Retour sur quelques paradoxes : le juge administratif et la doctrine du droit administratif
Par Alexandre CIAUDO :: L'Université
Dans un précédent billet relatif à la multiplication des blogs juridiques et à son éventuelle concurrence avec l’édition juridique traditionnelle, j’avais évoqué le thème du déclin de la doctrine du droit administratif, thème récurrent s’il en est. Ces quelques réflexions et les commentaires qui ont suivi m’ont amené à rédiger un article, ici reproduit, que j’espère proposer aux revues juridiques suite à vos commentaires.
Le point de départ de ma réflexion a été le relevé de certaines contradictions. Il est souvent affirmé que les membres de la juridiction administrative font partie intégrante de la doctrine du droit administratif ; il est également avancé que les membres du Conseil d’Etat méprisent la doctrine du droit administratif alors que les universitaires seraient en adoration devant l’œuvre jurisprudentielle du Palais-Royal. Après une clarification des termes et formules employées, j’ai tenté de résoudre ces paradoxes.
Dans le langage courant, le mot « doctrine » est employé pour décrire un ensemble d’opinions, de croyances, d’idées d’une école de pensée littéraire, religieuse, ou philosophique… Dans le langage du droit, la « doctrine » prend une signification plus spécifique. En effet, les auteurs, a priori membres de cette doctrine, s’accordent pour conférer une définition particulière au terme « doctrine » lorsqu’il est employé dans un sens juridique. A cet égard, on peut remarquer qu’aussi nombreux que soient les auteurs évoquant la doctrine juridique, peu en donnent une définition précise. Le plus souvent, la doctrine est simplement opposée à la jurisprudence afin de manifester leurs différences sur leurs conceptions réciproques du droit positif[1], leur interdépendance[2] ou, encore plus souvent, dans l’énumération des sources du droit afin de préciser que la doctrine, n’en fait pas véritablement partie[3].
Les rares définitions proposées de la doctrine juridique décrivent un objet global, complexe et rebelle à la systématisation. Etymologiquement, le terme de doctrine vient du mot « doxa », « opinion », ou « docere », « enseigner », ou encore « doctrina », l’action d’enseigner : la doctrine serait ainsi essentiellement constituée par ceux qui ont une opinion sur le droit et qui l’enseignent[4]. Elle peut ainsi simplement être présentée comme la « pensée des auteurs. Par extension, de l’ensemble des auteurs »[5]. De manière plus détaillée, le Professeur Cornu, donne quatre définitions du mot « doctrine » : « 1/ Opinion communément professée par ceux qui enseignent le Droit, ou même ceux qui, sans enseigner, écrivent sur le Droit. 2/ Ensemble des ouvrages juridiques. 3/ Ensemble des auteurs d’ouvrages juridiques. 4/ Opinion exprimée sur une question de Droit particulière »[6].
Ainsi, on peut dire que le terme de doctrine revêt deux dimensions. Elle décrit en premier lieu un ensemble de productions juridiques[7], composé par l’expression de la pensée des auteurs[8] se manifestant par la matérialisation d’écrits juridiques ou par un enseignement juridique. En second lieu, la doctrine représente l’ensemble des auteurs de ces productions juridiques. En d’autres termes la doctrine décrit à la fois un contenu et un contenant[9], ce qui, précisément, constitue « l’ambivalence du terme, qui sert à la fois à désigner l’écrit et son auteur »[10]. La doctrine, dont on verra que la principale mission consiste en la présentation systématique et synthétique du droit, semble éprouver quelques difficultés à se définir elle-même, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.
Cette doctrine juridique a récemment fait l’objet d’un regain d’intérêt à travers certaines études de droit privé. Les auteurs de ces études ont pu voir dans la doctrine du droit privé un « corps homogène et compact »[11], ce qui n’a pas manqué de créer un certain émoi au sein de cette doctrine[12] et provoqué un vif échange doctrinal au sujet de la définition même de la doctrine[13]. Toutefois, si ces études s’opposent sur la définition de la « doctrine », elles s’accordent en revanche pour conférer un statut particulier à la doctrine du droit administratif.
La doctrine du droit administratif bénéficierait d’une place spéciale au sein de l’ensemble « doctrine » car elle serait composée de deux modèles doctrinaux comprenant d’une part l’Université et d’autre part le Conseil d’Etat[14]. Ainsi, pour les auteurs de droit privé, au sein de l’ensemble spécifique « doctrine », la doctrine du droit administratif serait elle-même spécifique. L’étude de la doctrine du droit administratif mérite alors bien une attention distincte de celle de la doctrine du droit privé. A cet égard, la formule « doctrine du droit administratif » sera préférée à celle de doctrine administrative renvoyant davantage à la doctrine de l’administration, constituée essentiellement par les instructions des chefs de service à leurs agents sous forme de circulaires[15] et directives[16]. Sera également écartée la formule « doctrine administrativiste » à la sonorité plus déroutante et au sens incertain. La doctrine du droit administratif sera simplement la doctrine qui se donne le droit administratif pour objet d’étude.
Dès lors, la spécificité de la doctrine du droit administratif ressort en premier lieu de ce qu’elle serait composée d’universitaires, comme son homologue de droit privé, mais également de membres de la juridiction administrative. Toutefois, ce premier point, s’il révèle une certaine particularité de la doctrine du droit administratif, ne recouvre pas l’ensemble des manifestations spécifiques de cette doctrine. En effet, nul ne saurait contester que certains membres de la juridiction judicaire font eux-mêmes partie de la doctrine du droit privé en ce qu’ils ont une activité annexe d’enseignement et écrivent sur le droit privé[17] ; certains se sont même vu offrir des Mélanges[18]. On aura également relevé que si, par facilité de langage, il peut être admis que le juge administratif fait partie intégrante de la doctrine du droit administratif, cette acception est largement trompeuse. Ce n’est pas le juge administratif qui fait partie de la doctrine mais certains membres de la juridiction administrative. Cet élément révèle certes une certaine spécificité de la doctrine du droit administratif, toutefois celle-ci s’exprime bien davantage à l’aune de trois paradoxes gravitant autour de la définition même de la doctrine du droit administratif.
Le premier paradoxe est celui de sa composition. La doctrine du droit administratif est certes composée d’universitaires comme la doctrine du droit privé, mais également de membres de la juridiction administrative qui participent à l’élaboration du droit administratif. La juridiction administrative se veut également composée de manière hétéroclite ; elle regroupe les conseillers de tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel ainsi que les membres du Conseil d’Etat. A cet égard, et devant une nouvelle dyarchie qui ne pourrait que rendre la démonstration plus confuse, il conviendra de centrer le propos sur l’appartenance à la doctrine du droit administratif des seuls conseillers d’Etat, quitte à proposer ultérieurement une étude axée sur les magistrats administratifs. Les deux pôles de la doctrine du droit administrative seront ainsi bien constitués par l’Université et le Conseil d’Etat.
Comme le relevait le Professeur Rivero, « si la doctrine et la jurisprudence civiles correspondent à deux groupes professionnellement tranchés, il est, en droit administratif, beaucoup plus difficile d’incarner les deux voix du dialogue, et de les opposer »[19] et ce, puisque les acteurs de la jurisprudence font eux-mêmes partie de cette doctrine. Ce premier élément ne fait toutefois pas l’unanimité. Pour certains auteurs il existerait simplement plusieurs doctrines du droit administratif[20], une doctrine « organique » du Conseil d’Etat et une doctrine « universitaire »[21] ; pour d’autres, il n’existerait qu’une seule doctrine mais qui inclurait les membres du Conseil et notamment les commissaires du gouvernement[22] ; pour d’autres enfin, les commissaires du gouvernement devraient être exclus de cette doctrine[23]. La doctrine du droit administratif se présente ainsi comme un objet complexe, « multiple »[24], « dyarchique »[25], en ce sens qu’elle est composée de membres participant à l’élaboration du droit qu’elle a en charge de systématiser.
Le deuxième paradoxe de la doctrine du droit administratif serait constitué par le « dédain universel »[26] du Conseil d’Etat à l’égard de la doctrine. Alors qu’en droit privé, les auteurs affirment depuis plus d’un siècle et demi qu’il est nécessaire que la doctrine et la jurisprudence « s’honorent mutuellement, comme elles s’entraident »[27], en droit administratif, la jurisprudence, par la voix du Conseil d’Etat, ferait preuve d’un désintérêt si ce n’est total au moins « partiel » pour la doctrine[28]. Qui ne se souvient de la célèbre joute par articles et conclusions interposés entre le Président Chenot et le Professeur Rivero au sujet des « faiseurs de système »[29] ? Toutefois, ce prétendu mépris du Conseil d’Etat à l’égard de la doctrine semble bien contradictoire si l’on considère que les membres du Conseil d’Etat font eux-mêmes partie de cette doctrine.
