« Le législateur est responsable, donc le juge est coupable »
Par Olivier PLUEN :: Politique et analyse institutionnelle
Olivier Pluen est doctorant à l’Université de Paris II Panthéon-Assas. Il poursuit actuellement une thèse de droit public sur le sujet : « L’inamovibilité des magistrats : un modèle ? »
Dans l’émission « A vous de juger », Nicolas Sarkozy, s’adressant à M. Bruno THOUZELLIER, nouveau Président de l’Union Syndicale des Magistrats, a tenu les propos suivants :
« Je n’ai pas parlé de la démission de tous les magistrats. J’ai parlé du président du tribunal pour enfants de Bobigny dont la stratégie est bien connue depuis des années, elle consiste à refuser obstinément de punir et de sanctionner des mineurs multirécidivistes dans son département. Ainsi monsieur le président et ce n’est pas polémique, ce sont des faits que je donne. Ainsi monsieur le président, en 27 nuits d’émeutes en Seine-Saint-Denis, il y a eu une décision d’emprisonnement. Alors à ce moment-là, je comprends très bien que ce monsieur, que je respecte par ailleurs, ait une stratégie pénale qui consiste à faire confiance et à refuser de punir, mais dans ce cas-là qu’on ne le laisse pas à la tête du premier tribunal pour mineurs, dans un département si difficile. Et en disant et j’en termine, je n’ai pas le sentiment monsieur le président, je vous demande de me croire, de manquer de respect à vos collègues. Je n’ai pas le sentiment d’intenter à l’indépendance de la justice (…) »[1].
Notes
[1] La transcription de l’interview est disponible sur le site de l’UMP et l’émission est visible sur le site de France 2
En se prononçant en faveur de la démission du Président du Tribunal pour enfants de Bobigny, le Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, jette incontestablement un trouble sur l’indépendance de la justice, et plus particulièrement sur le respect du principe d’inamovibilité des magistrats du siège.
En effet, le fait pour un membre du Gouvernement d’évoquer la nécessaire démission d’un magistrat du siège n’ayant pas agi dans le sens d’une politique donnée, peut sembler, de prime abord, contraire au principe d’inamovibilité prévu au dernier alinéa de l’article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958. Toutefois, le portefeuille du ministre intéressé ne lui donne, ni le pouvoir disciplinaire et l’influence du ministre de la Justice, ni le pouvoir d’arbitrage du chef du Gouvernement. En conséquence, il serait plus juste de parler d’incitation à la violation de l’inamovibilité, que d’atteinte au principe lui-même. D’ailleurs, il n’est pas certain que le véritable intérêt de ces propos se situe au niveau de la seule atteinte à l’inamovibilité ou à « l’indépendance de la justice » elles-mêmes. Si atteinte il y a, celle-ci est beaucoup plus globale, puisqu’elle résulte de la méconnaissance d’autres principes cardinaux de l’organisation judiciaire et des relations entre l’autorité judiciaire et les pouvoirs politiques.
De manière succincte, il est reproché au Président du Tribunal pour enfants de Bobigny d’avoir mené une « stratégie pénale » ayant conduit à une seule « décision d’emprisonnement » à l’encontre de « mineurs multirécidivistes » ayant commis des délits lors des « nuits d’émeutes en Seine-Saint-Denis ». Dans ce cadre, souhaiter la démission du magistrat intéressé, suppose au minimum que celui-ci ait commis une faute personnelle dans l’exercice de ses fonctions.
Tout d’abord, il est possible de penser que le Ministre de l’intérieur reproche au président du tribunal d’avoir, dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles, mené une telle politique pénale. Si cette approche est séduisante, elle semble toutefois inexploitable. En effet, le jugement des délits commis par les mineurs relève de la compétence du tribunal pour enfants, et non du juge des enfants. Il s’agit donc d’une formation collégiale composée d’un juge des enfants, président de l’audience, et de deux assesseurs, juges non professionnels. Ainsi, quand bien même le magistrat se serait prononcé à chaque audience contre l’emprisonnement, il fallait nécessairement qu’au moins un des assesseurs adopte la même position pour qu’une telle sanction puisse effectivement ne pas être prononcée. Plus encore, dans la mesure où plusieurs juges des enfants exercent au sein du tribunal pour enfants de Bobigny, il semble peu probable que le Président de ce tribunal ait siégé à chaque audience.
