novatrice, se montrent très réfractaires à l’oser.

Il y a donc à la fois un refus explicite de reconnaître la normativité de l’interprétation par le Conseil d’Etat, mais dans le même temps, une pratique visant à établir une forme de normativité de son raisonnement, de son interprétation, souvent très créatrice par rapport aux textes. Cette position du Conseil d’Etat apparaît bien paradoxale. Cependant, le juge administratif semble avoir modifié récemment sa position dans un arrêt 12 juin 2020, dans lequel il affirme que les « interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre »[10].

En observant l’ambiguïté entourant la force normative de l’interprétation, on perçoit toute l’originalité du recours en interprétation qui, partiellement à l’encontre de la théorie classique, assure force obligatoire à une interprétation. Dans le même temps, ce recours s’inscrit particulièrement dans l’air du temps, où le juge administratif informe les parties relativement à ce qui doit être la bonne interprétation des textes.

En résumé, le recours en interprétation atteste l’autorité reconnue de la chose interprétée dans ce cadre, que le recours aide à trancher le litige (recours direct), ou qu’il ne le tranche pas directement (question préjudicielle). Elle met donc à mal la conception classique en redonnant une véritable place à l’interprétation, place nécessaire puisque le texte doit souvent être précisé, déterminé. Ce recours œuvre également à une reconnaissance relative de la valeur normative de l’interprétation ou, du moins, à une véritable ouverture favorable à la normativité de l’interprétation. Ce contentieux est souvent inscrit dans les contentieux déclaratifs (particulièrement le recours par renvoi) mais la force obligatoire assurée montre qu’un contentieux peut être déclaratif tout en présentant une portée ou une valeur normative.

Cependant, ce recours connaît aujourd’hui une effectivité réduite, qui relativise les bienfaits de son existence.

II – Le recours en interprétation, un contentieux à l’effectivité réduite

L’effectivité réduite du recours en interprétation s’explique par les conditions restrictivement interprétées par le juge administratif (A) ; l’étude tentera de trouver les raisons de cette position (B).

A- Les conditions restrictivement interprétées du recours

  1. Des critères flous de recevabilité

Bien que le recours en interprétation existe et que le Conseil d’Etat ait actualisé ce recours tout au long de cette dernière décennie, anéantissant tout doute sur la disparition ou la désuétude de cette voie de droit, l’interprétation restrictive du juge sur la recevabilité du recours interroge sur son effectivité.

Tout d’abord, le caractère obscur ou ambigu que doit présenter un acte pour admettre à son propos la recevabilité du recours par renvoi, ou celle du recours direct, permet au juge administratif de contrôler et de restreindre la recevabilité de ce recours. Par ce contrôle, le juge de cassation procède à un examen de la correcte qualification des faits (et dans le cas du contrat, sans en dénaturer les clauses par méconnaissance manifeste de la portée et du sens de celles- ci[11]).

Le juge administratif ne donne évidemment aucune définition des caractères obscur et ambigu de la norme en cause ; il n’offre pas non plus de clé de lecture concernant l’utilisation de ces critères et semble ne procéder qu’à des interprétations très casuistiques. Il ne précise par ailleurs que très rarement son raisonnement, et adopte plutôt une rédaction plus déclarative que démonstrative.

Quoi qu’il en soit, les conditions d’obscurité et d’ambiguïté sont interprétées de manière restrictive par le juge, puisque les jugements ou actes qui auraient parfois pu paraître ambigus et obscurs selon la juridiction judiciaire notamment, ne le sont pas forcément selon la juridiction administrative[12]. Il convient d’ajouter que si une première juridiction s’est prononcée sur l’ambiguïté ou l’obscurité, le juge de l’interprétation ne peut être saisi de nouveau sur la caractérisation de l’ambiguïté ou de l’obscurité[13]. De plus, lorsque l’acte à interpréter a déjà été appliqué par d’autres juridictions dans le cadre de litiges distincts, la condition du caractère obscur ou ambigu pour reconnaître la recevabilité du recours est considérée comme n’étant pas remplie[14]. Cette jurisprudence restrictive s’inscrit dans la suite logique des arrêts indiquant que le juge de l’interprétation ne peut plus livrer son interprétation lorsque celle-ci peut être obtenue par une autre juridiction à l’occasion d’une instance parallèle[15].