Le troisième paradoxe, intimement lié au deuxième, émergerait à l’égard de « l’attitude référentielle et révérencielle »[30] de la doctrine à l’égard du Conseil d’Etat. Ici, le caractère bicéphale de la doctrine du droit administratif pourrait à l’inverse conforter la vassalisation de la doctrine au Conseil d’Etat. Mais au regard du deuxième paradoxe, constitué par le prétendu mépris du Conseil d’Etat à l’égard de la doctrine, ne semble-t-il pas contradictoire qu’une doctrine soit en adoration devant un juge qui la méprise ?
L’on est alors tenté, à travers la résolution de ces paradoxes, de vérifier le caractère prétendument spécifique de la doctrine du droit administratif. Les éléments précédemment évoqués amènent naturellement à s’attacher en premier lieu à la question de l’appartenance des membres du Conseil d’Etat à la doctrine du droit administratif (I), et en second lieu à préciser la nature des rapports entre les deux blocs qui constituent la doctrine du droit administratif, l’Université et le Conseil d’Etat (II).
I – Le paradoxe de l’appartenance des membres du Conseil d’Etat à la doctrine du droit administratif
Il est devenu commun, en droit administratif, de présenter les hôtes du Palais-Royal, ou du moins certains d’entre eux, comme faisant partie intégrante de la doctrine du droit administratif. A l’aune de la définition de la doctrine précédemment proposée, on pourra constater que s’il est exact que certains membres du Conseil disposent d’une activité annexe d’enseignement (A), en revanche, leur production doctrinale se présente bien comme spécifique (B).
A) L’enseignement du droit administratif par le juge administratif
De nombreux membres du Conseil d’Etat, plus souvent conseillers d’Etat ou maîtres des requêtes qu’auditeurs, tiennent une place importante dans l’Université : « le Conseil d’Etat est un foyer de professeurs »[31]. En effet, nombre d’entre sont recrutés par les Facultés de droit et nommés Professeurs associés afin d’assurer principalement des enseignements de droit administratif ou de procédure administrative contentieuse[32] ; ou encore afin d’assurer des conférences ou enseignements spécifiques de droit public en tant que vacataires, ce qui est plus souvent le cas pour les membres des tribunaux et cours administratives d’appel.
De même, il n’est pas rare de voir des membres de la juridiction administrative siéger dans les jurys de thèse de droit administratif. L’on pourrait même dire qu’il est aujourd’hui difficilement concevable de soutenir une thèse en droit administratif ou en contentieux administratif sans la présence d’un membre du Conseil d’Etat dans son jury. Les membres du Conseil d’Etat font également partie du jury du concours de l’agrégation de droit public, dont les lauréats ont vocation à devenir les représentants les plus éminents de la doctrine du droit administratif. Il devient même courant de délivrer des Mélanges à certains membres du Conseil d’Etat[33], pratique consacrant usuellement la carrière d’un grand universitaire[34]. Il est encore plus courant de trouver des articles rédigés par des membres du Conseil d’Etat dans les Mélanges offerts aux universitaires[35].
L’enseignement délivré par les membres de la juridiction administrative constitue une part fondamentale de l’œuvre doctrinale du droit administratif. On pourra relever à cet égard qu’au nombre des grands manuels classiques du droit administratif figurent des ouvrages rédigés par des conseillers d’Etat. Plus encore, ces ouvrages ont été rédigés sur la base des cours que ces conseillers d’Etat prodiguaient. Ainsi, le traité d’Edouard Laferrière[36] est né du cours qu’il donnait à la faculté de Paris, les conférences de Léon Aucoc[37] de son cours de droit administratif à l’école des Ponts et chaussées, le cours de contentieux administratif de Raymond Odent[38] de son cours à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, de même pour le manuel de droit administratif de Guy Braibant et Bernard Stirn[39].
Les membres du Conseil d’Etat participent enfin à l’activité universitaire de recherche en droit administratif. Il n’est en effet pas rare de les voir assister ou participer à des colloques au cours desquels ils expliquent volontiers la genèse ou l’évolution de certaines jurisprudences. Si, comme il le sera envisagé ultérieurement, les conseillers d’Etat écrivent régulièrement dans les revues juridiques consacrées au droit administratif, ils participent également aux comités de rédaction de ces mêmes revues juridiques[40]. La production doctrinale des membres de la juridiction administrative s’est même institutionnalisée. Ainsi en est-il de la chronique à l’AJDA des auditeurs au Conseil d’Etat[41], désormais rédigée par deux maîtres des requêtes. Depuis 1947, le Recueil Lebon, publiant les arrêts les plus importants du Conseil d’Etat, est édité « sous le haut patronage du Conseil d’Etat »[42]. Depuis 1947 toujours, le Conseil d’Etat dispose de sa propre revue, Etudes et Documents, dans laquelle les universitaires sont invités. On notera enfin que dans la revue Droit Administratif, la quasi-totalité des commentaires de jurisprudence sont réalisés par des membres du Conseil d’Etat qui rédigent des observations en signant simplement de leurs initiales. Cette pratique leur permet, parfois, de contourner la règle du secret du délibéré ; on s’aperçoit en effet qu’il est fréquent que les initiales des commentateurs correspondent aux rapporteurs des affaires en question.
De manière quelque peu incidente, il pourra également être relevé qu’à l’indépendance nécessaire et consubstantielle à l’activité d’enseignement du droit dont bénéficient les universitaires[43], fondée sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République[44], répond l’indépendance des membres de la juridiction administrative et celle de la juridiction administrative toute entière[45]. Si la doctrine est nécessairement indépendante[46], les membres de la juridiction administrative répondent assurément à cette condition[47]. Comme le précise le Conseil d’Etat, c’est de même « en toute indépendance »[48] que les commissaires du gouvernement prononcent leurs conclusions. L’indépendance des universitaires n’a certes que peu à voir avec celle des conseillers d’Etat, toutefois ce caractère leur est bien commun lorsqu’ils sont envisagés en tant que membres de la doctrine du droit administratif. C’est en toute indépendance que les auteurs s’expriment sur le droit administratif, libres de toute considération ou influence des corps auxquels ils appartiennent.
Du point de vue d’un critère organique, qui serait constitué par une appartenance au corps enseignant, et si « faire œuvre de doctrine consiste à enseigner »[49], il semble difficile de pouvoir exclure les membres de la juridiction administrative de la doctrine du droit administratif. Toutefois, à l’égard d’un critère matériel, relatif à la production doctrinale des membres de la juridiction administrative, la situation s’avère plus complexe.
B) La production doctrinale spécifique du juge administratif
Comme il vient de l’être envisagé, les membres du Conseil d’Etat manifestent, à l’évidence, une production doctrinale. La lecture des revues juridiques propres à la doctrine du droit administratif révèle d’ailleurs que cette production prend de plus en plus d’importance dans la masse croissante de la littérature juridique. Ce qui peut au premier abord sembler comme une manifestation probante du paradoxe envisagé ne constitue en fait qu’une réalité historique.
Si l’on peut voir le juge comme un « enfant de la doctrine »[50], en ce sens qu’il a reçu un enseignement juridique au sein des facultés de droit, ce qui d’ailleurs était vrai il y a quelques années[51] mais l’est beaucoup moins aujourd’hui[52], la doctrine pourrait elle-même être qualifiée de descendante du juge administratif. Comme l’écrivait le Professeur Rivero, la doctrine du droit administratif est née « sur les genoux de la jurisprudence »[53]. En effet, cette doctrine semble bien née « dans le sein de la Haute Assemblée »[54]. Si l’on s’intéresse à l’histoire de la doctrine du droit administratif[55], on s’aperçoit que les premiers auteurs ayant écrit sur le droit administratif étaient eux-mêmes des membres du Conseil d’Etat. Si l’on excepte les premiers « traités sans valeur » ou « fantaisistes »[56] écrits par des auteurs « fort médiocres »[57], l’on peut raisonnablement fixer l’acte de naissance de la doctrine du droit administratif avec les Elemens de jurisprudence administrative de Macarel parus en 1818[58].
