Le blog Droit administratif

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02 06 2009

Essai sur un système juridique d’il y a moins longtemps, dans une contrée pas si lointaine

Kaamelott logo

Guenièvre : Ah tiens, aujourd’hui j’ai fait tailler le rosier de l’arrière-cour parce qu’il en avait drôlement besoin. Et vous, vous ne me racontez pas votre petite journée ?

Arthur : Ah ben, il faut le temps d’encaisser la vôtre déjà. Pas toutes les émotions d’un coup.

Un récent et remarquable billet mis en ligne sur cette page, proposait une analyse juridique du système institutionnel d’une célèbre épopée galactique. L’auteur invitait par là même à porter un regard sur les différents systèmes juridiques des mondes cinématographique, télévisuel et littéraire. Une étude du procès de Harry Potter a également été proposée sur le blog de nos amis de Publiquement vôtre, de même qu’une réflexion sur le Conseil supérieur de la Constitution syldave que les amateurs des aventures de Tintin ont pu apprécier (O. Jouanjan, « Sur quelques aspects d’un vaste débat : le Conseil supérieur de la Constitution syldave est-il une cour constitutionnelle ? », Mélanges Michel Troper, Economica, 2006, p. 539). D’autres célèbres épopées auraient pu faire l’objet d’une analyse : Dune, Fondation, ou une autre trilogie classique avec le Seigneur des anneaux. Le raisonnement juridique traverse les styles, les frontières, mais également le temps. Il permet sans obstacle de passer du galactique au médiéval. Cette modeste contribution se donne pour objet d’étude une œuvre sans doute moins connue que le destin de la lignée de ceux « qui marchent dans le ciel », mais non moins dénuée d’héroïsme : la légende arthurienne vue par Alexandre Astier.

La série télévisée Kaamelott, dont la diffusion du Livre VI se fait attendre, présente une vision très personnelle et humoristique des chevaliers de la table ronde. Le programme s’articule, comme il se doit, autour du roi Arthur, victime de son entourage. Entre les fous, les belliqueux et les incompétents, celui-ci a fort à faire pour accomplir la quête que lui ont confié les Dieux par la voix de la Dame du Lac : trouver le Saint Graal.

Au-delà de la grande qualité d’écriture, d’une véritable culture de la chute humoristique et d’un jeu d’acteur exceptionnel, Kaamelott relaye également une pensée juridique. La légende d’Arthur et de ses chevaliers trouve déjà une place dans notre droit positif. On tentera ici d’en rapporter l’organisation institutionnelle. On rappellera ainsi que le tombeau de Merlin l’Enchanteur et la fontaine de la fée Viviane à Paimpont en Ile-et-Vilaine constituent des sites légendaires classés au titre de la loi du 2 mai 1930 sur la réorganisation de la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, désormais codifiée aux articles L. 341-1 et suivants du code de l’environnement. La succession des épisodes de la série télévisée révèle progressivement les tenants de l’organisation institutionnelle de Kaamelott. Arthur prenant le titre de roi, l’auteur de la série aurait pu se contenter d’une description classique d’une monarchie. Tel n’est pas le cas. Rapprochant la légende arthurienne de récentes découvertes historiques, Alexandre Astier décrit un roi Arthur aux origines romaines. La problématique retenue sera donc de déterminer si Kaamelott constitue une monarchie classique ou une province de l’Empire romain.

L’analyse s’appuiera sur les seuls épisodes de la série Kaamelott, les bandes dessinées, situées en dehors de la continuité de la série, restant hors du champ de l’étude. Les citations seront accompagnées d’un renvoi aux épisodes numérotés et titrés des V premiers Livres de la série.

On se proposera ainsi de décrire la personnification du pouvoir dans le souverain du royaume de Logres (I), avant d’appréhender la possible délégation de ce pouvoir aux ministres du roi (II), et d’envisager Kaamelott comme un Etat fédérateur et néanmoins fédéré (III). D’ultimes remarques seront consacrées à l’existence d’une juridiction constitutionnelle à Kaamelott (IV).

