Le blog Droit administratif

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14 06 2008

« Je suis dans une ville d’Europe. C’est déjà ça »

Ce billet fait suite à celui intitulé « Le droit au logement décent et indépendant (DALDI), premières ordonnances de référé… suspension ».

L’article L.300-1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), issu de la loi du 2007, prévoit que : « Le droit à un logement décent et indépendant (…) est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ».

Le droit au logement décent et indépendant est donc conditionné, pour les étrangers – communautaires ou ressortissants de pays tiers – à la régularité de leur séjour et la permanence de leur résidence. Il s’agit là de conditions assez classiques en droit de la protection sociale[1]. La seconde est notamment définie par un avis du Conseil d’Etat du 8 janvier 1981. La première, apparue dans la loi « Barzach » du 29 décembre 1986, a été généralisée par la loi « Pasqua II » d’août 1993 et validée par le Conseil constitutionnel.

Mais, compte tenu de ces conditions, de quel droit bénéficient les réfugiés et les demandeurs d’asile déboutés, notamment lorsqu’ils ont été accueillis dans le cadre du dispositif national d’accueil et résidaient dans un Centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) ?

Nous constaterons que la résolution de cette question passera par l’analyse d’une ordonnance du Tribunal administratif de Toulouse du 11 avril 2008 , reconnaissant au nom de la protection de la « dignité des personnes composant la famille concernée » un droit à l’hébergement au titre du dispositif de veille sociale à une demandeuse d’asile déboutée (A) et d’une lettre du ministère de l’Immigration au président du comité de suivi du « droit au logement opposable » à l’initiative de l’association France terre d’asile qui nous amènera à nous pencher sur la question de savoir si le DALDI constitue une « prestation essentielle » d’assistance sociale (B).

A – Demandeurs d’asile déboutés : un droit d’hébergement à défaut de droit au logement

L’exigence légale pour accéder au DALDI aurait pu être plus radicale que celle de régularité et de permanence du séjour figurant à l’article L.300-1 CCH. Au cours de la discussion parlementaire, un amendement avait été déposé par « l’amendeur fou » [2] et multirécidiviste pour écarter tous les étrangers non titulaires d’une carte de résident de l’invocation de ce droit. Cela représente plusieurs centaines de milliers de personnes[3]

Cette exclusion est pourtant injustifiée et contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 25 octobre 2005 Niedzwiecki c/ Allemagne). Elle provoqua d’ailleurs une vive réaction des associations et fut finalement abandonnée par le gouvernement (v. notamment ce communiqué d’Act up).

Quoi qu’il en soit les sans-papiers sont exclus du bénéfice du droit au logement décent et indépendant. Cette exclusion concerne aussi les demandeurs d’asile déboutés. Or, depuis la réforme issue de la loi « Sarkozy » du 24 juillet 2006, la logique du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile est de renforcer le contrôle social sur les demandeurs d’asile durant l’examen de leur demande afin de pouvoir plus facilement les localiser et les renvoyer lorsqu’elle est rejetée (c’est-à-dire dans plus de 90% des cas). Cela revient à une quasi assignation à résidence des demandeurs d’asile.

En ce sens, le Code du travail prévoit, depuis la loi de 2006, que les demandeurs d’asile qui sont hébergés dans un centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ne peuvent bénéficier de l’aide temporaire d’attente (ATA) – ce qui renforce leur dépendance à ces centres.

L’ATA est aussi supprimée en cas de refus d’une offre d’hébergement dans le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (art. L.351-9-1 Code du travail). Enfin, en cas de rejet définitif d’une demande d’asile, l’OFPRA transmet électroniquement la décision aux gestionnaires pour que le demandeur quitte, dans les plus brefs délais, le centre[4] ou perde l’ATA[5] (voir Circulaire du 03 mai 2007 relatif aux modalités d’admission en CADA).

Un demandeur d’asile débouté a néanmoins, comme tout sans papier, accès au dispositif de veille sociale. Certes, on se souvient que l’amendeur frénétique – encore lui – avait tenté d’exclure par un amendement au texte de la loi Hortefeux les irréguliers de l’accès à l’hébergement d’urgence[6]. Mais face à la levée de bouclier des associations et à la réaction du haut-commissaire aux solidarités actives, la commission des lois du Sénat avait supprimé cet amendement.