Il n’est pas impossible d’affirmer que tous les grands auteurs ayant écrit sur le droit administratif au XIXe siècle appartenaient ou ont appartenu à la juridiction administrative : Macarel, Cormenin, Vivien, Bouchené-Lefer, Aucoc, Laferrière… ; ce qui fait même dire à des auteurs contemporains qu’ « avant les années 1880, on ne peut pas parler véritablement de doctrine à propos des auteurs qui ont écrit sur le droit administratif »[59]. Et lorsque, « enfin Laferrière vint »[60] et apporta de l’ordre et de la clarté dans l’impénétrable jurisprudence administrative, l’on ne pu que constater que cette éclairage était porté par le chef même de la juridiction administrative.
Cette quasi omniprésence de la production doctrinale des membres de la juridiction administrative au XIXe siècle, si l’on excepte les ouvrages de certains universitaires comme Batbie, Chauveau, Ducrocq, Foucart, Serrigny ou Trolley n’ayant pas véritablement marqué la science du droit administratif, s’explique toutefois par la faible diffusion de la jurisprudence administrative. Si l’on admet que le droit administratif est un droit jurisprudentiel, pour qu’une pensée juridique puisse se former à son propos, il est nécessaire que les décisions de jurisprudence soient connues des éventuels auteurs. Or, c’est devant la difficulté à trouver cette jurisprudence que Macarel rédigea son ouvrage en 1818, alors que le Conseil d’Etat et les conseils de préfecture rendaient des décisions depuis l’an VIII. Le Recueil Lebon, n’a commencé à paraître qu’à partir de 1822 et, à l’époque, sa constitution et sa diffusion étaient des plus problématiques[61]. Si l’on s’accorde à dire qu’ « une doctrine véritable du droit administratif ne pouvait prospérer que dans l’examen de la jurisprudence »[62], il n’est alors guère étonnant que ce soient les auteurs de cette jurisprudence qui aient, les premiers, élaboré les bases conceptuelles nécessaires au développement de celle-ci.
Plus proche de nous, l’ouvrage de référence du droit administratif, d’une pérennité à demi séculaire[63], celui qui à la fois « guide les étudiants dans le dédale de la jurisprudence »[64], « figure à juste titre parmi les plus importantes conquêtes de l’esprit français »[65] et constitue incontestablement « un instrument de travail irremplaçable »[66], on l’aura reconnu le GAJA, est rédigé par une collectivité de cinq auteurs dont deux sont des membres du Conseil d’Etat.
La proposition est plus que confirmée : la production doctrinale des membres du Conseil d’Etat est fondamentale dans la doctrine du droit administratif. Toutefois, il pourrait être davantage évocateur de s’intéresser plus attentivement à cette production doctrinale afin notamment de la comparer à la production doctrinale dite « classique », constituée par les œuvres des universitaires. Deux remarques générales peuvent alors être dégagées de cette étude. L’écriture juridique des conseillers d’Etat présente avant tout une vocation pratique ; la production doctrinale spécifique des commissaires du gouvernement ne peut être assimilée à aucune autre œuvre doctrinale en raison de sa fonction même.
En premier lieu, sur la production doctrinale des membres du Conseil d’Etat, la lecture des ouvrages, articles de fond et notes d’arrêts, révèle, de manière générale, une différence sensible avec la doctrine universitaire en ce que la première tend naturellement vers une démonstration pratique. En effet, le juge administratif, ayant pour mission première de rendre la justice, de trancher un litige par l’affirmation de la règle de droit, lorsqu’il s’adonne à l’écriture juridique, sa formation professionnelle l’amène logiquement à des considérations plus matérielles qu’un universitaire à qui est confié l’enseignement in abstracto d’une matière juridique. Ainsi, de l’étude des manuels exclusivement rédigés par des membres de la juridiction administrative, qui se consacrent majoritairement à l’étude de la procédure administrative contentieuse plus qu’au droit administratif lui-même[67], ressort un même constat : plus que descriptif ou explicatif, leur propos est avant tout pratique. Le juge administratif projette une mise en œuvre concrète du droit qu’il enseigne bien davantage que l’universitaire qui fonde ses raisonnements et explications sur des démonstrations conceptuelles dont il démontre la logique intrinsèque. Il ne s’agit ici nullement d’un jugement de valeur mais d’un simple constat, la production doctrinale du juge est sensiblement différente de celle de l’universitaire.
En second lieu, il convient de s’intéresser à la question récurrente de l’appartenance des commissaires du gouvernement à la doctrine du droit administratif. L’idée selon laquelle les commissaires du gouvernement feraient « œuvre de doctrine »[68] lorsqu’ils prononcent leurs conclusions semble largement répandue. Ainsi Madame le Professeur Deguergue a pu démontrer que ceux-ci appartenaient effectivement à la doctrine du droit administratif[69] et qu’ils en constituaient même les messagers[70]. En effet, les conclusions des commissaires disposent d’une évidente vertu pédagogique en ce que leur lecture permet de lever l’imperatoria brevitas du juge administratif. Il est ainsi devenu courant, depuis les années 1860, que les commissaires publient leurs conclusions dans les revues juridiques[71].
Toutefois, l’objection de Monsieur Le Berre[72] mérite que l’on s’y attarde. Selon cet auteur, les commissaires du gouvernement ne feraient pas partie de la doctrine car, lorsqu’ils concluent, leur mission n’est pas d’expliquer, de systématiser ni même de proposer une évolution du droit positif, mais de convaincre la formation de jugement. Il est certes fréquent que les commissaires du gouvernement proposent une évolution du droit administratif, on trouve dans leurs conclusions la genèse de nombreux revirements de jurisprudence, mais ce n’est qu’à l’occasion de la résolution d’un litige qu’une telle proposition est faite. Le commissaire conclut sur une affaire, il ne conclut pas sur le droit administratif car cette mission est dévolue à la doctrine du droit administratif. L’office du juge administratif, bien que cette notion soit elle-même entourée de mystère[73], consiste à trancher un litige (imperium) par l’énoncé du droit (jurisdictio)[74] ; l’office de la doctrine est de proposer une analyse systémique de ce droit dans la perspective plus générale d’une évolution de ce dernier en adéquation avec les besoins de la société.
Ainsi, du point de vue d’un critère fonctionnel, il semble bien que les commissaires du gouvernement ne fassent pas partie de la doctrine du droit administratif. Un autre indice pourrait être celui de la structure d’élaboration des conclusions. Dans le déroulement de leurs conclusions, les commissaires font évidemment appel à la jurisprudence du Conseil d’Etat, parfois même des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs, mais également aux auteurs, à la doctrine du droit administratif. Or, si les commissaires reprennent parfois à leur compte les théories proposées par les universitaires[75], on ne peut que constater qu’ils font le plus souvent appel à l’autorité des écrits des membres du Conseil d’Etat. Ainsi, à l’incitation du Professeur Melleray qui envisage une étude « sur la « politique » de citation des commissaires du gouvernement »[76], on peut remarquer que si les universitaires font régulièrement appel aux écrits des doyens Hauriou et Vedel, pour leur part, les commissaires du gouvernement en appellent davantage à Laferrière et Odent. Contrairement aux affirmations des Professeurs Jestaz et Jamin[77], il existerait bien un « dualisme intellectuel » au sein de la doctrine du droit administratif. Si une sorte de « réflexe de corps » peut être dégagé à cet égard, il manifeste l’existence de deux modes de pensée distincts au sein de la doctrine du droit administratif, confirmant par là même la place spécifique que les membres du Conseil d’Etat tiennent au sein de celle-ci.
La particularité de la position que tiennent les conseillers d’Etat au sein de la doctrine du droit administratif se révèle encore à l’aune des rapports que ceux-ci entretiennent avec les autres membres de cette doctrine, les universitaires.
II – Le paradoxe des relations entre les membres du Conseil d’Etat et la doctrine universitaire
Les relations qu’entretiennent les membres du Conseil d’Etat avec les universitaires peuvent être décrites de deux façons. D’un côté, peut être envisagée leur collaboration[78] dans la création du droit administratif ; ils formeraient un « chœur à deux voix »[79]. D’un autre côté, leurs relations peuvent se révéler plus conflictuelles. De manière paradoxale, si l’œuvre jurisprudentielle du juge administratif est souvent louée par les universitaires (B), la réciproque semble loin d’être vraie (A).