I La personnification du pouvoir : Arthur

L’analyse du système institutionnel de Kaamelott révèle qu’Arthur dispose d’un monopole des pouvoirs (A). Sa légitimité en tant que souverain du royaume de Logres repose sur des symboles mythiques (B).

A) Le monopole des pouvoirs

Arthur photo

Si la garantie d’un certain nombre de droits est assurée par les lois de Kaamelott, notamment épurées par Arthur de l’esclavage et de la torture, la séparation des pouvoirs n’y est point déterminée. A l’aune de l’article 16 de la Déclaration de 1789, Kaamelott n’aurait point de Constitution. L’ensemble des pouvoirs se retrouve en effet concentré entre les mains du souverain.

Arthur dispose en premier lieu du pouvoir législatif. Par exemple, afin d’inciter ses sujets à consommer du « Pif local », Arthur a légiféré sur l’interdiction de vendre des vins étrangers. Cette remarque permettra d’ailleurs de déduire l’inexistence d’une Cour de Justice des Communautés Romaines susceptible de sanctionner les atteintes portées à la libre concurrence. Arthur a également modifié la loi sur la peine de mort, les exécutions ayant désormais lieu à huis clos, en présence des seuls membres du Gouvernement. On sait à cet égard que le pouvoir législatif est attaché à la personne du roi, ce que révèle l’adage « quand on change de roi, on change de lois » [1]. Lorsque Léodagan accède au trône, il peut librement changer la loi en rendant les réunions de la table ronde obligatoires à peine d’emprisonnement et en permettant aux personnes autres que des chevaliers d’y assister. Néanmoins, si le pouvoir législatif ne fait l’objet d’aucun contrôle juridictionnel [2], une limite implicite, oserait-on dire une « convention législative », empêche le roi de modifier un nombre trop important de lois. Arthur ne sera ainsi pas en mesure d’abroger la loi selon laquelle « Si un chevalier convoite la femme d’un autre chevalier, le mari doit tuer ». Ne disposant pas du pouvoir de modifier ladite loi, le roi devra lui-même s’y soumettre et tuer le seigneur Karadoc en raison de son aventure avec Dame Mevanwi [3].

En deuxième lieu, en tant que chef de l’Etat, le roi conduit la politique de la Nation et exécute lui-même ses propres lois. Il dispose donc également du pouvoir exécutif. On relèvera ainsi qu’Arthur préside « l’assemblée des rois de Bretagne », qui se réunit une fois tous les quatre ans afin de fixer une politique générale pour le royaume de Logres [4]. Il est encore affirmé qu’Arthur dispose de « l’autorité suprême » [5] lui permettant de donner des ordres à l’ensemble de ses chevaliers. Il n’y a qu’un pas à franchir pour affirmer que le roi « dispose de l’Administration ». On relèvera qu’Arthur est aussi chef des armées. Il porte le titre de Dux Bellorum, chef de guerre. Il n’est cependant pas le seul à avoir cette qualité, Lancelot et Léodagan, en tant que chefs de guerre, pouvant légitimement y prétendre [6].

En troisième lieu, Arthur détient le pouvoir judiciaire. Il assure des séances de justice appelées « doléances » dans lesquelles le peuple peut lui confier la charge de résoudre leurs litiges. A cet égard, il faudra relever l’inexistence d’un dualisme juridictionnel. Arthur règle en séances de doléances les litiges entre paysans et les litiges des paysans avec Kaamelott. Dans cette tache, le roi peut être assisté de différents chevaliers, Lancelot, Perceval, Léodagan, et même du père Blaise. La fonction d’assesseur n’est donc pas conditionnée à une quelconque qualité ou compétence spécifique. Il est à noter que si le peuple et les représentants officiels des clans fédérés [7] peuvent se plaindre en séance de doléances, tel n’est pas le cas des chevaliers. Leurs litiges relèvent de la compétence d’une autorité administrative, statuant pour l’occasion en la forme juridictionnelle : la table ronde [8]. On relèvera enfin qu’Arthur est qualifié d’ « appareil judiciaire », compétent dans la dissolution des mariages [9]. Il prononcera d’ailleurs la dissolution de son propre mariage, révélant l’incongruité d’une exigence d’impartialité dans le droit de Kaamelott.