L’accès à un hébergement d’urgence par une demandeuse d’asile déboutée et sa famille était justement l’enjeu de la requête en référé-suspension ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal administratif de Toulouse du 11 avril 2008. Cette ordonnance n’a pas connu le même retentissement que celle du juge des référés du TA de Paris. Elle ne constitue pourtant pas moins un utile précédent.

Entrée en France en 2005, cette ressortissante albanaise a été définitivement déboutée de sa demande d’asile le 8 septembre 2007. Elle a néanmoins été maintenue, avec ses deux-filles, de manière dérogatoire dans un centre d’accueil pour les demandeurs d’asile (CADA) jusqu’au 28 mars 2008.

Sans ressources, elle s’est alors retrouvée sans domicile et n’a pu être provisoirement hébergée que grâce à l’intervention du Secours catholique ou de bénévoles. Etant en situation irrégulière, elle ne pouvait s’adresser aux commissions de médiation pour bénéficier du DALDI et ce alors même ses deux-filles sont scolarisées en France et que la seconde y est née. L’irrégularité de la mère rejaillit sur le droit des enfants à avoir un toit[7], alors même que tous les enfants devraient bénéficier du droit au logement en application de l’article 27 de la convention internationale des droits de l’enfant[8].

A défaut de droit au logement, la requérante a formulé une demande d’hébergement dans le cadre du dispositif de veille sociale auprès du directeur départemental de l’action sanitaire et sociale les 3 et 5 avril 2008. Il n’a pas donné suite à cette demande alors même qu’il avait été alerté de ce cas dès octobre 2007 (c’est-à-dire dans le mois du rejet définitif de sa demande d’asile).

Pourtant l’article L111-3-1 du Code de l’action sociale et des familles (issu de la loi du 24 juillet 2006) prévoit que « la demande d’admission à l’aide sociale dans les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (…) est réputée acceptée lorsque le représentant de l’Etat dans le département n’a pas fait connaître sa réponse dans un délai d’un mois qui suit la date de sa réception ». Il est précisé que : « Lorsque la durée d’accueil prévisible n’excède pas cinq jours, l’admission à l’aide sociale de l’Etat est réputée acquise ».

Compte tenu de l’urgence de la situation, le silence du directeur départemental a été contesté par la voie d’une requête en annulation complétée d’une demande en référé-suspension[9].

En l’espèce, le juge estime la condition d’urgence du référé-suspension est remplie dès lors que « l’absence de réponse à la demande d’hébergement » est de nature à porter gravement atteinte « aux conditions de vie et, partant, à la dignité des personnes composant la famille concernée ».

On rapprochera cette motivation de l’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat le 5 janvier 2007 dans l’affaire « Ministre de l’Intérieur c/ Solidarité des Français » concernant l’indigeste « soupe aux cochons ». Dans cette affaire le Conseil d’Etat avait estimé qu’une interdiction de ce rassemblement discriminatoire était fondé dès lors que « l’arrêté contesté prend en considération les risques de réactions à ce qui est conçu comme une démonstration susceptible de porter atteinte à la dignité des personnes privées du secours proposé et de causer ainsi des troubles à l’ordre public ».

S’agissant du doute sérieux, le juge des référés rappelle que l’article R. 348-3 du CASF prévoit que dès qu’une décision d’asile définitive a été prise, le préfet en informe « sans délai » le gestionnaire du CADA. La personne hébergée doit quitter dans le mois le centre mais peut y être maintenue jusqu’à ce qu’une solution d’hébergement ou de logement lui soit présentée « dans la limite d’une durée de trois mois à compter de la date de notification », renouvelable une fois, de manière exceptionnelle et avec l’accord du préfet.

Il est aussi précisé que le gestionnaire « prend toutes mesures utiles pour lui faciliter l’accès à ses droits, au service public de l’accueil ainsi qu’à une offre d’hébergement ou de logement adaptée ».

Le doute sérieux sur la légalité de la décision vient donc du fait qu’alertée sur cette situation par service social du CADA dès octobre 2007 la DDASS n’a proposé aucune solution d’hébergement.

Compte tenu de cette passivité et de la « grande précarité » dans laquelle se trouve la famille concernée, le juge des référés retient le moyen d’erreur manifeste d’appréciation entachant le rejet de la demande d’hébergement.

Il suspend par conséquent l’exécution de la décision implicite et donne injonction au préfet de réexaminer la demande dans les 48 heures.

Privée du droit au logement, la requérante et sa famille a pu bénéficier d’un droit d’hébergement au nom de la dignité de la personne humaine.