A) L’accueil de la doctrine universitaire par le juge administratif
S’adressant aux jeunes auditeurs fraîchement arrivés au Conseil d’Etat, le Président Romieu s’exprimait ainsi : « surtout pas de doctrine : vous auriez l’esprit faussé »[80]. Au Palais Royal, le mépris pour la doctrine du droit administratif serait universel ; il faut, au risque de résoudre trop vite le paradoxe, entendre ici la doctrine universitaire et non une doctrine organique du Conseil d’Etat ; que les membres de la Haute Assemblée se méprisent eux-mêmes n’aurait aucun sens. Seule exception à la prétendue règle figurerait l’œuvre du Professeur Chapus[81], dont la complétude et l’utilité sont louées tant par le penseur que le praticien[82]. Toutefois, si l’indifférence du juge à l’égard de la doctrine ne serait plus à démontrer, les origines de cette défiance semblent plus difficiles à appréhender. En effet, nombreux sont les auteurs à aborder la question de l’accueil réservé à la doctrine universitaire par les membres du Conseil d’Etat, mais peu sont ceux qui ont cherché à en déterminer les causes.
Une première explication de la défiance du juge à l’égard de l’universitaire doit être recherchée dans l’objet même de la doctrine du droit administratif. Le droit administratif constituant le droit jurisprudentiel par excellence, façonné, élaboré et développé par son juge, si le rôle de la doctrine du droit administratif est d’expliquer, de synthétiser ce droit, alors le juge administratif pourrait très bien se passer de la doctrine. Les membres du Conseil pourraient s’exprimer en ces termes : « Nous connaissons d’autant mieux la loi que c’est nous qui la faisons ». L’existence du droit administratif étant consubstantielle à celle du juge administratif[83], une doctrine du droit administratif n’aurait que peu d’intérêt pour ce dernier. Comme le relevait le Professeur de Laubadère, « ceux qui élaborent la jurisprudence (sont) naturellement les mieux placés pour en révéler la signification, la portée, voire les secrets »[84]. Les universitaires eux-mêmes soulignent à quel point leur tâche est dépendante des travaux réalisés par les membres du Conseil, au premier plan desquels figurent les conclusions des commissaires du gouvernement[85] grâce auxquelles l’imperatoria brevitas du juge administratif peut plus facilement être levé.
Une deuxième cause de la défiance du juge est à rechercher dans l’opposition tranchée entre la pratique et la théorie. Au réalisme consciencieux du juge administratif s’opposerait « la tranquillité des professeurs »[86]. En ce sens, le juge administratif n’aurait que faire des théories juridiques élaborées par les universitaires, sa seule préoccupation étant de trancher les litiges, de rendre la justice. La pureté et la cohérence intrinsèque du droit ne feraient pas partie des considérations principales du juge alors que l’universitaire en serait trop facilement ébloui.
Si ces arguments peuvent au premier abord emporter l’adhésion, il faut cependant relever que les universitaires ont pu montrer que le juge administratif n’était nullement « réfractaire »[87] aux productions doctrinales universitaires, mais qu’au contraire il lisait celles-ci et s’en inspirait dans la résolution des litiges[88]. Le juge peut-il valablement railler les « faiseurs de systèmes » alors qu’il utilise et sollicite ces systèmes ? Le droit administratif se présente certes comme un droit jurisprudentiel, mais sa cohérence et sa pérennité reposent sur l’utilisation d’un panel de concepts, de notions, de théories et de catégories juridiques cernées par les universitaires[89]. Un droit administratif sans catégories juridiques serait inconcevable[90]. Or, l’établissement des classifications juridiques relève de l’office de la doctrine universitaire ; elle constitue « la mission propre, donc l’œuvre responsable des seuls théoriciens »[91]. Cet office de la doctrine universitaire n’a certes pas empêché de nombreux membres du Conseil d’Etat d’établir eux-mêmes certaines théories juridiques. Ainsi la distinction des contentieux a-t-elle été élaborée par Edouard Laferrière[92], la théorie de la détachabilité par Jean Romieu[93], ou encore la distinction entre le contrôle de la légalité interne et de la légalité externe en excès de pouvoir par François Gazier[94]. Les membres du Conseil d’Etat seraient bien mal avisés de railler les faiseurs de système lorsqu’ils en élaborent eux-mêmes.
Les auteurs s’accordent à affirmer que la fonction première de la doctrine « c’est la synthèse »[95]. Mais la synthèse n’est qu’une première étape qui permet, après maturation des idées, la systématisation du droit, entendue comme « la construction d’un système à partir du rapprochement et de l’analyse des solutions d’espèce, (et qui) se présente comme l’œuvre essentielle de la doctrine »[96]. Ce travail de la doctrine ne peut raisonnablement être négligé par le juge et il ne l’est d’ailleurs pas, car c’est bien grâce au travail de clarification du droit opéré par la doctrine universitaire que le juge administratif peut faire évoluer le droit administratif afin de faire correspondre celui-ci aux nécessités concrètes. L’universitaire est avant tout considéré comme un enseignant, mais il est surtout un enseignant-chercheur dont il ne faudrait douter de l’utilité de la mission de recherche juridique.
La « mission de systématisation du droit »[97] dévolue à la doctrine du droit administratif repose sur l’Université et il serait faux de croire que le juge administratif n’a pas conscience de l’importance et de la nécessité de celle-ci dans la perspective de la recherche de l’adéquation permanente entre le fait et le droit. Davantage qu’un « idéal rationnel »[98], la systématisation du droit révèle une approche sociologique différente entre le juge administratif et l’universitaire. En réalité, c’est bien « l’esprit de système »[99] qui distingue le juge administratif de l’universitaire dans la doctrine du droit administratif. Le juge a l’esprit tourné vers la résolution pratique des litiges car tel est son office, l’universitaire a en lui l’esprit de système car tel est son rôle. Ni concurrents, ni même en compétition, le juge et l’universitaire sont simplement différents, car ils mettent en œuvre « deux démarches intellectuelles »[100] différentes et c’est bien de cette différence que vient leur complémentarité[101].
B) L’accueil de l’œuvre jurisprudentielle par la doctrine universitaire
Alors que l’accueil de la doctrine universitaire par le juge administratif avait pu semblé réservé, l’accueil de l’œuvre jurisprudentielle du juge administratif par la doctrine universitaire se voudrait à l’inverse plus qu’élogieuse. Il est devenu fréquent que soit relevé la « la profondeur de l’admiration que la doctrine peut avoir pour le Conseil d’Etat »[102], « le conformisme d’admiration béate »[103], ou encore le « zèle inlassable »[104] avec lequel les universitaires louent la jurisprudence administrative. Si l’on peut dire paisiblement avec Hauriou que « l’alliance entre la jurisprudence et la doctrine est, il faut le croire, dans la nature des choses »[105], au regard des précédentes affirmations, cette alliance est loin d’être établie à la faveur des universitaires. Certains universitaires évoquent même l’existence d’ « un phénomène de cour »[106] autour du tout puissant Palais Royal.
Parfois détachés ou mis à disposition au sein de la juridiction administrative[107], et même nommés conseillers d’Etat en service extraordinaire[108], les universitaires en seraient les meilleurs observateurs. Et c’est d’ailleurs bien ce qui est reprochée à la doctrine universitaire : de n’être qu’une observatrice passive. La doctrine universitaire se contenterait de recevoir la jurisprudence et de la saluer pour elle-même ainsi que ses auteurs[109]. La critique est devenu récurrente, la doctrine universitaire, plus que mésestimée pour son attitude révérencielle à l’égard de la juridiction administrative, est présentée comme traversant aujourd’hui une véritable crise. Les universitaires, « censés être les dépositaires de l’esprit doctrinal »[110], ne rempliraient plus leur fonction prospective mais se complairaient dans une attitude descriptive. La doctrine n’assumerait plus sa fonction la plus « noble »[111], la systématisation du droit, et serait tombé dans l’excès de contemplation par la pratique excessive de la note d’arrêt, « degré zéro de l’écriture juridique »[112]. Il apparaît en effet difficile de contester que concurremment à l’explosion actuelle de la littérature juridique, manifestée notamment par la multiplication des revues juridiques, la part de la note d’arrêt dans la production juridique en droit administratif a largement augmenté. L’universitaire a tendance à tomber dans la facilité et, plutôt que d’essayer d’élaborer de nouveaux systèmes, à se contenter de commenter l’application des systèmes préexistants par le juge administratif. Les universitaires l’avoueraient eux-mêmes : « l’ère des faiseurs de systèmes est peut-être terminée »[113].