A défaut, il faut supposer que le Ministre d’Etat reproche au Président du tribunal d’avoir favorisé cette politique dans l’exercice de ses fonctions administratives. Cela signifierait alors qu’en tant que président de juridiction, il aurait influencé le sens des délibérations, voire aurait donné comme consigne aux autres juges, de ne pas sanctionner les mineurs qui leur auront été déférés. Mais d’une part, sachant que les jugements sont soumis au principe du secret du délibéré, admettre la première hypothèse reviendrait à considérer que les autres juges de cette juridiction, professionnels ou non, n’ont pas été en mesure de préserver leur indépendance dans la fonction de juger. D’autre part, étant donné que l’existence d’une hiérarchie administrative au sein des juridictions judiciaires ne s’accompagne pas d’un pouvoir hiérarchique du président du tribunal sur les autres juges, dans l’exercice des fonctions strictement juridictionnelles, adhérer à la deuxième hypothèse suggérerait que le Président du Tribunal pour enfants de Bobigny a exercé des pressions sur ses pairs. Or, le Ministre de l’intérieur ne fait référence, ni à la responsabilité des autres juges, ni à l’existence de pressions sur ces derniers. Plus encore, quand bien même le président Tribunal aurait commis une quelconque faute dans l’exercice de ses fonctions administratives, de quelle fonction serait-il censé démissionner ? De sa fonction de président ou de sa fonction de magistrat ? Dans les deux cas, cela reviendrait à demander au magistrat de se sanctionner sur le plan de la fonction juridictionnelle, pour une faute qu’il aurait commise dans l’exercice de ses fonctions administratives. C’est à dire qu’il perdrait, soit le bénéfice d’un avancement, soit la qualité même de magistrat. En d’autres termes, accéder à la fonction de président de tribunal, aurait des incidences fâcheuses sur l’effectivité de l’inamovibilité.
Enfin, dans la mesure où le Ministre de l’intérieur considère que la démission doit être la sanction de l’adoption d’une certaine « stratégie pénale » par le Président du Tribunal pour enfants de Bobigny, reste à savoir si celle-ci est elle-même constitutive d’une faute. Cela suppose alors de s’intéresser au cadre dans lequel cette « stratégie » s’insère, ou au contraire, au cadre dont elle s’écarte. En l’espèce, le magistrat concerné relevant du siège et non du parquet, il n’est aucunement tenu de s’inscrire dans la politique pénale du Gouvernement en place. En revanche, à l’instar de ses camarades du parquet, il demeure tenu de respecter le cadre fourni par la loi, à savoir en l’espèce, l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Or, l’article 2 de ce texte fait primer le recours aux mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation, sur les sanctions pénales. Plus encore, si une peine d’emprisonnement peut effectivement être prononcée en application de cette disposition, son dernier alinéa prévoit qu’elle ne peut l’être qu’après avoir été « spécialement motivée ». En conséquence, s’il peut être légitiment reproché au Président du tribunal d’avoir défendu une « stratégie pénale » s’opposant à l’emprisonnement des « mineurs multirécidivistes », force est d’admettre que cette « stratégie » s’inscrit dans le cadre fixé par l’ordonnance du 2 février 1945. La critique formulée par le Ministre de l’intérieur prend dès lors une autre dimension. Il n’est plus seulement reproché au Président du tribunal d’avoir mis sa plume et sa parole au service d’une « stratégie pénale » différente de celle souhaitée par le ministre concerné, mais de ne pas avoir adopté une lecture de l’ordonnance relative à l’enfance délinquante, faisant prévaloir l’emprisonnement comme sanction normale, voire obligatoire, en cas de comportement multirécidiviste. En d’autres termes, il était demandé au magistrat d’adopter une interprétation de l’ordonnance, contraire à son objet et à la volonté de ses auteurs. Or, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, il revenait en vérité au législateur d’intervenir afin d’ériger l’emprisonnement en peine de droit commun pour les comportements multirécidivistes des mineurs délinquants. Ainsi, les propos tenus par le Ministre de l’intérieur conduisent à rendre le juge responsable, en lieu et place du pouvoir législatif, des lacunes de la loi, si ce n’est de l’intention de ses auteurs. Faut-il alors en conclure que les pouvoirs politiques se trouvent exonérés du respect de l’adage : « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans », dans leurs relations avec l’autorité judiciaire, et plus particulièrement avec les magistrats du siège ?
Commentaires
Bravo pour ce billet qui démonte clairement la réthorique de Nicolas SARKOZY.