Qu’en est-il de l’application du DALDI aux réfugiés ainsi qu’aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ?

B – Le DALDI, une prestation sociale essentielle accessible aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ?

L’association France terre d’asile a attiré l’attention du comité de suivi du droit au logement opposable sur des problèmes d’interprétation de la loi du 5 mars 2007 aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Le décret fixant précisément la liste des titres exigés à l’article L.300-1 du CCH n’a en effet pas encore été publié. Dans sa lettre du 28 avril 2008, le ministre de l’Immigration évoque que le décret serait « à la signature ».

Selon nos informations, pour les ressortissants communautaires, le futur article R 300-1 exigerait de remplir les conditions exigées pour bénéficier d’un droit au séjour.

Pour les étrangers non communautaires, le futur article R 300-2 pourrait exiger que l’étranger justifie :

  1. soit d’une carte de résident (10 ans) ou d’un titre équivalent (comme un certificat de résidence de 10 ans pour les Algériens) ;
  2. soit l’un des titres suivants avec une condition de stage préalable de 2 ans (« au terme d’au moins deux renouvellements consécutifs de l’un ou l’autre de ces titres… ») : carte de séjour temporaire (CST) « scientifique », CST « profession artistique et culturelle », CST « vie privée et familiale » (sauf le L313-11 3° du CESEDA soit les enfants atteignant 18 ans dont le parent à une CST « compétences et talent » ou « salarié en mission »), CST « salarié », « commerçant » mais pas les cartes portant les mentions « travailleur saisonnier », « travailleur temporaire » ou « salarié en mission ».

1°) Les réfugiés statutaires bénéficient de plein droit d’une carte de résident. Ils ont donc accès au DALDI. En outre, l’article R.441-14-1 du CCH, créé par le décret n°2007-1677 du 28 novembre 2007, prévoit que la commission de suivi peut être saisie par les personnes hébergées dans une structure d’hébergement de façon continue depuis plus de six mois.

La question se posait donc de savoir si la durée d’hébergement court à partir de l’admission en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou à partir de la reconnaissance du statut de réfugié.

Compte tenu du caractère recognitif du statut de réfugiés (on ne devient pas réfugié, on l’est et l’OFPRA ou la CNDA le reconnaît), le ministre de l’Immigration estime qu’il est permis d’envisager que la durée d’hébergement en CADA doit être comptabilisé dans le délai d’attente de 6 mois.

Dès lors, les demandeurs d’asile reconnus réfugiés statutaires pourront accéder, dès la fin de leur hébergement en CADA, au dispositif du DALDI prévu par la loi du 5 mars 2007.

Le ministre annonce même que « le projet de décret répond à la préoccupation de FTDA en prévoyant que les étrangers titulaires d’un récépissé de la demande de titre de séjour portant la mention reconnu réfugié remplissent les conditions de permanence de la résidence permettant le bénéfice du droit au logement opposable ».

C’est heureux et conforme à la Convention de Genève. Celle-ci prévoit en effet qu’ « en ce qui concerne le logement, les Etats contractants accorderont (…) aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible; ce traitement ne saurait être, en tout cas, moins favorable que celui qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux étrangers en général » (article 21 de la Convention).

2°) S’agissant des bénéficiaires de la protection subsidiaire, le ministre développe une interprétation contestable.

Rappelons que la protection subsidiaire constitue un asile « au rabais », ayant succédé depuis la loi Villepin de 203 à l’asile territorial de la loi Chevènement de 1998. Reconnue par l’OFPRA, elle ne permet d’obtenir qu’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ». L’annualité de cette carte plonge les bénéficiaires de cet asile dans une grande précarité et les expose à l’aléa préfectoral à chaque renouvellement.

Or, le projet de décret en cours d’élaboration et qui a déjà été soumis au Conseil d’Etat, prévoit, selon le ministre de l’Immigration, que les titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » justifient donc d’au moins deux années de résidence ininterrompue en France.

On peut s’interroger sur la conformité de cette exigence à l’article 28 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales en matière d’asile.

Son alinéa 1er prévoit que : « Les Etats membres veillent à ce que les bénéficiaires du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire reçoivent, dans l’Etat membre ayant octroyé le statut, la même assistance sociale nécessaire que celle prévue pour les ressortissants de cet Etat membre ».

Néanmoins son second alinéa prévoit, de manière particulièrement contestable que : « Par dérogation à la règle générale énoncée au paragraphe 1, les Etats membres peuvent limiter aux prestations essentielles l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ».

