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27 11 2018

Des précisions sur le licenciement d’un agent inapte refusant son reclassement

Par une décision du 25 mai 2018 (n°407336), le Conseil d’État est intervenu pour préciser la portée du principe de reclassement de l’agent qui se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi.

Le droit de la fonction publique est protecteur à l’égard des agents publics et permet de régler des situations où l’agent serait en difficulté, notamment pour reclasser cet agent dans un autre emploi.

Dans la célèbre décision du 2 octobre 2002 (n°227868)[1], le Conseil d’État avait dégagé le principe général du droit selon lequel « lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement ». Clair en ce sens, il découle donc d’un PGD l’obligation de reclasser l’agent inapte physiquement, avec pour dernière option le licenciement dans le cas d’une impossibilité.

A la suite de ce PGD dégagé pour les agents titulaires, la haute juridiction administrative avait encore élargi ce principe aux agents contractuels (CE, 26 février 2007, n°276863).

Par sa décision du 25 mai 2018, le Conseil d’État est donc intervenu pour préciser la portée de ce principe de reclassement de l’agent, dans la mesure où « la mise en œuvre de ce principe implique que, sauf si l’agent manifeste expressément sa volonté non équivoque de ne pas reprendre une activité professionnelle, l’employeur propose à ce dernier un emploi compatible avec son état de santé et aussi équivalent que possible avec l’emploi précédemment occupé ou, à défaut d’un tel emploi, tout autre emploi si l’intéressé l’accepte ».

De la sorte, il est donc procédé à une extension des motifs liés à l’impossibilité de reclasser l’agent concerné :

  • Aucun emploi vacant n’est susceptible d’être proposé ;
  • L’intéressé est déclaré inapte à l’exercice de toutes fonctions ;
  • Et, ici la précision a été récemment introduite : l’agent refuse la proposition d’emploi qui lui est faite de manière expresse.

Alors même qu’il y a une obligation de reclassement et que les administrations essaient toujours de faire de leur mieux pour reclasser l’agent concerné, il est intéressant de voir l’approche pragmatique du Conseil d’Etat en la matière, appréciant bien dorénavant la situation de refus de l’agent, et alors même que les diligences ont été faites, tout en sachant que les trois fonctions publiques ont un cadre juridique protecteur à l’égard de ces agents reconnus inaptes physiquement.

I. Le principe d’une obligation de reclassement de l’agent inapte

Le législateur avait toujours eu comme principe le reclassement de l’agent concerné, que ce soit dans la situation d’une suppression d’emploi ou au regard de l’inaptitude de l’agent. Ce droit au reclassement a été prévu au sein des trois fonctions publiques. Par exemple, pour la fonction publique territoriale, il est prévu à l’article 97 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 que, « dès lors qu’un emploi est susceptible d’être supprimé, l’autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. [] Si la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d’emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d’emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. »

Des dispositions similaires se retrouvent au sein de la fonction publique d’État, avec la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 (article 63), et au sein de la fonction publique hospitalière, avec la loi n°86-33 du 9 janvier 1986.

De la sorte, ce droit au reclassement des agents titulaires inaptes physiquement permet une sécurité pour l’agent concerné, et lui donne possibilité d’assurer sa mission dans un service plus adéquat. En revanche, le droit au reclassement des agents contractuels n’a pas été reconnu tout de suite, malgré les situations de suppression d’emploi qui pourraient survenir, mais encore pour le cas d’une inaptitude physique de l’intéressé.

II. Un droit au reclassement désormais prévu pour les agents contractuels

Concernant les agents non titulaires, ce droit au reclassement est intervenu plus tardivement (mais il est intervenu), avec la loi 2012-347 du 11 mars 2012. Laconique sur le sujet, cette loi explique que des décrets interviendront pour préciser les différents éléments afférents aux agents non titulaires. Par le décret 2014-1318 du 3 novembre 2014 modifiant le décret 86-833 du 17 janvier 1986, ce dernier comprend donc à l’article 45-5 le droit au reclassement des agents contractuels recrutés aussi bien à durée indéterminée qu’à durée déterminée, « lorsque le terme de celui-ci est postérieur à la date à laquelle la demande de reclassement est formulée. L’emploi de reclassement est alors proposé pour la période restant à courir avant le terme du contrat ».

III. Une jurisprudence précisant progressivement le reclassement des agents inaptes

Dans une situation où l’agent concerné serait inapte physiquement, les textes et la jurisprudence sont intervenus, dans le but de permettre à cet agent d’être reclassé.

Depuis l’ordonnance 2017-53 du 19 janvier 2017 et, le décret 2018-502 du 20 juin 2018, il existe même la possibilité de mettre en œuvre une période de préparation au reclassement pour les agents de la fonction publique d’État.

De même, cette position est appliquée par le juge et suit le principe de l’obligation de reclassement, dans un emploi aussi équivalent que possible pour les agents reconnus inaptes physiquement. En effet comme le rappelle le Conseil d’État,  « il résulte d’un principe général du droit, dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un salarié se trouve, de manière définitive, atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l’employeur public, avant de pouvoir prononcer son licenciement, de chercher à reclasser l’intéressé dans un autre emploi » (CE 19 mai 2017, n° 397577, Lebon T. ; AJDA 2017. 1089 ; AJFP 2017. 280, et les obs.). Ainsi, l’agent qui a été déclaré inapte à exercer ses fonctions est reclassé de facto (CAA Versailles, 22 novembre 2012, req. n°10VE03055).

Mais le juge administratif a aussi apporté de nombreuses précisions sur les situations bien spécifiques, que ce soit pour l’obligation de reclassement d’un agent qui aurait été recruté sur un poste permanent, avant qu’il ne soit licencié (CE avis, 25 septembre 2013, n°365139) ; ou encore, un droit au reclassement lié à la suppression du poste parce qu’entre temps le besoin avait changé, jusqu’à ériger en PGD l’obligation de reclassement d’un agent dont le poste a été supprimé (CE, 18 décembre 2013, n°366369).

On le voit bien, le droit au reclassement est devenu une obligation, que ce soit pour les agents titulaires comme non titulaires. Si la possibilité de licencier un agent qui exprime de manière non équivoque le poste de reclassement, il faut donc observer que cette possibilité ne peut avoir lieu que quand les autres solutions ont été épuisées, et que l’agent lui-même décide de son propre fait de ne pas vouloir être reclassé au poste présenté.

 

 

[1]Lebon 319 ; AJDA 2002. 1294, concl. D. Piveteau, obs. M.-C. de Montecler ; AJFP 2002. 41

Commentaires

Snptes dit :

Il faudrait reflechir au fonctionnement discrétionnaire et inféodé à l employeur en raison du non paritarisme et de l absence de contradictoire ds le fonctionnement de cette instance du type ancien régime ou pire.

Muguet dit :

Bonjour je suis agent contractuel de la fonction publique territoriale. J’ai été déclaré inapte à toute fonction dans la collectivité par le médecin agréé du centre de gestion le 4 avril. Combien de temps ont il pour me licencier. Je suis en congés sans traitement depuis le 1 mars donc sans salaire. Merci pour votre réponse car ma collectivité ne sait pas la procédure et les délais.

STRUILLOU Christiane dit :

Je ne comprends pas le dernier paragraphe : Si la possibilité de licencier un agent
qui exprime de manière non équivoque le poste de reclassement. Il doit manquer un terme.

Si l’agent demande un reclassement et refuse un poste qui lui est proposé.
Est-il licencié dès le premier refus ou bien a t-il droit à trois refus ?

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