Ce travers, touchant également la doctrine du droit privé[114], semble toutefois susceptible d’atteindre plus facilement la doctrine du droit administratif, une nouvelle fois en raison du caractère jurisprudentiel du droit qu’elle se donne pour objet, il est plus facile à l’administrativiste de se perdre dans les détails du mouvement du droit administratif[115], ce dernier étant un droit plus mouvant et évolutif. Comme l’explique le Professeur Pacteau, « le professeur de droit administratif est presque structurellement arrestophile, sinon même arrestophage »[116]. Les universitaires qui restent dans l’histoire du droit administratif comme ceux comptant parmi les plus grands faiseurs de système sont eux-mêmes connus pour être de notables arrêtistes. Ainsi le recueil des notes d’arrêts de Maurice Hauriou[117] a longtemps constitué la source essentielle des enseignements et du développement de la pensée doctrinale du droit administratif. Le récent recueil des notes d’arrêts de Marcel Waline[118] se veut déjà un monument de la réflexion doctrinale. Le droit administratif pourrait même être le lieu d’excellence de « l’arrestographie »[119], l’art de rédiger des notes d’arrêts.
Bien que la note d’arrêt puisse paraître en elle-même trop succincte pour permettre une réflexion doctrinale, elle « favorise au contraire une certaine fluidité de la pensée »[120]. Exercice certes condensé, la note d’arrêt n’en est pas moins l’occasion idéale pour l’universitaire d’apporter son point de vue critique devant le raisonnement du juge face à un cas d’espèce bien spécifique. Etudier, analyser la pensée du juge lors de la résolution des conflits et y apporter des commentaires, des correctifs, y déceler des failles, tel est bien le rôle de la doctrine universitaire. De fait, des qualités reconnues à la note d’arrêt, la plus fondamentale reste certainement ce « pouvoir d’invention qui (fait) sortir de la boule de cristal des développements inédits »[121]. On peut légitimement l’affirmer : la pratique de la note d’arrêt ne constitue pas en elle-même un signe de la défaillance de la doctrine universitaire en droit administratif, ce sont bien la dénaturation de la pratique de la note d’arrêt et sa surexploitation qui sont en cause.
Si dans une certaine mesure la production systémique des universitaires a pu semblé décroître ou être « moins bien assumée »[122], leur fonction prospective est loin d’être abandonnée. La structure jurisprudentielle du droit administratif français permet encore de relativiser « l’hypertrophie de la fonction doctrinale »[123]. Si la source du droit administratif se trouve en premier lieu dans la jurisprudence du Conseil d’Etat, il est indispensable pour l’élaboration de ce droit que sa diffusion soit relayée et favorisée par d’autres structures que le seul Palais-Royal. On peut même en ce sens s’interroger sur la force de l’interprétation doctrinale de la jurisprudence[124]. Pris isolément, un arrêt du Conseil d’Etat peut-il raisonnablement faire jurisprudence si son sens et sa portée ne sont pas identifiés et relayés par la doctrine ?
A cet égard, l’exemple classique des Grands Arrêts est à nouveau révélateur. Ce n’est pas un hasard s’il semble bien difficile d’isoler un critère du grand arrêt[125] ; c’est tout simplement qu’il n’en existe pas. Un arrêt ne parvient à ce statut que par sa seule insertion dans un ouvrage censé recueillir les grands arrêts. En réalité, n’est un grand arrêt que celui qui est qualifié comme tel par les auteurs ; et c’est aussi une question de choix d’auteurs, voire de politique éditoriale, si un grand arrêt est ignoré[126] ou disparaît[127]. Le commentaire de jurisprudence constitue assurément un exercice juridique à ne pas négliger, il va de pair avec le droit administratif. Il nécessite certes des qualités difficiles à recouvrer mais lorsque le commentaire les atteint, son apport à la science du droit s’avère « fécond et irremplaçable »[128].
On pourrait encore regretter les grands débats doctrinaux opposant les doyens Hauriou et Duguit, Vedel et Eisenmann à propos des fondements du droit administratif, les visites parfois acerbes d’un Huron au Palais-Royal, ou encore les pérégrinations d’un droit administratif considéré comme traversant une crise perpétuelle. Toutefois, et nombre d’auteurs ont pu le souligner, la doctrine universitaire est bien sortie de l’ « attitude traditionnellement laudative »[129] dans laquelle on l’avait enfermée ; il ne reste ainsi « d’adorateurs zélés (qu’) à peine un petit nombre »[130]. Poussant quelque peu le trait, un auteur a même pu affirmer que du sacre du juge administratif, la doctrine en était arrivée au « massacre »[131]. Sans aller jusqu’à une solution aussi extrémiste, on peut relever que la doctrine universitaire continue de débattre en son sein et de rappeler à l’ordre son juge[132]. La doctrine du droit administratif n’a pas fini de d’argumenter, de proposer, ni même d’évoluer ; les récents échanges doctrinaux relatifs au Code de propriété des personnes publiques, aux réformes de la fonction publique ou encore à l’institution d’une responsabilité du fait des lois pour violation du droit international, en sont des exemples probants.
En effet, l’on ne saurait dire que les controverses doctrinales appartiennent au passé. Qu’elles soient relatives au statut du commissaire du gouvernement, à la nature jurisprudentielle du droit administratif, à l’évolution du Journal officiel ou aux réformes successives et incessantes de la procédure administrative contentieuse, les tribunes de l’AJDA sont devenues un lieu privilégié d’échanges doctrinaux entre les auteurs. De nombreuses revues consacrent toujours, et même davantage que par le passé, la très grande majorité de leur contenu à des articles de fond, de plus en plus de thèses de doctorat sont publiées et les revues bibliographiques ne manquent pas de souligner et de rapprocher les divergences entre les différentes positions doctrinales. La production doctrinale s’est certes multipliée de manière exponentielle ces dernières années, il serait toutefois fallacieux d’en déduire que les universitaires s’y seraient perdus.
Au moment de clore ce bref aperçu sur la doctrine du droit administratif, son « hétérogénéité tant matérielle qu’organique et formelle »[133] est largement confirmée. Le Professeur Rivero n’avait pu trouver un critère réducteur du droit administratif[134], il ne saurait en être autrement de la doctrine dont il est l’objet. Il apparaît alors indispensable de relativiser les affirmations trop catégoriques qui ont amené aux paradoxes posés en introduction. Le juge administratif fait bel et bien partie de la doctrine du droit administratif, mais il en constitue une part bien spécifique en raison de la particularité de son œuvre doctrinale ainsi que de l’esprit dans lequel ses écrits sont réalisés. Les rapports entre les deux composantes de cette doctrine du droit administratif paraissent finalement bien moins conflictuels qu’ils ne le semblaient au premier abord. Il est usuel d’évoquer le « chœur à deux voix » de la doctrine et de la jurisprudence, c’est en réalité la doctrine du droit administratif qui constitue elle-même un chœur à deux voix.
Cette particularité de la doctrine, « propre au droit administratif »[135], sera apparue comme ressortant de la nature même de ce droit. La doctrine du droit administratif, tout comme le droit administratif, se distingue de la doctrine du droit privé en raison de son caractère jurisprudentiel. Face à cette constatation émerge finalement une interrogation naturelle : si le droit administratif perdait peu à peu ce caractère jurisprudentiel[136], la doctrine du droit administratif conserverait-elle sa spécificité ?