Or, le ministre de l’Immigration tout en reconnaissant l’essentialité du droit au logement estime que le DALDI n’entre pas « dans la catégorie des prestations sociales ».

Il estime donc fondé de maintenir la durée de deux ans de carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire.

Une telle interprétation apparaît particulièrement contestable. Si le législateur a pu adopter la loi sur le droit au logement opposable c’est bien qu’il s’agit d’une prestation de sécurité sociale au sens de l’article 34 de la Constitution (voir en ce sens : CE 22 octobre 2003, Gisti et LDH sur la carte famille nombreuse ).

On soulignera aussi que dans sa recommandation du 18 septembre 2006 sur la carte famille nombreuse la HALDE s’est fondée sur l’article 11 de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée . Or, comme l’article 28 de la directive de 2004, l’article 11 de la directive de 2003 permet de limiter l’égalité de traitement en matière d’aide sociale et de protection sociale aux « prestations essentielles » (article 11§4).

Il n’est d’ailleurs pas acquis que la réserve des « prestations essentielles » figurant dans ces directive soit conforme aux à l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme combiné à son article 8 ou à l’article 1er du premier protocole (CEDH, 16 septembre 1996, Gayguzuz c/ Autriche ; CEDH, 30 septembre 2003, Koua Poirrez c/ France), aux accords CE – pays tiers qui prévoient l’égalité de traitement en matière de protection sociale (Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie, etc.) ou à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Serait donc bien inspiré le défenseur d’un étranger soulevant, à l’occasion d’un litige individuel devant une juridiction administrative concernant une mesure de transposition, la contrariété de ces stipulations « inconditionnelles et précises » de ces directives avec un droit fondamental garanti par les principes généraux du droit communautaire. Ceux-ci sont, en application de l’article 6 TUE et de la jurisprudence de la CJCE, « inspirés » de la Convention européenne des droits de l’homme et la tradition constitutionnelle commune des Etats membres (v. en ce sens CE Sect. 10 avril 2008, CNB). Il serait également possible de soulever la contrariété de ces stipulations de directives à la Constitution française, et par suite, s’il y a une équivalence de garanties effectives, aux règles et principes généraux du droit communautaire (v. CE, Ass., 26 janvier 2007, Arcelor-Atlantique).

On comprend dès lors l’enjeu – au delà de la question de l’accès au DALDI des bénéficiaires de la protection subsidiaire – de la référence à cette notion de « prestation essentielle » de sécurité sociale.

Car, si, comme le chante Souchon, marcher dans une ville d’Europe, c’est déjà ça, pouvoir y trouver asile – au sens premier du terme[10] – c’est beaucoup mieux.

Notes

[1] V. M. Borgetto et R. Lafore, Droit de l’aide et de l’action sociales, Domat Montchrestien, n°56.

[2] Expression empruntée à Maitre Eolas.

[3] Pour soutenir une telle restriction M. Mariani déclarait le 11 janvier 2007 : « Quand on a seulement une carte de séjour temporaire d’un an, on n’a pas à bénéficier d’un logement social aux frais du contribuable » et ce alors même que l’ensemble des étrangers résidants en France, y compris les irréguliers d’ailleurs, sont contribuables.

[4] L’article R. 348-3 du Code de l’action sociale et des familles (issu du décret du 23 mars 2007) prévoit que dès qu’une décision définitive a été prise sur une demande d’asile, le préfet en informe « sans délai le gestionnaire du centre d’accueil pour demandeurs d’asile qui héberge la personne concernée, en précisant la date à laquelle cette décision a été notifiée au demandeur ».

[5] On comprend dès lors l’importance d’indicateurs sur l’occupation des CADA dans l’évaluation de la « performance » de la politique d’immigration menée par Brice Hortefeux.

[6] L’amendement visé à la modification de l’article 4 de la loi du 5 mars 2007 qui prévoit que : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ».

[7] Le droit au logement devrait pourtant être un droit universel puisqu’il s’agit d’un objectif de valeur constitutionnelle que le Conseil constitutionnel a déduit du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 (Décision Conseil constitutionnel n° 94-359 DC du 19 janvier 1995, Loi relative à la diversité de l’habitat).

[8] Qui n’est néanmoins pas d’applicabilité directe.