Toutefois, je suis plus anxieux que vous. Nicolas Sarkozy parlait en tant que potentiel futur Chef d’État, qui sera garant de l’indépendance de la Justice en vertu de la Constitution. Or, je crois réellement comprendre de ses propos, bien que Pascal Clément l’ait démenti, que, pour lui, l’inamovibilité des magistrats du siège ne constitue pas un élément de l’indépendance de la Justice.
@François Gilbert: tout à fait d’accord. De la part d’un ancien avocat, de telles diatribes sont stupéfiantes.
Ses propos sortant de la bouche d’un candidat à la Présidentielle, embarqué dans une dérive populiste, ne m’étonnent pas … mais sont effectivement inquiétant.
Ce billet est un très joli crochet du Droit.
C’est encore pire si on considère que M.Sarkosy, étant loin d’être un imbécile et probablement bien informé, ment en toute connaissance de cause.
Merci pour ce billet.
mad.
Ce que M. Sarkozy appelle ‘faire confiance et refuser de punir’ (c’est-à-dire incarcérer) n’est autre que l’article 37b de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant
http://www.globenet.org/enfant/c...
Article 37
Les États parties veillent à ce que :
a) Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants: ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans ;
b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire: l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible :
Quant aux mulrtirécidivistes, il en parle au début, mais il ne fait pas le lien avec les faits d’octobre 2005 (il s’agit d’une allusion suliminale), et il ne mentionne pas d’appel interjeté par le Parquet. A quoi sert donc le double degré de juridiction?
tout aussi inquiétant que les propos de Ns, qui sait très bien ce qu’il dit (c’est pire),
est l’absence de réaction tant de la classe poltique (paralysée comme la proie par le cobra?) que des journalistes.
tout péremptoire qu’il soit, il est pourtant assez faicle de dire benoitement : tout ceci est faux, puisque tout bonnement la décision d’incarcérer n’appartient pas au juge des enfants.
d’une manière générale, une meilleure connaissance de la justice par les journaliste donnerait lieu à des interview moins passives, mais les juges, les juristes et le Conseil d’etat s’acocdent à dire que la loi est devenue si complexe qu’elle est en est illisble, alors on ne peuit attendre des jouranlistes qu’ils soient des surhommes. La connaisance des textes internationaux auxquels la France est partie est, quant-à elle, quasi nulle.
pas très rassurant…
mais il reste les blogs 😉
" Je n’ai pas parlé de la démission de tous les MINISTRES. J¹ai parlé du MINISTRE DE L’INTERIEUR dont la stratégie est bien connue depuis des années, elle consiste à refuser obstinément D’ADMETTRE QUE L’ORDONNANCE DE 1945 S’APPLIQUE pour les mineurs multirécidivistes. Ainsi monsieur le président et ce n’est pas polémique, ce sont des faits que je donne. Ainsi monsieur le président, en 27 nuits d’émeutes en Seine-Saint-Denis, SE SONT TOUTES DEROULEES MALGRE LA MULITPLICATION DES TEXTES SECURITAIRES. Alors à ce moment-là, je comprends très bien que ce monsieur, que je respecte par ailleurs, ait une stratégie qui consiste à punir, mais dans ce cas-là qu¹on ne le laisse pas à la tête du MINISTERE DE L’INTERIEUR, dans un département MINISTERIEL si difficile. Et en disant et j’en termine, je n’ai pas le sentiment monsieur le président, je vous demande de me croire, de manquer de respect à vos collègues. Je n’ai pas le sentiment d’intenter à L’HONNEUR DE L’EXECUTIF.
réversibilité des discours, quand tu nous tiens…
Post discutable
J’ai vu l’émission avec Sarko. Il me semble que la citation est tronquée et trompeuse. Quand Sarko évoque la démission du magistrat en question, il ne dit pas qu’il demande sa démission mais que celui-ci a démissionné face aux problèmes de délinquance. Bref, il est trop mou, laxiste, etc.
On peut contester le propos. Mais il n’est pas vraiment question d’atteinte à l’inammovibilité d’un magistrat. Le débat est plutôt : un ministre de l’intérieur peut il critiquer le président d’un tribunal dans son activité?
Xddb :
Que vous ne partagiez pas l’opinion de l’auteur de ce billet est parfaitement votre droit. Cependant, il a l’honnêteté de renvoyer à la transcription des propos faite par l’UMP et à la vidéo disponible en ligne et vous pourrez vérifier que sa citation n’est ni tronquée ni trompeuse. Je regrette d’ailleurs que vous n’aillez pas pris la peine de le vérifier par vous même avant d’avoir posté votre commentaire.