Notes
[1] A. ESMEIN, « La jurisprudence et la doctrine », RTDciv., 1902, p. 5 ; L. JOSSERAND, « La doctrine contre la jurisprudence », DH, 1931, chron., p. 69
[2] F. ZENATI, La jurisprudence, Dalloz, 1991
[3] F. TERRE, Introduction générale au droit, 7e éd., Dalloz, 2006, p. 157
[4] M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit de la responsabilité administrative, thèse, LGDJ, BDP, t. 171, 1994, p. 16 ; E. PICARD, « Science du droit ou doctrine juridique ? », Mélanges R. Drago, Economica, 1996, p. 122
[5] R. GUILLIEN, J. VINCENT (dirs.), Lexique des termes juridiques, 15e éd., Dalloz, 2005, p. 234
[6] G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8e éd., PUF, 2007, p. 324
[7] S. CIMAMONTI, « Doctrine », in Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, A.-J. Arnaud (dir.), 2e éd., LGDJ, 1993, p. 186
[8] J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, 4e éd., Dalloz, 2003, p. 74
[9] O. BEAUD, « Doctrine », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 384
[10] M. DEGUERGUE, « Les commissaires du gouvernement et la doctrine », Droits, n° 20, 1994, p. 126
[11] P. JESTAZ, C. JAMIN, « L’entité doctrinale française », D., 1997, chron., p. 167
[12] L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, F. TERRE, « Antithèse de l’entité (à propos d’une opinion sur la doctrine) », D., 1997, chron., p. 229
[13] P. JESTAZ, C. JAMIN, La doctrine, Dalloz, 2004 ; P. MORVAN, « La notion de doctrine », D., 2005, p. 2421 ; C. JAMIN, « La doctrine : explication de texte », Mélanges Jestaz, Dalloz, 2006, p. 225
[14] P. JESTAZ, C. JAMIN, La doctrine, Dalloz, 2004, p. 202
[15] Sur le régime des circulaires V. CE ass., 29 janvier 1954, Institution Notre-dame du Kreisker, Rec., p. 64, RPDA, 1954, p. 50, concl. B. Tricot, AJDA, 1954, II bis, chron. F. Gazier et M. Long, RDP, 1955, p. 175, note M. Waline ; CE sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères, Rec., p. 463 et RFDA, 2003, p. 280, concl. P. Fombeur, AJDA, 2003, p. 487, chron. F. Donnat et D. Casas, RFDA, 2003, p. 510, note J. Petit, JCP A, 2003, p. 94, note J. Moreau, LPA, 23 juin 2003, p. 19, note P. Combeau
[16] Sur le régime des directives V. CE sect., 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, Rec., p. 750, concl. L. Bertrand, RDP, 1971, p. 1224, note M. Waline, D., 1971, p. 674, note D. Loschak, JCP, 1972, II, n° 17232, note M. Fromont, AJDA, 1971, p. 196, chron. H. T. C.
[17] V. par exemple, l’étendue de la bibliographie du Président Guy Canivet
[18] V. par exemple, Mélanges Pierre Drai, Dalloz, 2000
[19] J. RIVERO, « Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit administratif », EDCE, 1955, p. 29
[20] P. LEGENDRE, Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, PUF, 1968, p. 469
[21] J.-J. CHEVALLIER, Les usages sociaux du droit, PUF, 1989, p. 309
[22] M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit., p. 18 ; M. DEGUERGUE, « Les commissaires du gouvernement et la doctrine », op. cit., p. 125
[23] H. LE BERRE, Les revirements de jurisprudence en droit administratif de l’an VIII à 1998, thèse, LGDJ, BDP, t. 207, 1999, p. 436 ; H. LE BERRE, « La jurisprudence et le temps », Droits, n° 30, 1999, p. 71
[24] P. DELVOLVE, « Le Conseil d’Etat vu par la doctrine », RA, 1997, n° spécial, p. 50
[25] P. MORVAN, « La notion de doctrine », D., 2005, p. 2422
[26] B. LATOUR, La fabrique du droit – Une ethnographie du Conseil d’Etat, La Découverte, 2002, p. 138
[27] A. ANCELOT, « Quelques réflexions sur la doctrine et la jurisprudence comparées », RCLJ, 1855, p. 198
[28] L. SFEZ, Essai sur la contribution du doyen Hauriou au droit administratif, thèse, LGDJ, BDP, t. 71, 1966, p. 482 ; Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, thèse, LGDJ, BDP, t. 108, 1972, p. 159
[29] B. CHENOT, « La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil d’Etat », EDCE, 1950, p. 77 ; B. CHENOT, concl. sur CE, 10 février 1950, Gicquel, Rec., p. 99 ; J. RIVERO, « Apologie pour les « faiseurs de systèmes » », D., 1951, chron., p. 99 ; B. CHENOT, « L’existentialisme et le Droit », RFSP, 1953, p. 57
[30] P. DELVOLVE, « Le Conseil d’Etat vu par la doctrine », op. cit., p. 53
[31] G. VEDEL, « Jurisprudence et doctrine : deux discours », RA, 1997, n° spécial, p. 10
[32] Par exemple, sont professeurs associés à l’Université de Paris I : Jean-Claude Bonichot, Pierre Collin, Didier Maus, Olivier Schrameck, Rémy Schwartz et Roland Vandermeeren (conseillers d’Etat) ; à l’Université de Versailles – Saint-Quentin : Christian Vigouroux (conseiller d’Etat)
[33] René Cassin (Pedone, 1969), Guy Braibant (Dalloz, 1996) et Daniel Labetoulle (Dalloz, 2007)
[34] F. ROLIN, « Les principes généraux gouvernant l’élaboration des volumes des mélanges », Mélanges Jeanneau, Dalloz, 2002, p. 221
[35] V. par exemple aux Mélanges Chapus, Montchrestien, 1992 : G. BRAIBANT, « Le rôle du Conseil d’Etat dans l’élaboration du droit », p. 91 ; J.-M. GALABERT, « Le contentieux de l’intégration des fonctionnaires locaux dans les cadres d’emplois de la fonction publique territoriale », p. 209 ; B. GENEVOIS, « Sur la hiérarchie des décisions du Conseil d’Etat statuant au contentieux », p. 245 ; D. LABETOULLE, « Remarques sur l’élaboration des décisions du Conseil d’Etat statuant au contentieux », p. 333 ; M.-A. LATOURNERIE, « Responsabilité publique et Constitution », p. 353
[36] E. LAFERRIERE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2 tomes, Berger-Levrault, 1887-1888, réimp., LGDJ, 1989
[37] L. AUCOC, Conférences sur l’administration et le droit administratif, 3e éd., 3 tomes, Dunod, 1885-1887
[38] R. ODENT, Contentieux administratif, 6e éd., fasc. I à VI, Les Cours de droit, Paris, 1977-1981, rééd., 2 tomes, Dalloz, 2007
[39] G. BRAIBANT, B. STIRN, Le droit administratif français, 7e éd., Presses de sciences Po – Dalloz, 2005
[40] Actualité Juridique Droit Administratif : Marcel Pochard (conseiller d’Etat) ; Revue Française de Droit administratif : Renaud Denoix de Saint Marc, Daniel Labetoulle, Christine Maügué (conseillers d’Etat) ; Semaine Juridique Administration et Collectivités Territoriales : Pierre Bentolila, Lucienne Erstein, Gilles Pellissier (conseillers de tribunaux et de cours administratives d’appel) ; Droit Administratif : Alain Ménéménis (conseiller d’Etat) ; Bulletin Juridique des Contrats Publics : Christine Maügué, Rémy Schwartz, Jean-Pierre Jouguelet, Roland Vandermeeren (conseillers d’Etat) ; Bulletin Juridique des Collectivités Locales : François Séners, Mattias Guyomar (maîtres des requêtes au Conseil d’Etat), Jean-Claude Bonichot, Rémy Schwartz, Laurent Touvet (conseillers d’Etat)
[41] M. LONG, « Quarante ans de chronique de jurisprudence administrative », AJDA, 1995, n° spécial, p. 7
[42] C. MAUGUE, J.-H. STAHL, « Sur la sélection des arrêts du Recueil Lebon », RFDA, 1998, p. 770
[43] G. VEDEL, « Les libertés universitaires », Revue de l’enseignement supérieur, 1960, p. 134 ; C. MONIOLLE, « Indépendance et liberté d’expression des enseignants-chercheurs », AJDA, 2001, p. 226
[44] CC, 20 janvier 1984, n° 84-165 DC, Loi relative à l’enseignement supérieur, Rec., p. 30, AJDA, 1984, p. 163, note J. Boulouis, RDP, 1984, p. 702, note L. Favoreu, D., 1984, chron., p. 125, Y. Gaudemet, Gaz. Pal., 19-20 décembre 1984, p. 573, note L. Hamon, D., 1984, J, p. 593, note F. Luchaire, RA, 1984, p. 261, note M. de Villiers
[45] CC, 22 juillet 1980, n° 80-119 DC, Loi portant validation d’actes administratifs, Rec., p. 46, AJDA, 1980, p. 602, note G. Carcassonne, RDP, 1980, p. 1658, note L. Favoreu, JCP, 1981, II, n° 19603, note N’guyen Quoc Dinh, RA, 1981, p. 33, note M. De Villiers
[46] O. BEAUD, « Doctrine », in Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 386 ; D. TRUCHET, « Quelques remarques sur la doctrine en droit administratif », Mélanges Amselek, Bruylant, 2005, p. 771
[47] O. DUPEYROUX, « L’indépendance du Conseil d’Etat statuant au contentieux », RDP, 1983, p. 565 ; B. PACTEAU, « L’indépendance des tribunaux administratifs », RFDA, 1986, p. 783
[48] CE sect., 10 juillet 1957, Gervaise, Rec., p. 466, AJDA, 1957, II, p. 394, chron. J. Fournier et G. Braibant, RDP, 1957, p. 1081 ; CE, 29 juillet 1998, Mme Esclatine, Rec., p. 320 et D., 1999, J, p. 85, concl. D. Chauvaux, AJDA, 1999, p. 69, note F. Rolin
[49] A. SERIAUX, « La notion de doctrine juridique », Droits, n° 20, 1994, p. 70
[50] P.-Y. GAUTIER, « L’influence de la doctrine sur la jurisprudence », D., 2003, p. 2839
[51] M.-A. LATOURNERIE, « La doctrine vue par le Conseil d’Etat », RA, 1997, n° spécial, p. 47
[52] Les statistiques montrent en effet que de moins en moins de juristes intègrent l’ENA, voie « classique » d’entrée au Conseil d’Etat, et que de plus en plus de juristes réussissent le concours de recrutement complémentaire des conseillers de tribunaux et cours administratives d’appel, devenu la première voie d’entrée dans le corps.