[9] L’intéressé ne pouvait avoir recours au référé-liberté puisque le Conseil d’Etat a jugé que le « droit au logement » ne constitue pas une liberté fondamentale invocable dans le cadre de la procédure de l’article L. 521-2 du CJA (CE, réf., 22 mai 2002, Epoux Fofana, n° 242193).

[10] Dans le sens premier du terme, c’est-à-dire religieux, l’asile est la protection offerte aux fugitifs qui se refugiaient dans une église et par extension « le lieu où l’on se met à l’abri, en sûreté contre un danger » (Le Petit Robert).

Commentaires

GJG dit :

On ne dira jamais assez que les analyses de notre collègue Slama sont salutaires ni combien elles nécessitent de travail et de synthèse dans ce champ normatif de plus en plus touffu.
Mais puisque Souchon est Français, rendons aussi hommage à Tiken Jah Fakoly, qui a si brillamment traduit un certain englishman in New York :
http://www.dailymotion.com/video...
Avec des images de quartiers dans lesquels il faut vivre pour comprendre.

Serge Slama dit :

Pour info, le Conseil d’Etat vient de rendre une décision "Cimade" par laquelle il annule partiellement le décret n°2006-1380 du 13 novembre 2006 relatif à l’allocation temporaire d’attente.

Il considère que l’ATA doit être versée aux personnes sans titre de séjour ressortissant d’un pays d’origine sûr. Les personnes en procédure prioritaire ont donc le droit de toucher l’ATA pendant la durée de l’examen de leur demande d’asile à l’OFPRA.

– De même, lorsqu’une demande de réexamen est recevable aux yeux de l’OFPRA les demandeurs doivent pouvoir toucher l’ATA. Est donc illégal dans le décret le fait que l’ATA ne peut être versée qu’une fois pour chacun des prestations.

– Il considère également en faisant une réserve d’interprétation que les réfugiés de moins de 25 ans peuvent toucher l’ATA car ils appartiennent à certaines catégories de personnes en attente d’insertion mentionnées par la loi.

– Le Conseil d’Etat censure également la durée de versement de douze mois pour les bénéficiaires de la protection temporaire, considérant que si la protection est renouvelée, les intéressés peuvent prétendre de nouveau à l’ATA.

CE 16 juin 2008 Association Cimade, N°300636

"Le décret n° 2006-1380 du 13 novembre 2006 est annulé en tant qu’il met en œuvre les dispositions du second alinéa du I de l’article L. 351-9 du code du travail, qu’il introduit dans ce code un article R. 351-7 en ce qu’il exclut qu’une personne dont la protection subsidiaire est renouvelée pour une durée de douze mois puisse bénéficier de l’allocation temporaire d’attente et, enfin, qu’il introduit dans ce même code un article R. 351-9 en ce qu’il exclut du bénéfice de l’allocation temporaire d’attente les demandeurs d’asile pour lesquels le directeur général de l’OFPRA a décidé qu’il y avait lieu de procéder à un nouvel examen de leur situation".

La directive de la Honte dit :

L’UE vient d’adopter la directive Retour, directive de la honte qui foule les idéaux de fraternité et de vivre ensemble des pères fondateurs, appelant au rapprochement des peuples.
Le PE l’adopte à une large majorité en co-décision !!! (ce qui signifie qu’il pouvait largement l’amender, par exemple sur les mineurs ou les malades), ce qu’il n’a pas fait…
Bienvenue au discours sécuritaire et à la stigmatisation de l’autre sur la scène institutionnelle européenne, un discours qui était réservé jusqu’alors à certains Etats membres frileux, dont la France.
Tel est donc le nouveau visage de l’UE, qui se veut humain et proche des citoyens (ou d’un certain électorat).

absent dit :

@MCFSLAMA: serait il possible d’avoir une compte rendu du colloque à l’ENS d’hier ?

Serge Slama dit :

@ absent

Les absents ont toujours tort!

Mais bonne nouvelle pour vous (peut-être moins bonne pour nous 🙂 ), la journée d’études va faire l’objet d’une publication à la documentation française (en novembre si j’ai bien compris).

Sinon le colloque me semble avoir été une réussite.
La grande salle de l’ENS était remplie. Il y avait beaucoup de magistrats administratifs, de fonctionnaires de ministères, d’étudiants de doctorants ou d’AJ ainsi que quelques universitaires.
Des questions très intéressantes ou des compléments d’analyse sont venus de la salle.

La demi-journée a commencé par une présentation du rapport du GIP par Katia Wendenfeld et Alexis Spire (particulièrement sur le contentieux fiscal et des étrangers).