En outre les propos sont très clairs : « qu’on ne le laisse pas à la tête du premier tribunal pour mineurs ».
Très intéressant billet, qui a su trouver un ton suffisamment neutre pour être pertinent. Ce qui n’est pas évident sur un sujet aussi polémique et politique. Thème très difficile pour ses premières armes, mais épreuve réussie avec brio.
Pour rejoindre xddp sur la question, je trouve qu’il est bien facile de critiquer monsieur Sarkosy sur certains propos qu’il peut tenir, mais encore faut-il, à son instar parfois, encore trouver les mots justes pour lui répondre, ce qu’Olivier a fait de manière très élégante et argumentée. J’y vois personnellement une touche constructive quant à la distinction entre la polémique et le débat.
Félicitations et bienvenue à Olivier sur ce blog !
Au delà des considérations sur l’exactitude des propos du ministre de l’intérieur, force est de constater que ce dernier use de considérations trompeuses…à des fins électoralistes ? La responsabilité politique au sens large du terme n’en ressort pas, quoiqu’il en soit, grandie…C’est bien là le problème actuel !
Professeur Rolin :
Votre détournement est non seulement très drôle, mais aussi assez troublant.
Xddb :
Sans vouloir ajouter à la polémique, bien au contraire, je cite les propos de l’auteur qui vont, sur le fond, dans votre sens :
"D’ailleurs, il n’est pas certain que le véritable intérêt de ces propos se situe au niveau de la seule atteinte à l’inamovibilité ou à « l’indépendance de la justice » elles-mêmes. Si atteinte il y a, celle-ci est beaucoup plus globale, puisqu’elle résulte de la méconnaissance d’autres principes cardinaux de l’organisation judiciaire et des relations entre l’autorité judiciaire et les pouvoirs politiques".
on dit "professeur xddb"…
Loin de moi, toute idée de polémique sur la personnalité de Monsieur Sarkozy, ou visant à victimiser le Président du Tribunal pour enfants de Bobigny. Dans le cadre de la rédaction de ce billet, je me suis principalement attaché à un constat : un ministre élevé à la dignité de « ministre d’Etat » et en charge des portefeuilles de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, a formulé de sévères critiques à l’encontre d’un magistrat du siège.
En partant de là, xddb, je me permets d’apporter une réponse à vos remarques.
Vous indiquez que le Ministre d’Etat considère que le Président du tribunal pour enfants de Bobigny a « démissionné face aux problèmes de délinquance. Bref, il est trop mou, laxiste, ect ». En admettant ce propos, cela signifierait qu’il estime qu’un magistrat du siège doit se comporter comme un magistrat du parquet, en s’inscrivant dans la politique pénale mise en œuvre par le Gouvernement en place. En effet, il semble possible de dire qu’un magistrat du parquet est « laxiste », « mou » par rapport à un objectif fixé par le Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance. En revanche, je ne suis pas certain que les fonctions d’un magistrat du siège, permettent de dire de celui-ci qu’il a « démissionné face aux problèmes de délinquance »…Il a pour fonction d’appliquer le droit en vigueur, et non de mettre en œuvre une politique donnée.
Il s’agit incontestablement ici, thèse que j’ai défendu dans mon billet, d’une méconnaissance d’un principe cardinal de l’organisation judiciaire, à savoir la distinction entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet. A cet égard, sans parler d’atteinte directe à l’inamovibilité, il est tout de même intéressant de noter qu’un magistrat du siège se trouve finalement mis par le Ministre de l’intérieur, sur le même plan qu’un magistrat du parquet…amovible.
De même, vous considérez que se pose la question de savoir si un ministre de l’intérieur peut critiquer le président d’un tribunal dans son activité. Je pense avoir donné une réponse, au moins partielle, à cette interrogation dans mon billet : les magistrats relèvent du ministère de la justice, et non de celui de l’intérieur. Aussi, il revient théoriquement au ministre en charge de la justice ou au chef du gouvernement, de formuler de telles critiques. En toute logique, le Ministre d’Etat aurait du faire part de celles-ci au ministre de la justice ou au chef du gouvernement. A défaut, il excède d’une certaine manière sa compétence, et « court-circuite » ces deux dernières autorités.