Cette réticence à admettre le caractère ambigu et obscur est d’autant plus étonnante que le droit apparaît de plus en plus comme un ensemble complexe, comportant des incertitudes sur telles ou telles normes spécifiques – il suffit d’ailleurs d’une brève recherche lexicale pour observer que le vocabulaire ayant trait à l’obscurité, à l’ambiguïté, à l’indétermination est riche et imposant. En outre, cette obscurité ressort également de la confrontation de plusieurs normes susceptibles de porter sur un même objet en cela que, poursuivant parfois des buts différents ou répondant à des causes distinctes, elles peuvent conduire à des antinomies. A tout le moins, la « mise en contexte » des normes révèle souvent la difficulté de les bien comprendre.

Dans ces conditions, l’obscurité et l’ambiguïté des normes en cause constituent des critères qui pourraient être aisément retenus, mais ne le sont que rarement selon le juge administratif qui montre de cette manière son refus d’ouvrir trop largement le recours en interprétation, malgré la forte potentialité de ce type de recours.

En outre, l’ouverture du recours direct en interprétation d’un acte administratif a été de nouveau restreinte récemment par le Conseil d’État[16], à propos de la condition d’un « litige né et actuel » : la Haute assemblée estime ainsi que le requérant ne peut pas, dans le but de remplir cette condition, invoquer un « différend préalablement porté devant une juridiction administrative » : le recours direct en interprétation ne permet pas d’obtenir indirectement qu’une affaire soit ainsi à nouveau jugée ou le soit par une juridiction autre que celle qui est normalement compétente.

Par ces arrêts précédemment cités, on perçoit bien le désir de restreindre l’accès à ce recours. L’effectivité même d’un tel recours est mise à mal par la prise en considération de toutes les conditions exigées pour son ouverture : elles sont interprétées de manière tellement restrictive de la possibilité d’y recourir que ce recours est en fait bien rarement recevable. Le traitement de ce recours par les juges interroge sur son efficacité. Soit ce recours a un intérêt, et il faudrait alors pouvoir l’admettre en ne restreignant pas autant son ouverture. Soit il n’a pas d’intérêt, et il faudrait dans ce cas l’abandonner. Mais il se pourrait aussi qu’il n’ait d’intérêt que dans les limites où il reste admis. Comme il se pourrait aussi que les limites dans lesquelles il resterait admis n’interdisent pas d’en améliorer les bénéfices, permettant même, peut-être, à terme, de revenir sur ces restrictions.

Il nous semble ainsi que ce recours contient de véritables potentialités face à un droit de plus en plus complexe, qui ne cesse d’ajouter à la masse des normes en vigueur d’autres normes de plus en plus précises, mais conduisant, parfois, à encore plus de complexités, voire à d’autres antinomies.

Ce dont ce régime des recours en interprétation semble avoir le plus besoin serait une nécessaire clarification. Comme l’expliquent Auby et Drago à propos du recours direct : « le juge a bâti son régime convaincu qu’une telle demande, puisqu’elle n’est pas liée à un litige au sens procédural du terme, doit demeurer exceptionnelle et par conséquent soumise à un régime de recevabilité stricte »[17]. Ce constat s’impose également pour ce qui concerne le recours sur renvoi, l’idée étant certainement d’éviter la complexification du litige. D’ailleurs le juge compétent pour trancher au le litige au fond tente malgré tout d’interpréter lui-même la norme problématique, en considérant qu’il n’y a aucune difficulté d’interprétation. Il pourrait aussi être tenté de procéder à une interprétation de l’interprétation !

La restriction des conditions de recevabilité est accentuée selon le type de recours, ce qui aggrave la limitation à l’usage de ce recours, et sa complexification.