Le rapport va paraître à la Documentation française.

Puis dans une table ronde présidée par Mme la présidente Pièrart (qui n’a rien dit sur les travaux de la commission Mazeaud) sur le contentieux des étrangers:

– Yannick Blanc qui devait parler du rôle des intermédiaires du droit a surtout évoqué l’activité de la préfecture de police de Paris en contentieux des étrangers.

"Depuis une dizaine d’année, la multiplication des lois sur l’immigration ont rendu le droit des étrangers de plus en plus complexe.
L’exercice du pouvoir d’appréciation reconnu à l’autorité administrative par ces dispositions fait l’objet de pressions et de négociations que les étrangers demandeurs de régularisation ne conduisent jamais eux-mêmes mais qui sont prises en charge par trois catégories d’intermédiaires que sont les avocats, les collectifs de sans-papiers et les associations de solidarité ou humanitaires.
Pour l’administration comme pour ces intermédiaires, la voie contentieuse n’est nullement synonyme d’échec de la décision administrative mais joue un rôle régulateur complexe en regard des buts poursuivis par l’affirmation politique d’une « maîtrise » de l’immigration."

Il a évoqué, à propos de l’empilement des législations en droit des étrangers d’ "un mur de papier". Mur de papier qui a néanmoins régulièrement des déchirures et qui s’entrouvre parfois de portes étroites.

Il a constaté que l’administration avait tendance dans ce domaine à "externaliser ses difficultés" vers le juge administratif qui réalise donc cette régulation externe.

De la salle, une personne de la PPP a aussi donné des statistiques intéressantes:
En 2006 le taux d’annulation par le TA des décisions de la PPP en droit des étrangers était de 11%
Il a grimpé à 24% en 2007 avec la mise en place des OQTF (principalement en raison des problèmes de saisines de la commission de séjour pour les 10 ans de résidence habituelle et du défaut de motivation jusqu’à l’intervention de l’avis salvateur du CE et de l’amendement Mariani)

Florian Roussel, CDG au TA de Paris a parlé de "l’étranger relégation du contentieux par l’administration"

"Ces quinze dernières années, l’activité croissante des préfectures en matière de contrôle de l’immigration et le fort taux de recours des étrangers contre leurs décisions ont donné naissance à un contentieux de masse. Soumis à la double pression du pouvoir politique, qui se traduit par des objectifs chiffrés particulièrement suivis, et de l’opinion publique, les services préfectoraux font preuve d’un professionnalisme indéniable et ont globalement bien assimilé les contraintes de forme et de fond posées par les textes et la jurisprudence du Conseil d’Etat.
En revanche, il faut déplorer l’absence d’implication de ces services pour le règlement précontentieux des différends et surtout le désintérêt qu’ils manifestent dans le suivi contentieux des dossiers. Cette « relégation du contentieux », qui se traduit notamment par la production trop rare et souvent aléatoire des mémoires en défense, par la non-représentation de la préfecture à l’audience, voire même parfois par l’absence de prise en considération de jurisprudences passées, accentue encore l’engorgement des juridictions. Surtout, elle préjudicie aussi bien aux étrangers, qu’elle contraint à des procédures lourdes et répétitives, qu’à l’administration elle-même, dans la mesure où la prévention des litiges peut être source d’économie pour les deniers publics".

Et pour ma part, j’étais chargé de parler de la "bureaucratisation du contentieux des étrangers".

Mon propos se résume en une citation du château de Kafka
"– Vous ne cessez, Monsieur le Maire, répondit K., de traiter mon affaire comme une bagatelle, et pourtant elle a occupé un bon nombre de fonctionnaires ; (…) Bien malgré moi, hélas, car mon ambition ne vise pas à faire bâtir et craquer de grandes piles de dossiers à mon sujet (…)
– Non, dit le maire, ce n’est pas un grand cas ; à cet égard vous n’avez pas sujet de vous plaindre, c’est l’un des plus petits cas parmi les plus petits".