Au-delà, il est à noter qu’au Royaume-Uni, il est en principe interdit aux ministres et aux fonctionnaires de suggérer même qu’un juge s’est trompé dans l’exercice de ses fonctions juridictionnelles. Il n’existe pas, notamment pour des raisons historiques, de règle similaire en France. Toutefois, le Président de la République est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire en vertu de l’article 64 de la Constitution, et met fin aux fonctions des membres du gouvernement en vertu de l’article 8 du même texte. Aussi, la lecture combinée de ces deux articles devrait théoriquement limiter la possibilité pour un ministre de formuler des critiques, notamment infondées, à l’encontre des magistrats…
Globalement donc, je pense que nous restons d’accord sur le fond.
Ce qui me trouble, personnellement, c’est que le ministre de l’intérieur a l’air de tenir le président du TPE de Bobigny comme responsable des décisions prises par les autres juges pour enfant de ce tribunal. Comme il est "président", c’est donc lui qui impulserait l’initiative. M. Sarkozy ignore-t-il le principe d’indépendance des juges, les uns par rapport aux autres ?
Excellent billet, factuel et bien construit.
Relever les erreurs (volontaires) du discours du candidat UMP autoproclamé concernant le tribunal de Bobigny est utile, mais ne saurait faire oublier leur objectif électoraliste.
Le message est simple : la justice, selon l’actuel ministre de l’intérieur, doit être impitoyable avec les mineurs délinquant. Et pour cela, il faut virer les juges laxistes et éventuellement modifier (une fois de plus !) l’ordonnance de 45.
Toute réflexion est inutile face à un discours aussi simpliste. Je vous encourage cependant à poursuivre dans cette activité de démystification.
Que les juges du siège soient là pour faire appliquer la loi décidée par le législatif, donc la loi modifiable (et modifiée déjà plusieurs fois !) par le ministre de l’intérieur lui-même par projet de loi est sans doute trop complexe pour le candidat UMP…
Car en filigranes, il s’agit bien de dire : "en tant que ministre de l’intérieur je n’ai pas les moyens de ma politique, donnez moi le pouvoir exécutif et vous verrez ce que vous verrez !". C’est pitoyable, car cela démontre une fois de plus la méconnaissance des institutions du candidat UMP. Pour mémoire :
Article 64 de la Constitution :
Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire.
Il est assisté par le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Une loi organique porte statut des magistrats.
Les magistrats du siège sont inamovibles.
Il suffit de rapprocher ce texte de ce que le ministre candidat affirme pour comprendre qu’il n’est tout simplement pas fait pour cette fonction !
YR
Je continue néanmoins à penser que la citation doit être replacée dans son contexte. Et justement, j’invite mes contradicteurs à se reporter au texte du débat lui-même. Si Sarko est amené à parler de "démission", c’est parce que quelques instants plut tôt, A. Chabot a fait référence à des propos qu’il a tenu ailleurs :
"Alors Bruno THOUZELLIER, il est président de l’Union Syndicale des Magistrats, monsieur THOUZELLIER vous avez effectivement Nicolas SARKOZY, candidat à l’élection présidentielle devant vous. Il avait dit, il y a quelques temps, il avait regretté, vous dénoncez, la démission des juges, alors posez-lui, voilà la question"
C’est cette balle que reprendra au bond Sarkozy quelques minutes plus tard.
Bref, la citation me paraît trompeuse sans que cela remette en cause ni l’honnêteté de l’auteur du post ni d’ailleurs les craintes que l’on peut avoir à l’égard de la politique d’un futur Président Sarko en matière de justice.
J’invite mes lecteurs à lire le commentaire du principal intéressé, le Président du Tribunal pour enfants de Bobigny, sur son blog : jprosen.blog.lemonde.fr/2…
xddb,
Je vous suis reconnaissant pour vos remarques. Il est vrai que mon commentaire n’a pas suffisamment pris en compte le contexte dans lequel le Ministre d’Etat a tenu ces propos. En toute hypothèse, il est un peu dommage qu’un des plus hauts personnages de l’Etat assimile un magistrat du siège à une sorte de préfet. Qu’un magistrat soit soumis aux obligations et devoirs de son état, et à la dignité attachée à ses fonctions, c’est une chose. Je pense que c’est le souhait du Ministre de l’intérieur, et je le rejoins alors sur ce point. En revanche, il est certain qu’il est dommageable, comme il l’a fait, de dire ou de faire croire que les magistrats du siège sont au service d’une politique ou en conduisent une. Ce n’est pas leur fonction, ni leur rôle.