  1. Une recevabilité différenciée selon le type de recours

Les conditions de recevabilité sont différentes selon le type de recours, recours sur renvoi ou recours direct, mais également selon l’acte en cause. Ce qui est néanmoins commun à l’ensemble de ces recours est le pouvoir limité du juge questionné. Dans tous les recours, le rôle du juge se borne en effet à interpréter l’acte qui lui est renvoyé ou soumis : il ne peut statuer sur d’autres actes, ce qui a été clairement exprimé pour le recours sur renvoi[18], autant que pour le recours direct[19]. Les pouvoirs du juge dans le cadre du recours par renvoi sont également délimités : ainsi, il ne peut pas modifier l’acte[20], ni rectifier une erreur matérielle[21], ni prononcer l’annulation de l’acte[22], ni procéder à l’appréciation de la validité à moins que le jugement de renvoi ne le prescrive[23], ni statuer sur d’autres questions, telle l’attribution d’une indemnité[24]. L’appréciation du bien-fondé de ces recours est également soumise à la double réserve de l’utilité de la question posée et de son caractère sérieux. Le rôle des parties est également limité en ce sens qu’elles ne peuvent pas faire trancher les questions autres que celles renvoyées par le juge du fond[25], ce qui est néanmoins conforme à l’esprit du renvoi préjudiciel, dans lequel la juridiction administrative compétente n’est saisie que d’une question d’interprétation et non d’un litige. Le juge restreint d’ailleurs lui-même le pouvoir des parties en leur déniant par exemple la possibilité de présenter au juge des conclusions qui, sous couvert d’interprétation, tendraient à remettre en cause un point tranché définitivement par la première décision[26] ; ou encore, il veille à ce que les parties ne formulent pas devant lui une question nouvelle qui n’avait pas été soulevée lors de l’instance ayant donné lieu à la décision juridictionnelle dont l’interprétation est sollicitée[27]. Ces restrictions dans l’appréciation du bien-fondé du recours sur renvoi valent également dans le cadre du recours direct en interprétation[28] ; et elles valent aussi bien pour le recours en interprétation des actes administratifs que pour le recours en interprétation d’une décision juridictionnelle.

Dans tous les cas présentés, le but est de limiter la recevabilité du recours en interprétation à l’acte problématique et ainsi à ne pas étendre le pouvoir du juge à l’égard d’autres actes ou à l’ensemble du procès en cours. Cette limitation s’opère autant par l’auto-restriction que s’impose le juge dans l’exercice de son office que par la restriction qu’il impose aux initiatives des requérants. Mais l’intention commune qui inspire les règles de ces deux sortes de recours est de ne pas transformer le juge compétent pour l’interprétation en un simple conseiller juridique. Le but du juge saisi de la question de l’interprétation est probablement de ne pas modifier sa jurisprudence antérieure et de ne pas conduire, par une nouvelle position interprétative, à un revirement de jurisprudence dans ce simple cadre du recours en interprétation. L’objectif de ce recours n’est que d’obtenir une précision, un éclairage sur un aspect d’une norme, et non pas la création d’une nouvelle norme ou d’un nouveau sens de la norme.

D’une façon assez inégalitaire, d’autres conditions s’ajoutent pour décider de la recevabilité du recours sous l’une ou l’autre de ses deux formes. Elles sont fonction du type de recours exercé et de l’acte en cause ou de ses défauts.

Ainsi, dans le cas d’un recours sur renvoi concernant un acte administratif unilatéral ou contractuel, il est exigé que l’acte soit ambigu ou obscur. Mais cette condition ne semble plus s’imposer lorsqu’il s’agit d’un jugement administratif[29]. En revanche, dans le cas d’un recours direct, les conditions de l’obscurité ou de l’ambiguïté ne sont exigées qu’à propos des jugements ou arrêts administratifs[30] mais plus pour les actes administratifs[31]. Cette différence quant aux conditions exigées est étonnante et déséquilibrée ; et l’on peut s’interroger sur la logique de ces conditions et sur la différence d’exigences concernant un même acte, selon qu’on se trouve dans le cas d’un recours sur renvoi ou d’un recours direct. Cette dissemblance peine à trouver ses raisons ou une logique commune.