B) Les symboles du pouvoir

Arthur n’est pas un roi comme les autres. Il est « de sang divin » [10]. C’est à lui que les Dieux adressent leurs messages. Les symboles de la légitimité du pouvoir relèvent d’ailleurs d’objets divins sinon mythiques. Au royaume de Kaamelott, la question de la séparation de l’Eglise et de l’Etat se pose en des termes complexes. La menace de la qualification papale de Kaamelott en tant que « terre barbare » conduit Arthur à financer la construction d’une cathédrale [11]. La situation des cultes est d’autant plus complexe que les anciens Dieux cohabitent avec le Dieu unique chrétien [12]. Il reste que le trône d’Arthur est fondé sur sa détention de l’épée Excalibur (1), la quête du Graal (2), la table ronde (3) et sa capacité sensorielle à s’entretenir avec la Dame du Lac (4).

1) Excalibur

Excalibur Photo

En tant que bâtard d’Uther Pendragon, Arthur n’aurait pas dû pouvoir accéder au trône de Bretagne. La filiation légitime du souverain n’est toutefois une condition qui n’a plus à être remplie dans la mesure où Arthur a été le seul à pouvoir retirer Excalibur de son rocher [13]. On sait en effet que l’épée des rois ne peut être retirée, n’appartient et ne revient qu’à l’élu des Dieux. L’épée flamboie d’ailleurs en fonction de l’exceptionnelle destinée de son porteur [14]. Elle s’avère un symbole de légitimité du pouvoir. Elle est donc occasionnellement replantée afin de rappeler à tous qu’Arthur est le seul souverain désigné des Dieux. Lorsqu’il n’est plus en mesure de la retirer, il perd son statut de roi [15].

2) Le Graal

Graal Photo

Mission dévolue à Arthur par les Dieux, la quête du Graal, dont la forme n’est pas clairement définie (un vase, une coupe, un récipient, une pierre incandescente, une corne d’abondance, ou même un bocal à anchois ?), est le symbole fondateur de la royauté d’Arthur. C’est en effet pour trouver le Graal qu’il a créé la table ronde [16] et qu’il a fait construire Kaamelott [17]. On apprend même qu’Arthur est roi parce qu’il cherche le Graal [18]. Véritable socle du pouvoir, le Graal représente « l’union » des chevaliers de Bretagne [19].

3) La table ronde

Table ronde

De par sa forme, la table ronde est un symbole d’égalité entre les chevaliers qui y prennent place. Il existe cependant une certaine hiérarchie entre eux. Certains chevaliers disposent en effet d’une place fixe à la table ronde tandis que d’autres doivent effectuer des roulements. Le nombre de chevaliers rattachés à la Cour de Kaamelott étant supérieur au nombre de places disponibles à la table, une rotation s’est avérée indispensable [20]. La table ronde est occasionnellement le lieu des réunions diplomatiques avec les chefs d’Etat étrangers, alliés ou non, même si celles-ci ont le plus souvent lieu dans la salle du trône.

Les réunions de la table ronde ne sont en principe pas obligatoires, au contraire des séances de doléances [21]. Elles sont présidées par Arthur ou Lancelot en son absence. La nourriture y est interdite, le port de l’armure obligatoire sauf mot d’excuse délivré par sa génitrice ou tenue officielle et chaste [22]. Ne peuvent s’y asseoir que des chevaliers. Le père Blaise, qui fait office de scribe, reste debout. Tous les chevaliers présents n’ayant pas de responsabilités ministérielles, les réunions de la table ronde ne peuvent être assimilées à des conseils des ministres. Elles sont néanmoins l’occasion d’aborder les progrès accomplis dans la quête du Graal, les questions de défense du territoire, d’affectation de missions aux chevaliers, et de comptes-rendus de celles-ci. Les chevaliers disposent d’ailleurs d’un droit de proposition de quête. Ils peuvent s’attribuer des missions à eux-mêmes qui sont alors dénommées « missions auto-stipulées » [23].