[53] J. RIVERO, « Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit administratif », EDCE, 1955, p. 30
[54] M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit., p. 16
[55] Pour une étude détaillée voir notamment M. HAURIOU, « Droit administratif », Répertoire du droit administratif Léon Béquet, t. 14, p. 19 et s. ; L. SFEZ, Essai sur la contribution du doyen Hauriou au droit administratif français, thèse, LGDJ, BDP, t. 71, 1966, p. 51et s.
[56] M. HAURIOU, « De la formation du droit administratif depuis l’an VIII », RGA, 1892, t. 2, p. 391
[57] P. LEGENDRE, « La facture historique des systèmes, notations pour une histoire comparative du droit administratif français », RIDC, 1971, p. 30
[58] V. en ce sens T. FORTSAKIS, Conceptualisme et empirisme en droit administratif français, thèse, LGDJ, BDP, t. 152, 1987, p. 44
[59] J.-J. BIENVENU, « Les origines et le développement de la doctrine », RA, 1997, n° spécial, p. 13
[60] G. JEZE, « De l’utilité pratique des études théoriques de jurisprudence pour l’élaboration et le développement de la science du droit public. Rôle du théoricien dans l’examen des arrêts des tribunaux », RDP, 1914, p. 316
[61] C. MAUGUE, J.-H. STAHL, « Sur la sélection des arrêts du Recueil Lebon », RFDA, 1998, p. 768 et s.
[62] Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, thèse, LGDJ, BDP, t. 108, 1972, p. 148
[63] Dossier « Le 50e anniversaire du GAJA », RFDA, 2007, p. 223 ; P. GONOD, « A propos des Grands arrêts de la jurisprudence administrative », Mélanges Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 441
[64] J.-C. VENEZIA, « Petite note sous les « Grands Arrêts » », Mélanges Dubouis, Dalloz, 2002, p. 222
[65] M. STASSINOPOULOS, « Les grands arrêts de la jurisprudence administrative », RDP, 1970, p. 820
[66] J.-C. VENEZIA, « Petite note sur un grand sujet : la culture juridique générale », Mélanges Cohen-Jonathan, t. 2, Bruylant, 2004, p. 1668
[67] V. par exemple, outre les ouvrages de E. LAFERRIERE et R. ODENT, G. TEISSIER, F. CHAPSAL, Traité de la procédure devant les conseils de préfecture, Marchal et Billard, 1891 ; X. PRETOT, Guide de la justice administrative, Lamarre, 1991 ; C. GABOLDE, Procédure des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d’appel, 6e éd., Dalloz, 1997 ; D. CHABANOL, Code de justice administrative annoté et commenté, 7e éd., Le Moniteur, 2004 ; D. CHABANOL, La pratique du contentieux administratif, 6e éd., Litec, 2005 ; S. DAEL, Contentieux administratif, PUF, 2006
[68] B. ODENT, D. TRUCHET, La justice administrative, PUF, Que sais-je, n° 1806, 2004, p. 29
[69] M. DEGUERGUE, « Les commissaires du gouvernement et la doctrine », op. cit., p. 125
[70] M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit., p. 722
[71] On aura même, étonnement, pu trouver publication de la note d’un rapporteur : WURTZ, note sur CE, 29 mars 1889, Elections d’Arcueil-Cachan, DP, 1890, III, p. 69, S., 1891, III, p. 43
[72] H. LE BERRE, Les revirements de jurisprudence en droit administratif de l’an VIII à 1998, thèse, LGDJ, BDP, t. 207, 1999, p. 436
[73] F. DONNAT, D. CASAS, « L’office du juge administratif dans la jurisprudence récente du Conseil d’Etat », DA, 2004, n° 5, p. 9
[74] S. RIALS, « L’office du juge », Droits, 1989, p. 3 et s.
[75] Pour de nombreux exemples V. M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit.
[76] F. MELLERAY, « Les conclusions contraires Labetoulle », Mélanges Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 627
[77] P. JESTAZ, C. JAMIN, La doctrine, Dalloz, 2004, p. 205
[78] G. JEZE, « Collaboration du Conseil d’Etat et de la doctrine dans l’élaboration du droit administratif français », in Livre jubilaire du Conseil d’Etat, Sirey, 1952, p. 347
[79] J. RIVERO, « Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit administratif », EDCE, 1955, p. 36
[80] cité par M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit., p. 1
[81] B. LATOUR, La fabrique du droit – Une ethnographie du Conseil d’Etat, La Découverte, 2002, p. 138
[82] R. CHAPUS, Droit administratif général. Tome 1, 15e éd., Montchrestien, 2001 ; R. CHAPUS, Droit administratif général. Tome 2, 15e éd., Montchrestien, 2001 ; R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, 12e éd., Montchrestien, 2006
[83] J.-M. PONTIER, « Qu’est-ce que le droit administratif ? », AJDA, 2006, p. 1938
[84] A. de LAUBADERE, « Le Conseil d’Etat et l’incommunicabilité », EDCE, 1979-1980, p. 19
[85] G. JEZE, « De l’utilité pratique des études théoriques de jurisprudence pour l’élaboration et le développement de la science du droit public. Rôle du théoricien dans l’examen des arrêts des tribunaux », RDP, 1914, p. 312 ; J. RIVERO, « La réforme du contentieux administratif », RDP, 1953, p. 937
[86] B. CHENOT, « La notion de service public dans la jurisprudence économique du Conseil d’Etat », EDCE, 1950, p. 77
[87] D. FOUSSARD, « Le juge et la doctrine, le regard d’un avocat aux Conseils », Droits, n° 20, 1994, p. 133
[88] Pour de nombreux exemples V. M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit. et R. LATOURNERIE, « Essai sur les méthodes juridictionnelles du Conseil d’Etat », in Livre jubilaire du Conseil d’Etat, Sirey, 1952, p. 177
[89] Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, thèse, LGDJ, BDP, t. 108, 1972
[90] M. WALINE, « Empirisme et conceptualisme dans la méthode juridique : faut-il tuer les catégories juridiques ? », Mélanges Dabin, Sirey, t. 1, 1963, p. 359
[91] C. EISENMANN, « Quelques problèmes de méthodologie des définitions et des classifications en science juridique », APD, 1966, p. 30
[92] E. LAFERRIERE, Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, 2 tomes, Berger-Levrault, 1887-1888, réimp., LGDJ, 1989
[93] J. ROMIEU, concl. sur CE, 4 août 1905, Martin, Rec., p. 749
[94] F. GAZIER, « Essai de présentation nouvelle des ouvertures du recours pour excès de pouvoir en 1950 », EDCE, 1951, p. 77
[95] J. RIVERO, « Jurisprudence et doctrine dans l’élaboration du droit administratif », EDCE, 1955, p. 32
[96] M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit., p. 19
[97] Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, op. cit., p. 155
[98] M. van de KERCHOVE, « Jurisprudence et rationalité juridique », APD, n° 30, 1985, p. 208
[99] H. LE BERRE, Les revirements de jurisprudence en droit administratif, op. cit., p. 436
[100] G. VEDEL, « Les bases constitutionnelles du droit administratif », EDCE, 1954, p. 53
[101] Est des plus révélatrices à cet égard la préface de la première édition du GAJA rédigée par René Cassin et Marcel Waline, reproduite dans les éditions ultérieures.