Cependant, pour ce qui concerne le recours sur renvoi en interprétation d’une décision juridictionnelle administrative, les conditions d’obscurité ou d’ambiguïté ne semblent plus exigées. En première analyse, on pourrait penser que ces conditions ne sont plus requises en raison de l’idée que le juge administratif se fait de la parfaite clarté de ses décisions. Mais il existe une façon plus subtile de contourner l’aveu de la possible obscurité ou ambiguïté de la décision juridictionnelle en cause. Il suffit en effet d’en appeler à ce qu’est l’office du juge en matière de question préjudicielle. Plus spécifiquement, il suffit au juge administratif saisi de juger que cet office lui impose, en tant que juge questionné, de procéder à l’interprétation demandée[32], sans qu’il ait à apprécier la pertinence du renvoi[33]. Ainsi, il n’a plus à se préoccuper de la question de savoir si la décision juridictionnelle administrative était ou non ambiguë, obscure ou confuse. F. Blanco explique cette différence d’exigence en soulignant la particularité du recours sur renvoi : « la juridiction administrative saisie d’une demande d’interprétation de l’une de ses précédentes décisions n’est pas juge de la pertinence et de l’utilité du renvoi opéré par le juge judiciaire, qui relèvent de la seule appréciation de ce dernier, sous le contrôle des juridictions judiciaires supérieures et, en dernier lieu, de la Cour de cassation »[34].

Ces conditions révèlent, dans les différents cas, un désir de limiter l’exercice et la portée de ces recours, plus ou moins fortement selon les branches. Le rôle même du juge dans l’interprétation se veut limité : l’interprétation s’exerce sur l’acte en cause et ne peut porter sur un acte différent ; le juge ne saurait pas davantage se servir de ce recours pour changer sa position jurisprudentielle par exemple. Mais en dehors de ces limites, le juge est libre dans l’exercice de son pouvoir interprétatif. Cependant, il l’exerce avec une extrême parcimonie. Dans ce sens, la voie du recours direct a un « caractère anormal », en ce que « le rôle du juge consiste à trancher des litiges, non à donner des avis ou des consultations ; et, s’il lui appartient de donner des interprétations c’est seulement à l’occasion d’un litige porté devant lui ou devant un autre juge qui lui renvoie la question relative au sens de l’acte »[35]. Malgré la relative anormalité de cette voie, la majorité des recours en interprétation sont des recours par voie directe et plus exceptionnellement par renvoi, alors que cette dernière voie est la plus normale et la plus acceptée.

Cette restriction du juge administratif conduit à interroger les raisons d’une telle position, problématique à l’effectivité du recours.

B- Les raisons à la limitation du recours en interprétation

Cette restriction dans l’ouverture de ce recours révèle la diversité des conceptions de fond sur le droit et sur le rôle du juge administratif. Il convient donc d’étudier les raisons de la limitation de ce recours alors même que le juge administratif tend à ouvrir de plus en plus largement les autres recours contentieux.

La première raison possible tient à la nature de l’interprétation. Les interprétations d’un texte sont plus ou moins créatrices et se pose toujours la question de savoir si l’interprétation est un acte de connaissance ou un acte de volonté[36] (la réponse dépendant souvent des épistémologies choisies et fondamentalement de leur ontologie). Mais il y a le plus souvent une part de création dans l’interprétation d’une norme, par précision[37], par déformation ou rectification, voire par acte de pure de création. En tout cas, l’intervention du juge ne saurait être une pure et simple répétition de la norme. Mais le juge administratif n’est pas entièrement à l’aise avec cette interprétation créatrice, – ce dont nous en étudions plus bas les raisons – et qui peut expliquer son malaise par rapport au recours en interprétation et sa restriction dans l’ouverture d’un tel recours.

