Le blog Droit administratif

Aller à l'accueil | Aller à la table des matières |
18 12 2020

Célébration des 10 ans de la QPC. Le Conseil constitutionnel toujours en quête de reconnaissance.

La célébration des dix ans de la question prioritaire de constitutionnalité est l’occasion pour le Conseil constitutionnel de valoriser une procédure encore insuffisamment connue du grand public. Il est regrettable, toutefois, que la multiplication de ces opérations de communication ne s’accompagne pas encore d’un enrichissement substantiel du contenu de ses décisions.

« Encore assez méconnue ».Voilà l’une des rares critiques volontiers admises par l’actuel président du Conseil constitutionnel s’agissant de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Dans une période où le Conseil est vilipendé, tant pour avoir couvert des irrégularités dans les comptes de campagne d’anciens candidats aux présidentielles que pour le régime indemnitaire de ses membres, la célébration des dix ans de la QPC vient à point nommé. Elle permet d’améliorer la visibilité de cette procédure auprès du grand public et de redorer, par la même occasion, le blason d’une institution qui peine à trouver sa juste place dans l’architecture institutionnelle de la Ve République.

Jeudi 26 novembre 2020 à 20h30 sur LCP, en présence d’invités prestigieux, la QPC, abusivement rebaptisée pour l’occasion « question citoyenne », a été unanimement célébrée. En amont de cette émission, à l’occasion d’entretiens parcimonieusement accordés, le président du Conseil constitutionnel s’est félicité de la « réussite incontestable » de cette procédure qui permettrait « d’assurer la prééminence de la Constitution dans notre ordre juridique ». Cette célébration s’inscrivait dans le prolongement de nombreuses d’initiatives attestant que la volonté de moderniser la politique de communication du Conseil constitutionnel, exprimée par son président lors de sa prise de fonction, n’est pas restée lettre morte. En témoignent, par exemple, la rénovation du site internet (où l’esthétique a été privilégiée au détriment de l’accessibilité des ressources), la mise en ligne de capsules vidéo résumant certaines décisions considérées comme remarquables, la publication d’un rapport annuel d’activité élégamment illustré, la délocalisation de certaines audiences de QPC en région qui prête à sourire, l’ouverture d’une « boutique du Conseil constitutionnel » ou encore le financement de 16 projets scientifiques collectifs sous le label « QPC 2020 » et l’organisation annuelle d’une manifestation publique étrangement qualifiée « Nuit du droit ».

La multiplication de ces opérations médiatiques ne va pas sans susciter une certaine perplexité. On aurait souhaité, en effet, qu’elles se conjuguent avec un enrichissement significatif du contenu des décisions rendues par le Conseil constitutionnel. Or, à ce jour ce dernier entend privilégier la forme sur le fond.

Afin de rendre plus intelligibles les solutions retenues par cette institution, son président a décidé de supprimer les « considérants » et les « visas » qui, selon lui, alourdissaient inutilement les décisions. Une réforme sans doute bienvenue, mais exclusivement cosmétique alors qu’il est traditionnellement reproché au Conseil constitutionnel de ne pas suffisamment motiver les solutions qu’il retient. À ce titre, quiconque a déjà assisté à une audience QPC a pu être frappé par le contraste entre l’abondance des arguments soulevés par les parties et la brièveté de la décision rendue. Toujours dans un souci d’intelligibilité, le président du Conseil constitutionnel n’hésite pas à assurer, à l’occasion d’entretiens avec la presse, une sorte de « service après-vente » de la décision lorsque celle-ci suscite une certaine incompréhension. Malheureusement, là encore cet effort de pédagogie ne suffit pas toujours à rattraper, sur le fond, des décisions juridiquement discutables. Dans ce sens, par exemple, l’entretien publié sur le site du Conseil constitutionnel à la suite de la décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 ne clarifie nullement les intentions qui ont présidé au choix de retenir une nouvelle interprétation de l’article 38 de la Constitution dans le cadre du contrôle des ordonnances. De même, le président du Conseil n’est pas parvenu à faire taire les critiques en s’attachant à contextualiser la décision n° 2020-799 DC du 26 mars 2020 dans laquelle les sages se sont abstenus de censurer une loi organique contraire à la Constitution en se fondant sur les « circonstances particulières de l’espèce », une expression jamais usitée jusque-là et dépourvue de tout fondement textuel.

Cette impression de priorité donnée à la communication au détriment du fond transparaît également à l’analyse des suites qui ont été données à l’appel à projets « QPC 2020 », destiné à analyser les incidences de cette nouvelle procédure à la lumière de dix ans d’application. Passons sur le déplacement, sans concertation, du séminaire de restitution des travaux un jour de mobilisation contre le projet de loi de programmation de la recherche, qui en dit beaucoup sur la considération portée à cette recherche. Retenons simplement l’impression diffuse de voir les résultats d’un travail scientifique collectif utilisés à des fins de promotion de l’objet d’étude mais aussi, à travers lui, de l’institution à l’origine de l’appel à projets. Significativement, sans que le bilan nuancé de la QPC établi par les différents rapports de recherche ne soit occulté, la page internet dédiée délivre en introduction ce satisfecit : « [l]es résultats des recherches ont montré qu’en général, le grand public comme les professionnels du droit sont très convaincus des progrès qu’a permis la QPC dans la protection des droits fondamentaux ». En laissant de côté l’inquiétude que suscite une pratique permettant d’entrevoir les dérives potentielles du financement de la recherche par le biais d’appels à projets, il faut espérer que les résultats de ces analyses alimenteront le travail d’introspection que le Conseil constitutionnel entend mener. À ce jour, toutefois, ils servent surtout à assurer la promotion de la QPC et du Conseil constitutionnel auprès du grand public.

Sans doute, à une période où des lois restreignant les droits et libertés fondamentaux à des fins de protection de l’ordre public sont en passe d’être examinées par le Conseil constitutionnel, il n’est pas inutile d’insister sur l’existence de la QPC.

Qu’il soit toutefois permis de rappeler cette évidence : la crédibilité d’une Institution s’apprécie à la lumière de la qualité de ses décisions, et non de son service de communication.

corrigé le 19 décembre 2020 à 13h57

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.