[102] M.-C. KESSLER, Le Conseil d’Etat, Cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, t. 167, Armand Colin, 1968, p. 101
[103] J. LE CLERE, « L’improbité du contentieux administratif », RA, 1958, p. 159
[104] Ibid., p. 103
[105] M. HAURIOU, « Police juridique et fond du droit », RTDciv., 1926, p. 310
[106] P. DELVOLVE, « Le Conseil d’Etat vu par la doctrine », RA, 1997, n° spécial, p. 54
[107] Par exemple les Professeurs Cassia et Guettier détachés au Conseil d’Etat, Madame le Professeur Weidenfeld mise à disposition du Tribunal administratif de Melun
[108] C’est le cas du Professeur Jégouzo en vertu de l’article L. 121-4 du Code de justice administrative
[109] Il devient usuel pour la doctrine de rendre hommage au Président sortant de la Section du contentieux du Conseil d’Etat : « Daniel Labetoulle, Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat. Hommage de la doctrine », RFDA, 2004, p. 880 ; « Hommage au Président Genevois », RFDA, 2007, p. 1
[110] J.-L. BILON, « Controverse et querelles sur la doctrine », Cahiers des écoles doctorales, 2000, p. 34
[111] B. PACTEAU, « La force du précédent en droit public français », in Le temps, la justice et le Droit, Pulim, 2004, p. 323
[112] J.-J. BIENVENU, « Remarques sur quelques tendances de la doctrine contemporaine en droit administratif », Droits, n°1, 1985, p. 156
[113] L. FAVOREU, « L’évolution de la doctrine depuis 1945 », RA, 1997, n° spécial, p. 23
[114] J.-D. BREDIN, « Remarques sur la doctrine », Mélanges Hébraud, Dalloz, 1981, p. 111 ; C. ATIAS, « La mission de la doctrine universitaire en droit privé », JCP, 1980, I, n° 2999 ; P. JESTAZ, « Déclin de la doctrine ? », Droits, n° 20, 1994, p. 85
[115] S. CASSESE, « Les transformations du droit administratif au XIXe et XXIe siècle », DA, 2002, n° 10, p. 9
[116] B. PACTEAU, « La jurisprudence, une chance du droit administratif », RA, 1999, n° spécial 6, p. 70
[117] M. HAURIOU, Notes d’arrêts, 3 tomes, Sirey, 1929, réimp., La Mémoire du Droit, 2000
[118] M. WALINE, Notes d’arrêts, 3 tomes, Dalloz, 2004-2006
[119] J. CARBONNIER, « Note sur des notes d’arrêts », D., 1970, p. 138
[120] Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, op. cit., p. 150
[121] J. CARBONNIER, op. cit., p. 138
[122] D. TRUCHET, « Quelques remarques sur la doctrine en droit administratif », Mélanges Amselek, Bruylant, 2005, p. 770
[123] J. CHEVALLIER, « Doctrine ou science ? », AJDA, 2001, p. 603
[124] D. ROUSSEAU, « Une décision non commentée existe-t-elle ou commenter est-ce délirer ? », Mélanges Troper, Economica, 2006, p. 897
[125] G. BRAIBANT, « Qu’est-ce qu’un grand arrêt ? », AJDA, 2006, p. 1428
[126] B. PACTEAU, « Les grands arrêts ignorés », RFDA, 2007, p. 239
[127] J.-L. AUTIN, « Les grands arrêts disparus », RFDA, 2007, p. 242
[128] G. VEDEL, « Doctrine et jurisprudence constitutionnelle », RDP, 1989, p. 13
[129] Y. POIRMEUR, E. FAYET, « La doctrine administrative et le juge administratif », in Le droit administratif en mutation, PUF, 1993, p. 98
[130] P. DELVOLVE, « Le Conseil d’Etat vu par la doctrine », RA, 1997, n° spécial, p. 54
[131] F. BURDEAU, « Du sacre au massacre d’un juge. La doctrine et le Conseil d’Etat statuant au contentieux », Mélanges Cosnard, Economica, 1990, p. 309
[132] Resté célèbre à ce titre, le n° 46 (1988) de la revue Pouvoirs.
[133] M. DEGUERGUE, Jurisprudence et doctrine…, op. cit., p. 18
[134] J. RIVERO, « Existe-t-il un critère du droit administratif ? », RDP, 1953, p. 279
[135] M. DEGUERGUE, « Les commissaires du gouvernement et la doctrine », op. cit., p. 125
[136] G. VEDEL, « Le droit administratif peut-il rester indéfiniment jurisprudentiel ? », EDCE, 1979-1980, p. 31 ; T. LARZUL, Les mutations des sources du droit administratif, thèse, L’Hermès, 1994, p. 334 et s. ; F. MELLERAY, « Le droit administratif doit-il redevenir jurisprudentiel ? Remarques sur le déclin paradoxal de son caractère jurisprudentiel », AJDA, 2005, p. 637 ; P. GONOD, O. JOUANJAN, « A propos des sources du droit administratif, brèves notations sur de récentes remarques », AJDA, 2005, p. 992 ; M. DEGUERGUE, « La jurisprudence et le droit administratif : une question de point de vue », AJDA, 2005, p. 1313
Commentaires
Merci pour ce billet qui a passionné l’étudiant de L3 que je suis. Navré de ne pouvoir apporter de "remarques constructives".
J’ai néanmoins une interrogation: Comment trouvez-vous toutes ces références doctrinales? Vous consultez seulement l’index annuel de l’AJDA (et autres périodiques), ou il existe des bases de données?
@Teulio,
Pour la recherche, je n’ai trouvé qu’une seule méthode : le dépouillement systématique de toutes les revues juridiques (cf mon billet sur les revues de droit public). Ce qui, à première vue, peut paraître très fastidieux, mais au final, se révèle passionnant.
@Teulio également,
Il n’y a effectivement pas d’autre méthode que de "dépouiller" toutes les revues juridiques… à moins de naître en pleine connaissance de tous les périodiques, de tous les traités de droit administratif et de toute la jurisprudence antérieure à votre venue au monde… avouez que ça serait pratique !
Pour revenir sur ton billet Alexandre, je t’avais déjà donné mon avis sur le premier jet qui m’avait fortement impressionné. La version finale est encore meilleure ! J’ai une préférence partiuclière pour la seconde partie ! Et je ne pense pas que le droit administratif français, du moins pour le moment, perde de si tôt son caractère jurisprudentiel…
On peut tout de même citer Le Doctrinal comme base de données d’articles de doctrine. Mais la base de données Alexandre Ciaudo est des plus efficaces…
j’ai parcouru le mélange labetoulle (très interessant à maints égards) dont beaucoup d’articles sur la procédure et l’organisation de la justice administrative émanent de conseillers d’état et assimilés ; j’en tire la conclusion que si l’on veut avoir un regard plus critique et plus audacieux (et pas simplement pro domo) sur ces questions d’organisation et de fonctionnement de ce service public de la justice , de ce point de vue là, la doctrine universitaire est irremplaçable…
Bravo pour votre article.
Après avoir lu trois fois le Chapus, il m’arrive, en terrain vide, de créer mes propres jurisprudences, reprises ou non par le TA auprès duquel j’étais assistante.
@ Delph : trois fois le Chapus !?
@ Alexandre : Bravo
@ Alexandre :
Je me joins à Alexis : Bravo !
Merci pour ce commentaire très enrichissant et qui porte naturellement à réflexion.
C’est toujours avec beaucoup d’enthousiasme que j’aime lire ce type d’étude, la ferveur pour le droit administratif étant limitée et cela bien plus encore en deuxieme année de licence dans laquelle je suis.
Merci aussi pour ce blog qui est à bien des égards fort appréciable pour sa justesse et sa richesse.
J’éspère donc qu’il évoluera dans toute sa plénitude.
Encore BRAVO
mais où l’auriez-vous publié en final cet article ?
Pour le moment, cet article reste une exclusivité du Blog droit administratif. Je ne l’ai proposé à aucune revue.
Bravo pour ce beau commentaire. Quelle référence faut-il employer pour le citer ?
merci
@ citer
Merci à vous.
A. Ciaudo, "Retour sur quelques paradoxes : le juge administratif et la doctrine du droit administratif", Blog Droit administratif, 8 juin 2007
Voir également la "FAQ" sur ce point : http://www.blogdroitadministrati...