4) La Dame du Lac

Dame du lac

La Dame du Lac n’est vue que par Arthur. Outre la quête du Graal, c’est elle qui lui donne des missions annexes afin notamment de renflouer les caisses de l’Etat. Les trésors de quête constituent en effet une ressource importante dans le budget de Kaamelott. Il s’agit également d’une autorité morale qui rappelle régulièrement au roi ses obligations divines. Elle peut en un sens être qualifiée d’autorité administrative indépendante.

II La délégation du pouvoir : les ministres d’Arthur

Les chevaliers d’Arthur sont nécessairement ceux qui ont été adoubés. L’adoubement, ou « chevaliérisation » [24], est donc le critère juridique du chevalier. Ils répondent au titre de « seigneur » et peuvent adopter un surnom de leur choix, par exemple « Chevalier au Pancréas ». Ils sont soumis au Code de chevalerie, ratifié par le roi, qui réglemente notamment les temps de pause [25]. Ils sont tenus de participer aux combats engagés par l’armée de Kaamelott à peine de payer une taxe forfaitaire de 2500 pièces d’or [26]. Les chevaliers ont ainsi un rôle de défense. Ils assurent, sous l’autorité du roi, la direction des tours de garde sans toutefois être chargés d’un rôle de patrouille [27]. Il peut être déduit que les chevaliers ne disposent pas d’un véritable pouvoir de police administrative.

Tous les chevaliers d’Arthur ne sont pas ses ministres, et tous les ministères classiques ne sont pas pourvus. Il n’existe par exemple pas de ministre des affaires étrangères. Les chevaliers ne sont pas habilités à négocier les traités à la place du roi [28], ils peuvent simplement l’assister dans cette tache. Ce qui sera le plus souvent le cas du père Blaise ou de Lancelot. Dans le Gouvernement d’Arthur, tous les ministres ne sont pas des chevaliers. La circonstance que le druide occupe une place supérieure à celle du chevalier dans la hiérarchie [29] n’a donc pas d’incidence à cet égard.

A) Le Premier ministre : Lancelot du Lac

Lancelot Photo

Sans lien manifeste de parenté avec la Dame du Lac, dont on apprend qu’elle fut cependant la nourrice, Lancelot du Lac se qualifie lui-même de Premier ministre [30] d’Arthur. Il adopte également le statut de « bras droit », ou encore de chef de guerre. Il est indubitablement la pièce maîtresse du Gouvernement d’Arthur dont la crédibilité subit de graves préjudices en son absence.

B) Le ministre de la défense : Léodagan de Carmélide

Léodagan Photo

Léodagan est le père de la reine Guenièvre. Il est roi de Carmélide, appelé à ce titre « sire ». Le statut de roi d’un Etat fédéré n’est donc pas incompatible avec celui de chevalier de la table ronde, ce que confirme la situation de Calogrenant, roi de Calédonie. Le statut de ministre de la défense revêt une certaine particularité dans le Gouvernement d’Arthur puisqu’il peut imposer au roi de procéder à certains achats de matériel de défense [31]. La délégation de la défense à Léodagan ne peut donc être remise en cause par Arthur. S’agirait-il d’un cas d’indisponibilité des compétences ?

On apprend encore que Léodagan est chargé des grands travaux d’infrastructure du royaume [32]. Il serait donc également ministre de l’équipement et de l’aménagement du territoire. S’il conserve l’exercice de la justice civile, le roi a néanmoins confié à Léodagan la charge de rendre la justice pénale [33]. C’est à lui que revient la décision de condamner les délinquants et criminels au bûcher, à l’écartèlement, la pendaison, le pilori ou encore le jet sur nid de frelons.