"L’un des plus petits cas parmi les plus petits" et les "grandes piles de dossier" résume bien l’évolution actuelle du contentieux des étrangers sous l’effet des réformes législatives incessantes, du durcissement des lois et des pratiques préfectorales et de la politique des "objectifs chiffrés".
La situation est connue. Le contentieux ne cesse d’augmenter. A tel point que l’ancien président du SJA disait avoir l’impression que les TA sont amenés à juger de 100% des décisions de l’administration en cette matière.
Pour faire face à un tel afflux de dossiers, les tribunaux administratifs sont obligés d’adapter leur méthode de travail, sont rentrés dans une logique de productivité marginalisant sans cesse le contentieux des étrangers (quotas de dossiers pour les AJ, dévalorisation du contentieux des étrangers dans les normes Braibant). La procédure en la matière est de plus en plus dérogatoire du droit commun.
Dernier exemple en date: le projet de suppression du commissaire dans le contentieux collégial de l’OQTF.

Dans la seconde table, présidée par M. Stirn, celui-ci a confirmé et justifié ce projet de suppression par le fait que le contentieux des étrangers serait un contentieux "simple" n’appelant principalement qu’une appréciation, parfois difficile, des questions de fait. Il ne voit pas de contradiction avec l’arrêt Gisti du Conseil d’Etat qui avait validé le passage de la DIR de 2 mois à 4 mois compte tenu de la "complexité" des dossiers. C’est complexe pour l’administration (il faut donc 4 mois) mais pas pour les TA (3 mois suffisent sans double regard du commissaire). Il s’est dit toutefois attaché à la collégialité et a précisé qu’il serait tjs possible à une chambre, si une question de droit pointue surgie, de faire appel à un commissaire du gvt.

[PS: pour ma part, je vous invite à signer la pétition de l’USMA]

Dans cette seconde table, J-G Contamin professeur de science po à Lille II a présenté la partie du rapport sur le contentieux du droit au logement (surtout sur l’APL).
Il nous a raconté les passionnantes tribulations et utilisations stratégiques par les CAF de la compétence de TI et des TA dans le contentieux de l’APL.
Il s’agit du principal facteur explicatif de l’augmentation de ce contentieux au TA de Lille.

"il convient donc de s’interroger cette fois-ci, de manière a priori tout aussi contre-intuitive, sur ce qui conduit des administrations à saisir le tribunal administratif pour attaquer des usagers. Occasion de souligner combien et pourquoi le contentieux en matière de logement est un contentieux d’origine essentiellement administrative, un produit dérivé de l’activité de différentes administrations qui fonctionnent chacune à partir de logiques relativement autonomes et qui concourent, sans bien sûr en faire un objectif, à l’importance de ce contentieux et à son évolution . En l’occurrence, l’évolution du contentieux administratif en matière de logement est à rapporter à un ensemble de facteurs structurels liés au fonctionnement même des CAF en interaction avec l’évolution de la législation, des attitudes des tribunaux et des relations avec la CNAF. Facteurs structurels qui n’interdisent toutefois pas une certaine diversité des pratiques en fonction de cultures administratives locales".

Edouard Geffray, maître des requêtes au CE a présenté le rapport du groupe de travail du Conseil d’Etat sur les "Les recours administratifs préalables obligatoires" (les RAPO)

"Souvent décriés comme une survivance de la théorie du ministre-juge ou un obstacle supplémentaire à l’accès au juge, les « recours administratifs préalables obligatoires » constituent en fait l’un des principaux modes alternatifs de règlement des litiges. Force est en effet de constater que, lorsqu’ils existent, ils sont souvent couronnés de succès, comme en témoignent l’expérience la plus ancienne (1927 !), en matière fiscale, ou, plus récemment, la procédure de recours devant la Commission de recours des militaires.
Si le système pâtit d’une méconnaissance de ses caractéristiques juridiques, l’extension de ces procédures doit donc être sérieusement envisagée, lorsque les conditions sont favorables, au regard du triple intérêt du demandeur, de l’administration et du juge. La finalité de ces recours est en effet de permettre un réexamen effectif par l’administration de ses décisions, sur le fondement de considérations de droit mais aussi d’opportunité. Pour l’administration, il s’agit d’un moyen de purger de leurs éventuels vices ses décisions et d’harmoniser ses pratiques. Pour l’administré, ce recours constitue un moyen simple d’obtenir, avec des chances raisonnables de succès, la réformation – ou l’explication – d’une décision. Pour le juge, les conséquences sont à la fois quantitatives et qualitatives.
Après un rapide état des lieux et le rappel des grandes caractéristiques de ces recours, seront donc envisagées les possibilités d’extension".