Le juge administratif semble ainsi auto-restreindre son office en posant des conditions exigeantes pour la recevabilité de ce recours, alors même qu’il pourrait avoir un rôle bien plus important concernant ces recours s’il se laissait plus facilement saisir. Cependant il s’y refuse. Comme l’explique F. Blanco, le juge administratif veut éviter toute interprétation constructiviste ou neutralisante. Il s’auto-restreint et montre de cette manière une forme de gêne par rapport à sa propre compétence pour statuer les recours dont on peut le saisir. Le juge pourrait jouer un rôle plus créateur dans l’interprétation qu’il pourrait exercer dans le cadre de ce recours, mais il s’y oppose. Cela s’explique par des raisons historiques et particulièrement par les conditions dans lesquelles s’est opérée la construction de la juridiction administrative.

Comme on l’a rappelé plus haut, la juridiction administrative s’est en effet construite en se séparant du pouvoir exécutif, par cette grande novation opérée par la loi du 24 mai 1872 substituant le système de « la justice déléguée » à celui de « la justice retenue », passage confirmé et achevé par l’abandon de la « théorie du ministre-juge » selon laquelle le juge administratif ne pouvait être saisi qu’en appel de la décision du ministre qui était le juge de droit commun : cet abandon impliquait que le Conseil d’Etat pouvait être au contraire saisi directement par un recours pour excès de pouvoir sans passer par une décision préalable du ministre[38].

Une autre raison de la réticence à admettre ce type de recours est son coût financier et la longueur du temps nécessaire pour en obtenir le résultat, surtout en ce qui concerne le recours par renvoi, qui retarde beaucoup le contentieux. Cela conduit le juge à éviter de recourir à ce type de question préjudicielle et ne pas voir d’ambiguïté dans l’acte problématique, afin de l’interpréter finalement lui-même, là où il serait concevable qu’il renvoie la question. Mais l’impératif actuel d’efficacité et de résorption des retards à statuer oblige à ne pas accorder une trop grande place au recours en interprétation.

Enfin une autre raison de la réticence tient dans le fait que le juge administratif refuse de reconnaître l’obscurité et l’ambiguïté de sa propre jurisprudence ou encore plus généralement du droit administratif. Admettre plus largement ce recours reviendrait à admettre une forme d’échec ou d’illisibilité du droit administratif, contre laquelle le juge tente de lutter, notamment par des arrêts à la formulation plus pédagogique, plus développée.

*

La tendance à ne pas se servir beaucoup de ces recours, quelles que soient leurs formes, ne doit pas cacher leur existence. En effet, bien que ces recours soient rarement exercés, en comparaison avec les autres recours contentieux, ils continuent tout de même d’exister utilement. Ils attestent, d’une part, de l’intrication entre droits public et privé39 en cela que la question préjudicielle invite à un dialogue entre les juridictions en cause et les justiciables, requérants ou défendeurs. Ils attestent d’autre part d’une incapacité ontologique du droit à être entièrement précis : quelle que soit le soin apporté à la rédaction des décisions, juridictionnelles ou non, il subsiste toujours une part nécessaire d’indétermination, d’imprécision, d’incomplétude ou d’imperfection. La nécessité corrélative de recourir le cas échéant à cette procédure en est bien une preuve.

Ce recours mériterait aujourd’hui d’avoir une véritable effectivité face à un droit de plus en plus complexe et justifierait que le juge administratif ait une lecture moins restrictive des conditions de recevabilité, pour offrir à ce recours la place méritée ou nécessaire.


[1] Il faut ajouter qu’il a fait l’objet d’assez peu d’intérêt et de développements sur le fond, mais v : J-M. Auby, R. Drago, Traité de contentieux administratif, LGDJ, 1984, 3e ed., T.2, p. 103 et s ; R. Odent, Contentieux administratif, Dalloz, 2007, p. 577 et s ; R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 2008, p. 749 et s. Il existe des travaux spécifiques, mais le plus souvent relativement anciens, pour citer quelques exemples : J-F. Flauss, Les questions préjudicielles et le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, Thèse Strasbourg, 1976 ; M. Lainé, Les recours en interprétation devant les tribunaux administratifs, PUF, 1930 ; F. Lequenne, Contribution à l’étude du contentieux administratif d’interprétation, Thèse Poitiers, 1931 ; Y. Coudray, « Les conflits de recevabilité du recours direct en interprétation », RDP, t. 97, 1981, p. 331-361. Y. Gaudement, « Les questions préjudicielles devant les deux ordres de juridiction », RFDA, 1990, p. 764 et s. Il faut noter une quasi-absence de doctrine sur les recours par renvoi en interprétation des jugements administratifs, l’essentiel de la doctrine se concentre sur le contentieux de l’interprétation de l’acte administratif