C) Le ministre des finances : le père Blaise

Prêtre Photo

Le père Blaise tient les comptes du royaume [34]. C’est à lui d’alerter le roi sur la nécessité de lever un nouvel impôt lorsque les caisses sont vides. Il ne dispose cependant d’aucun pouvoir de décision en la matière. Le budget de l’Etat ainsi que tous les marchés publics (achat de catapultes, d’instruments de torture ou d’esclaves) sont décidés par le roi sans appel public à la concurrence. En son absence, personne n’est habilité à acheter une couronne [35].

Le père Blaise assure également un rôle de conservateur national de la bibliothèque de Kaamelott. Le temps d’accès aux documents sollicités par les lecteurs apparaît comparable à celui de certaines bibliothèques juridiques de la place du Panthéon. Lors des séances de la table ronde, il officie en tant que secrétaire. C’est à lui de retracer la légende. Il est enfin responsable du courrier de Kaamelott et de la transmission au roi des demandes de ses différents ministres. Il peut donc être légitimement qualifié de secrétaire général du gouvernement.

D) Le ministre des réceptions : Bohort de Gaunes

Bohort Photo

Bohort est en quelque sorte l’intendant de Kaamelott. Il est responsable de l’organisation des réceptions et des fêtes traditionnelles. Il est également en charge « des négociations protocolaires, de la surveillance intérieure, de l’inspection de certains postes avancés » [36].

E) Le répurgateur

Répurgateur photo

Le répurgateur dispose d’un rôle minime dans le Gouvernement d’Arthur. Il peut proposer des lois, comme l’interdiction de la polygamie, mais celles-ci doivent impérativement être ratifiées par le roi [37]. Son activité dans le Gouvernement est essentiellement de « brûler les personnes démoniques » [38], ce qui, en dehors de Merlin, fils d’un démon et d’une pucelle, représente une tache assez faible.

F) L’enchanteur officiel de Kaamelott : Merlin

Merlin Photo

Merlin est l’enchanteur officiel de Kaamelott [39], l’enchanteur officieux étant certainement Elias de Kelliwic’h. Merlin appartient à deux ordres professionnels, les druides et les enchanteurs. Il doit à ce titre respecter des règles déontologiques particulièrement strictes. En sus de devoir se transformer en chat ou en araignée à certaines périodes de l’année [40] et d’assister au rassemblement du corbeau qui réunit tous les druides de Bretagne [41], lorsqu’il s’adresse à un autre enchanteur, il doit le pointer du doigt et rappeler ses références. On apprend de cette manière que Merlin est le vainqueur de la Belette de Winchester, le concepteur de la potion contre les ongles incarnés et de celle de réduction du temps de désalage des filets de morue, et l’auteur de l’ouvrage « Le druidisme expliqué aux personnes âgées ».

En tant qu’enchanteur officiel, il peut engager les fonds et les terres de Kaamelott dans les défis. Merlin fait également office de guérisseur et de vétérinaire du royaume. S’il peut être amené à jeter des sorts pendant les combats, il n’est toutefois pas militaire, et ne peut donc pas passer en conseil de guerre [42].

III Kaamelott : un Etat fédérateur et fédéré

L’une des principales missions d’Arthur est de fédérer les différents clans de Bretagne à la Cour de Kaamelott (A), royaume lui-même placé sous la domination de Rome (B).

A) Kaamelott, un Etat fédérateur des clans bretons

Carte Kaamelott

1) Les clans fédérés

Le royaume de Bretagne est composé de différents Etats eux-mêmes dirigés par des rois ou des ducs : Vannes, le Pays de Galles, l’Orcanie, la Carmélide, Gaunes, l’Irlande, Tintagel, l’Armorique, la Calédonie, les Cornouailles. Il existe également de nombreux clans fédérés par Kaamelott. Au nombre de 2.000 [43], les chefs de clan se réunissent régulièrement autour d’un banquet qui est un sommet politique auquel les filles galantes ne sont pas admises. Les Dames Dol et Laurent auraient-elles pu contester cette décision ? Le terme de fédération semble régulièrement employé puisque le verbe fédérer est défini par Bohort comme : « rallier les clans autonomes de Bretagne à la Cour de Bretagne, centraliser les actions militaires, et faciliter les transactions territoriales à l’aide d’une monnaie commune » [44].