Interrogé sur la commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France, qui est l’exemple type de RAPO visant à décharger le CE d’un contentieux sans améliorer la situation des usagers, il a annoncé avec le président Stirn la nécessaire réforme de la CRRVEF.
Il faut lui donner davantage de moyen (actuellement il faut environ un an pour traiter un dossier sachant qu’il y a 5000 recours et 250 000 refus de visa). Il faut lui donner plus de pouvoir (actuellement elle propose au ministre de délivrer un visa, proposition qu’il suit 3 fois sur 10 seulement et elle rejette elle-même les recours).
Son rôle doit permettre d’unifier les pratiques entre consulats en matière de délivrance de visa.

Enfin, pour clôturer en beauté la journée, le président Stirn a donné la parole au professeur Rolin qui, comme l’a mentionné le président, développe des analyses "fortes et stimulantes".

On n’a pas été déçu puisqu’à partir de l’illustration du référé précontractuel, il a démontré la complexité des attentes des différents acteurs de la procédure avec son maestro habituel.

Idéal pour mettre en appétit et profiter des petits-fours et du champagne servi par Alexis Spire et Katia Wendenfeld

Voilà un compte-rendu très partiel et partial mais les participants et spectateurs pourront toujours compléter.

absent édifié dit :

Merci
vous avez eu raison de signer la pétition usma, j’espère que vous l’avez diffusé autour de vous

Serge Slama dit :

On me signale cette info

fr.news.yahoo.com/rtrs/20…

Hirsch rappelle un préfet à la loi sur l’hébergement d’urgence

ORLÉANS, Loiret (Reuters) – Martin Hirsch, Haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, vient de rappeler à la loi le préfet du Loiret, qui avait refusé un hébergement d’urgence à une famille de sans-papiers.

Dans un courrier daté du 10 avril, le préfet Jean-Michel Bérard indiquait à l’adresse d’une association de défense d’une mère et d’une fille sans-papiers expulsées de leur logement, qu’un accès à l’hébergement d’urgence était impossible.

"Dans la mesure où elle est en situation irrégulière, elle ne peut donc pas prétendre à bénéficier d’un hébergement financé par l’État", écrivait-il dans cette lettre, dont Reuters a eu connaissance mercredi.

Dans un courrier daté du 6 juin, Martin Hirsch a rappelé les règles qui prévalent en matière d’hébergement d’urgence des sans-papiers.

"Permettez-moi alors de vous rappeler que le droit à l’hébergement d’urgence et l’accès aux structures d’hébergement d’urgence ne sont pas soumis à une condition de régularité du séjour et qu’il est accordé au regard d’une situation de détresse", souligne Martin Hirsch.

"Il n’est même pas formellement demandé aux personnes hébergées de présenter un document d’identité ou un titre de séjour à leur arrivée", ajoute-t-il.

Le préfet a ensuite fait savoir qu’il était "du ressort des associations de prendre les décisions en matière d’hébergement".

Mourad Guichard, édité par Pascal Liétout

Serge Slama dit :

On me signale cette info

fr.news.yahoo.com/rtrs/20…

Hirsch rappelle un préfet à la loi sur l’hébergement d’urgence

ORLÉANS, Loiret (Reuters) – Martin Hirsch, Haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, vient de rappeler à la loi le préfet du Loiret, qui avait refusé un hébergement d’urgence à une famille de sans-papiers.

Dans un courrier daté du 10 avril, le préfet Jean-Michel Bérard indiquait à l’adresse d’une association de défense d’une mère et d’une fille sans-papiers expulsées de leur logement, qu’un accès à l’hébergement d’urgence était impossible.

"Dans la mesure où elle est en situation irrégulière, elle ne peut donc pas prétendre à bénéficier d’un hébergement financé par l’État", écrivait-il dans cette lettre, dont Reuters a eu connaissance mercredi.

Dans un courrier daté du 6 juin, Martin Hirsch a rappelé les règles qui prévalent en matière d’hébergement d’urgence des sans-papiers.

"Permettez-moi alors de vous rappeler que le droit à l’hébergement d’urgence et l’accès aux structures d’hébergement d’urgence ne sont pas soumis à une condition de régularité du séjour et qu’il est accordé au regard d’une situation de détresse", souligne Martin Hirsch.

"Il n’est même pas formellement demandé aux personnes hébergées de présenter un document d’identité ou un titre de séjour à leur arrivée", ajoute-t-il.

Le préfet a ensuite fait savoir qu’il était "du ressort des associations de prendre les décisions en matière d’hébergement".

Mourad Guichard, édité par Pascal Liétout

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