[2] Ainsi peut être interprété des stipulations d’un cahier des charges, une convention nationale, une offre de concours, un cahier des prescriptions des communes, etc.

[3] Le Conseil d’Etat reconnaît facilement l’intérêt à agir dès qu’il a des « difficultés sérieuses » (CE, 14 novembre 1947, Carpentier), les « difficultés administratives » (CE, 3 août 1906, Département de la Drôme), et même un simple « désaccord sur l’acte » (CE, 17 mars 1922, Compagnie générale transatlantique).

[4] A. Viala, « De la dualité du sein et du sollen pour mieux comprendre l’autorité de la chose interprétée », RDP, 2001/3, p. 783 ; « L’interprétation juridique ne peut être que le fait d’établir le cadre représenté par le droit qu’il s’agit d’interpréter, et ainsi la reconnaissance de plusieurs possibilités données à l’intérieur de ce cadre », H. Kelsen, Théorie pure du droit, Dalloz, 1962, p. 349.

[5] M. Troper, « La liberté de l’interprète », Colloque l’Office du Juge, Palais du Luxembourg les 29 et 30 septembre 2006. Comme l’explique M. Troper : « l’interprétation est une fonction de la volonté. Tout énoncé est doté non pas d’une, mais de plusieurs significations entre lesquelles il s’agit de choisir. Ce choix ne correspond pas à une réalité objective mais traduit seulement les préférences de celui qui l’exprime », M. Troper, « Interprétation », Dictionnaire de la culture juridique

[6] M. Lannoy, Les obiter dicta du Conseil d’Etat statuant au contentieux, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de These, 2016.

[7] Le vocabulaire utilisé change : « le juge use de formules particulièrement directives telles que « il appartient à l’administration », « l’administration doit » ou encore « il incombe à l’administration ». Dès lors, le juge ne se positionne plus seulement comme le contrôleur et le censeur a posteriori de l’action administrative mais aussi comme un guide de l’administration. », M. Château-Grine, La motivation des décisions du juge administratif, Thèse, Nantes, 2018, p. 118.

[8] CE, 23 juillet 2014, n° 354365.

[9] Le Conseil d’Etat utilise sa propre jurisprudence comme référence, reprenant les considérants de principe de ses arrêts passés : M. Château-Grine, La motivation des décisions…op.cit., p.179-180.

[10] CE, (sect.), 12 juin 2020, GISTI.

[11] CE, 8 novembre 2017, n° 396589 ; F. Lombard, « Recours direct en interprétation d’un contrat obscur et contrôle du juge de cassation », AJDA, 2018, p. 858.

[12] Le Conseil d’Etat tient pour « clair » l’acte qui ne l’est pas forcément par lui-même, mais auquel lui, le juge, par un raisonnement constructif parvient à redonner la « clarté » qui lui faisait défaut, conception « subjective », J-F. Flauss, Les questions préjudicielles et le principe de la séparation des autorités administratif et judiciaire, Strasbourg Thèse, 1976, p. 79. C’est donc une conception volontariste qu’adopte le Conseil d’Etat.

[13] Pour un exemple relativement récent : CE, 8 novembre 2017, n°396589.

[14] CE, 14 févr. 2018, n° 416294, Association Anti-G.

[15] CE ,16 mai 2003, n° 249880, Société Icomatex c/ Société Samins.

[16] CE, 6 déc. 2019, n° 416762.

[17] J-M. Auby, R. Drago, Traité des recours en matières administrative, Litec, 1992, p. 80 et s.