La fédération d’un clan au royaume de Bretagne répond à régime juridique précis. En principe, les clans fédérés conservent leur souveraineté mais sont rattachés à la suprématie de Kaamelott [45]. Ils n’ont cependant plus le droit de taxer les paysans [46]. Ils perdent donc leur souveraineté fiscale. Ils doivent un soutien militaire à Kaamelott [47]. Un peuple fédéré ne peut pas refuser d’installer des routes pavées [48]. De son côté, le roi doit respecter les traditions des Etats fédérés. Ainsi, lorsqu’il se rend en Carmélide pour participer à un combat, il doit, comme le veut la tradition, passer sur la fille du chef de clan vaincu [49]. Les lois des royaumes fédérés peuvent enfin être utilisées au niveau fédéral. Arthur procèdera ainsi à un échange d’épouses selon une loi du royaume de Vannes [50].

2) Les clans autonomes

Une fois rattachés à Kaamelott, les clans peuvent néanmoins, avec l’accord du roi, retrouver leur indépendance. On parle alors de clans autonomes. L’officialisation du clan autonome entraîne la perte de la chambre à Kaamelott, mais l’octroi d’une terre [51] et le retour d’un pouvoir législatif [52]. Les membres des clans autonomes n’ont plus à suivre les ordres du roi, ils ne font plus partie de Kaamelott.

B) Kaamelott, un Etat fédéré de Rome

Rome photo

Au cours du règne d’Arthur, les romains occupent la Bretagne [53]. On sait qu’Arthur, qui a été élevé de 10 à 20 ans dans un camp militaire romain, est lui-même un chef d’Etat fédéré de Rome [54] qui peut à ce titre solliciter un soutien à Rome afin de payer un tribut de guerre [55]. Il dit lui-même qu’il est roi de Bretagne parce que les romains l’ont ainsi décidé [56]. Après le départ des romains de l’île de Bretagne, l’indépendance de Kaamelott sera officialisée par la décision d’Arthur de raser le camp romain [57].

IV Une juridiction constitutionnelle à Kaamelott ?

Juge constitutionnel

Il apparaît difficile de concevoir une juridiction constitutionnelle à Kaamelott où il n’existe précisément pas de Constitution. Toutefois, lorsqu’Arthur n’arrivera plus à retirer l’épée, il qu’il ne sera plus roi, ses ministres vont décider de faire appel à un « spécialiste des lois », une personne neutre qui parviendra à désigner le roi sans qu’il retire l’épée. Cette personne est qualifiée de « magistrat », et comme les ministres et hôtes de marque, bénéficie d’un « traitement protocolaire ».

On apprend de sa bouche que dans le droit de Kaamelott, la distinction entre l’acte unilatéral et le contrat n’est pas clairement établie puisque la loi « stipule ». Il n’existe pas davantage de séparation entre la loi et le règlement puisqu’il emploie tantôt le terme de « loi » et tantôt ceui de « décret » à propos du même texte. Cet interprète des lois organisant les institutions de Kaamelott se situe dans « une attitude technique d’analyse du texte ». Il se présente clairement comme un juge-aiguilleur, selon la formule du doyen Vedel. Selon son interprétation, la reine doit désigner un régent mâle, une femme ne pouvant gouverner à Kaamelott. Il faudra néanmoins rajouter un « avenant au texte ». On ne sait au final pas vraiment qui sera l’auteur de cet avenant et donc qui dispose réellement du pouvoir constituant.