Frédéric Rolin,
J’ai par ailleurs beaucoup apprécié le propos de Frédéric Rolin. Je trouve cela d’autant plus intéressant que les ministres en charge du portefeuille de la justice se sont succédés à un rythme effréné depuis le début de la Ve République : sauf erreur de ma part, plus de vingt-cinq. Cela ne favorise pas la responsabilité politique de ces derniers, concernant leur action au sein de ce ministère. Cela vaut bien entendu pour d’autres portefeuilles.
la culture d’une organisation ce sont les residus du succes
… de la a faire oublier les echecs en ne placardant que de la culture, ah ces 68ards
>> A défaut …
Croire que le pilotage du president n’influe pas jour apres jour, que toutes les cours soient de meme severite (ou de meme laxisme a contrario), que la hierarchie ni ne cloisonne ni ne deforme, finir par la recherche d’une faute au lieu de la recherche du mieux disant, de la reforme (a votre age sic),
c’est faire preuve d’un tel idealisme que l’on s’expose a n’en recolter que de l’utopisme, oui le cadre administratif de la justice est un cadre affectif et politique et c’est en cela qu’il doit etre responsabilisable (au etats unis, la nomination a la cour supreme ne se vautre pas dans tant de tartufferie), oui ecrire la justice ce n’est pas l’apanage des parlementaires aux 12’000 amendements, mais aussi celui des haut corps fonctionnaires, il est donc legitime qu’il soit gouvernable
NB: un mot quant a la demission qui me semble t il n’est pas a prendre dans le sens de sanction a venir, mais de constat d’abandon (progressif ou pas)…
il n’y a plus qu’a la cgt que l’on reclame des tetes comme cela
en somme il s’agit d’une personne, ministre, qui s’exprime et nullement ne prescrit
>> Article 37: … l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible
C’est vrai que des mineurs qui sont comparus plusieurs dizaines de fois sans peine de prison ferme ne l’ont pas recu parce que ce dit dernier ressort risquait de ne pas avoir ete assez utilise (ou usé devrais je dire, car celui-ci il ne cedera pas de craquement mais d’usure, tu as raison cela valait la peine d’etre precis car ce sera sans doute une premiere)
>> Francois, je n’ai pas vu la video moi non plus,
La remarque de mr sarkozy se termine brutalement et la il n’est peut-etre plus tout a fait en phase, mais on connait l’exercice journalistique. la polemique est trop commode a ce stade.
la question n’est pas de savoir qui doit conclure quand tout le monde en place ne sait que repousser, la mise en pratique conduira certainement d’autre que le ministre de l’interieur a prononcer les mesures de derniers recours,
Olivier, ton assimilation a un prefet es legilatif est pertinente. la ou le bas blesse est de poursuivre en ne considerant qu’il ne doit ni servir la politique de l’executif (fort heureusement), ni la leur (est ce vraiment suffisant).
la loi vient touhours en reaction a l’action de l’homme elle ne saurait la preceder. celui ci agit encore le plus souvent d’apres ces instints, ne pechons pas par exces de rationnalisme. je parle bien sur de nos chers prevenus mais aussi de nos chers administrateurs (:. la politique sera sur l’ensemble de tous les presidents de tribunaux toujours presente
ne prechons pas non plus par reductionnisme, elle ne sera pas une collection disparate d’idees eparses et circonstanciees, donnons leur un cadre, une collegialite, une legitimite fixons en les limites, il s’agit de communautes de pratique, non de militantantisme acharne, il s’agirait de faire des efforts en matiere de dynamique de groupe et de psychologie sociale
Olivier
PS: j’espere que l’enthousiasme emporte de mon precedent post ne coulera pas ma prise de distance au militantisme harassant (:
Olivier :
Nicolas Sarkozy a dit "qu’on ne le laisse pas à la tête du premier tribunal pour mineurs". Il faut faire preuve d’une sacrée mauvaise foi pour réussir à mettre cela sur le dos des journalistes et à tacler la CGT au passage.
P.S. : pour ma part, j’ai vu l’émission.
Votre propos est extrêmement pertinent (même si je ne partage pas le sens que vous donnez au terme "démission").
Cela étant, il serait intéressant de connaître le taux d’appel du ministère public.
Ma petite expérience (certes d’un autre TPE) est celle de réquisitions très souvent suivies par la formation de jugement (il n’est pas du tout certain que le procureur ait requis, à l’encontre des jeunes malheureusement impliqués dans la polémique, une peine d’emprisonnement ferme).
Si le taux d’appel du parquet n’est pas supérieur à Bobigny qu’ailleurs, la démonstration de N. Sarkozy s’effondre.