[18] Le juge administratif ne peut pas interpréter d’autres actes que ceux qui lui sont renvoyés CE, 3 mai 1911, Genest, ou de connaître de questions différentes : CE, 4 décembre 1935, Dame Perrin ; CE, 19 mai 1949, Dames Natalis et Bocquet.

[19] CE, 26 novembre 1971, n° 77389.

[20] CE, 4 avril 1908, Commune de Varzy

[21] CE, 28 février 1913, Paris.

[22] CE, 22 mars 1907, Association des filles de la Croix de Guingamp.

[23] CE, 14 février 1934, Roux.

[24] CE, 13 février 1930, n° 2145, Dufour.

[25] CE, 28 mars 2018, n°414986.

[26] CE 30 juillet 1949, n°99413 Ministre de l’industrie et du commerce c/ Établissements Chaumeil.

[27] CE, 21 juillet 1972, n°86226, Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes.

[28] CE 11 juillet 1941, Ministre Intérieur contre Fédération des retraites de la Seine ; CE, 6 juin 1975, Élection des administrateurs du centre régional de protection forestière de Provence. Dans le cadre du recours direct, le requérant ne peut pas non plus, sous prétexte d’interprétation d’un jugement, demander de revenir sur la chose jugée et d’infirmer le jugement : CE, 8 mars 1937, Chenaud.

[29] CE, 11 octobre 2017, n°397604 ; CE, 28 mars 2018, n°414986.

[30] CE, 7 juillet 1950, n°3171, Secrétaire d’Etat à la présidence du Conseil ; CE, 16 mai 1975, n°96229, ministre de l’Équipement c/ Consort Ybert ; CE, 4 juillet 2001, n°235295, Marza.

[31] Pour citer quelques exemples : CE, 21 octobre 2015, n°38596 ; CE, 9 avril 2010, n°313557 ; CE, 27 mars 1998,

n°144240 ; CE, 29 mai 1991, n°109666 ; CE, 26 novembre 1971, n°77389 ; CE, 30 décembre 1998, n°140335.

[32] CE, 28 mars 2018, n°414986.

[33] CE, 28 juin 1895, Vianin c/ Ville du Puy. Dans le même sens, le juge ne peut pas refuser de répondre à une question préjudicielle : CE, 6 février 1956, n°25485.

[34] F. Blanco, « La redécouverte du recours en interprétation des jugements sur renvoi de l’autorité judiciaire », AJDA, n°13, p. 736.

[35] J-M. Auby, R. Drago, Traité des recours en matière administrative, Litec, 1992, p. 80.

[36] F. Hamon, M. Troper, G. Burdeau, Manuel de droit constitutionnel, 27e éd., LGDJ, p. 57 et 58. La distinction entre acte de connaissance et acte de volonté est initialement opérée par H. Kelsen. L’interprétation serait un acte de connaissance dans la mesure où la démarche du juge obéit à des règles préétablies dont le juge fait application dans les litiges. Cependant l’expérience révèle que l’interprétation est également un acte de volonté, cette distinction a donc peu de sens ou d’effectivité à notre avis. Les opinions afin de savoir si l’interprétation est un acte de connaissance ou de volonté diverge en fonction des épistémologies en cause, ainsi selon M. Troper la préférence devrait être donnée à l’interprétation comme acte de volonté car « l’interprète peut donner au texte le sens qu’il veut lui donner ».

[37] Comme l’écrit Marcel Waline : Il y a donc, en quelque sorte, le plus souvent, création qualitative par approfondissement et enrichissement, d’une règle, quelque chose de comparable aux règlements d’application d’une loi, qui ajoutent à celle-ci, en précisant les détails de son application (…) et parfois même création quantitative d’une règle absolument sans fondement légal », M. Waline, « Le pouvoir normatif de la jurisprudence », in Études en l’honneur de G. Scelle, II, p. 623.

[38] V. CE 13 décembre 1889, Cadot , Les grands arrêts de la jurisprudence administrative n° 5.

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