Notes

[1] Livre V, épisode V, Le Royaume sans Tête

[2] La fonction occasionnelle de juge constitutionnel de Kaamelott (V. Infra. IV) ne consiste qu’en l’interprétation des lois organisant les institutions et non des textes normatifs substantiels

[3] Livre IV, t. 1, épisode 17, Duel

[4] Livre III, t. 1, épisode 26, L’Assemblée des Rois

[5] Livre II, t. 2, épisode 27, Le Havre de Paix

[6] Livre II, t. 1, épisode 11, Le Message Codé

[7] Livre I, t. 2, épisode 33, La Fête de l’Hiver

[8] Livre I, t. 2, épisode 20, Le Problème du Chou ; Livre II, t. 1, épisode 30, La Garde Royale

[9] Livre IV, t. 2, épisode 42, Le Vice de Forme

[10] Livre I, t. 1, épisode 17, Le Signe

[11] Livre II, t. 1, épisode 22, Plus Près de Toi

[12] Livre I, t. 1, épisode 33, Compagnons de Chambrée

[13] Livre V, épisode V, Le Royaume sans Tête

[14] Livre II, t. 2, épisode 2, Excalibur et le Destin

[15] Livre V, épisode IV, Le Dernier Jour

[16] Livre I, t. 1, épisode 3, La Table de Breccan

[17] Livre II, t. 1, épisode 36, Les Exploités

[18] Livre II, t. 1, épisode 28, Le Passage Secret

[19] Livre I, t. 2, épisode 50, La Vraie Nature du Graal

[20] Livre IV, t. 1, épisode 10, L’Ascension du Lion

[21] Livre III, t. 1, épisode 1, Le Chevalier Errant

[22] Livre I, t. 2, épisode 9, La Jupe de Calogrenant

[23] Livre IV, t. 2, épisode 38, Les Biens Nommés

[24] Livre I, t. 1, épisode 40, L’Adoubement

[25] Livre I, t. 1, épisode 46, Le Code de Chevalerie

[26] Livre I, t. 1, épisode 21, La Taxe Militaire

[27] Livre II, t. 1, épisode 26, Un Roi à la Taverne II

[28] Livre I, t. 1, épisode 10, Le Négociateur

[29] Livre II, t. 1, épisode 8, Les Volontaires II ; Livre III, t. 2, épisode 20, La Potion de Fécondité II

[30] Livre V, épisode V, Le Royaume sans Tête

[31] Livre III, t. 2, épisode 6, Les Tourelles

[32] Livre II, t. 1, épisode 5, Silbury Hill

[33] Livre III, t. 1, épisode 3, Le Magnanime

[34] Livre II, t. 2, épisode 50, La Dispute

[35] Livre V, épisode V, Le Royaume sans Tête

[36] Livre IV, t. 2, épisode 43, Le Renoncement

[37] Livre I, t. 1, épisode 14, Monogame

[38] Livre 1, t. 2, épisode 29, L’Expurgation de Merlin

[39] Livre III, t. 1, épisode 21, Le Renfort Magique

[40] Livre I, t. 1, épisode 42, Le Zoomorphe

[41] Livre II, t. 1, épisode 7, Le Rassemblement du Corbeau

[42] Livre I, t. 1, épisode 38, Merlin et les Loups

[43] Livre I, t. 1, épisode 16, Le Banquet des Chefs

[44] Livre II, t. 2, épisode 11, L’Alliance

[45] Livre III, t. 2, épisode 10, Les Festivités

[46] Livre I, t. 1, épisode 21, La Taxe Militaire

[47] Livre I, t. 1, épisode 44, Patience dans la Plaine

[48] Livre I, t. 2, épisode 50, La Vraie Nature du Graal

[49] Livre III, t. 1, épisode 14, Les Derniers Outrages

[50] Livre IV, t. 1, épisode 23, L’Echange

[51] Livre V, épisode I, Corvus Corone

[52] Livre V, épisode VI, Jizô

[53] Livre I, t. 2, épisode 6, Le Dernier Empereur

[54] Livre I, t. 2, épisode 34, Gladiator

[55] Livre 1, t. 1, épisode 5, Le Fléau de Dieu

[56] Livre III, t. 1, épisode 18, Cryda de Tintagel

[57] Livre IV, t. 2, épisode 29, Fluctuat Nec Mergitur

Commentaires

Olivier Pluen dit :

Je reste sur ma position, c’est une brillante idée d’article, et très bien traité avec ça !

Un premier jet en attendant :

Il s’agit d’une monarchie d’essence divine, élective, et a priori non héréditaire. Mais la série donne-t-elle des indications sur les modalités d’organisation de l’élection par les Dieux ? Les questions sont notamment de savoir si le Dieu chrétien se trouve à égalité avec les dieux païens, et si la désignation suppose la majorité absolue des suffrages.

« le pouvoir législatif est attaché à la personne du roi, ce que révèle l’adage « quand on change de roi, on change de lois » ». Il y a ici une petite ambiguïté. La phrase peut être entendue de deux manières. D’une part, il est possible de comprendre que le roi « élu », n’est pas lié par les lois de ses successeurs. Cela constitue alors un argument, en faveur de sa pleine souveraineté. Mais il est possible d’en déduire, d’autre part, l’inapplication de la théorie des deux corps du roi. Dans cette hypothèse, le royaume ne serait pas gouverné par le principe de continuité, suivant l’adage : « Le roi est mort (ou n’a pas réussi à retirer l’épée), vive le roi »…

Jérôme dit :

Félicitations Alex

Ar-thur dit :

Alex non seulement votre article est excellent de par la manière d’aborder le thème mais aussi par la sélection du thème même
Pensez vous qu’à l’instar de votre article sur le cinéma, nous puissions également aborder l’amour sous l’angle du droit administratif Jamais abordé, il est vrai que les prestations de service public en la matière se retrouvent dans d’autres contrées que notre belle France Merci pour votre originalité !

BD dit :

Un état fédérateur et fédéré? C’est pas faux…

BD dit :

J’oublie l’essentiel ! Bravo Alex pour ce billet fort divertissant… et non moins pertinent !

Alexis FRANK dit :

Je suis particulièrement intéressé par le rôle du répurgateur…

Kadoc dit :

Les anachronismes (Cour de justice des communautés romaines, La dame du Lac autorité administrative indépendante…) sont hilarants…

Didi dit :

C’est pas Logres et non l’Ogre ?

Excellent article sinon (quoique ça fait beaucoup de sous parties pour un article juridique 😉 )

@ Didi

Erreur corrigée, merci de l’avoir relevée.

Charlotte dit :

Article très divertissant.

Si la série avait mentionné des actes administratifs adoptés par Perceval, nous aurions aussi pû disserter sur la théorie du fonctionnaire de fait, celui-ci n’ayant été "chevaliérisé" que plusieurs années après son admission à la table ronde.

Fyboest dit :

Il s’agit en fait d’une véritable uchronie juridique, c’est à dire d’une ré-écriture du droit d’une époque historique passée, mais dans un monde de fiction (dans le sens de "science-fiction") , un monde parallèle en quelque sorte. On pourrait imaginer, si l’on ne connaissait pas l’auteur, que l’article a été rédigé par un juriste spécialisé en droit administratif qui n’aurait pas la moindre notion d’histoire du droit et seulement une vague idée de la réalité historique.
Il serait très intéressant, dans la lignée de ce travail, de la véritable science-fiction réaliste, c’est à dire imaginer de façon détaillée l’état du droit dans quelques siècles. Cela pourrait même présenter une certaine utilité et faire l’objet de recherches de doctorat (?).
Sinon, la lecture de cette étude de droit comparé fut un vrai plaisir!

M. Jeandel Kevin dit :

Vous avez cité plusieurs détails que je n’avais saisi que dans le livre 6 !

Quelle œuvre ce Kaamelott, vous lui rendez un bien bel hommage à elle et son créateur.

Quel bon moment de lecture, merci et félicitation M Ciaudo /clap.

M. Jeandel Kevin dit :

Vous avez cité plusieurs détails que je n’avais saisi que dans le livre 6 !

Quelle œuvre ce Kaamelott, vous lui rendez un bien bel hommage à elle et son créateur.

Quel bon moment de lecture, merci et félicitation M Ciaudo /clap.

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