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28 01 2012

Une méthode du commentaire d’arrêts comparés

Dans le même esprit que la désormais célèbre méthode du commentaire d’arrêt d’Alexandre Ciaudo, cette méthode du commentaire d’arrêts comparés ne prétend pas être « la » méthode, mais « une » méthode, susceptible d’aider les étudiants, confrontés de plus en plus fréquemment à cet exercice. Elle s’efforcera d’être à la fois synthétique et complète, et d’insister sur les spécificités de l’exercice par rapport au commentaire d’arrêt classique.

I. L’objectif du commentaire

Pour présenter le but de l’exercice, on ne fera pas mieux qu’en utilisant une nouvelle lapalissade : l’objectif du commentaire comparé est de commenter deux ou trois décisions de justice en les comparant… Commenter et comparer, tels sont les deux maitres mots. Il s’agit non seulement d’expliquer le sens, d’étudier la valeur et d’apprécier la portée des décisions commentées, mais également de confronter ces décisions les unes par rapport aux autres (visas, fondements, motifs, appréciation et interprétation des éléments de fait et de droit, solutions retenues…).

Trois écueils principaux sont à éviter :

  • La dissertation : comme pour le commentaire, il ne s’agit pas d’un exposé de connaissances, lesquelles doivent être exclusivement mises au service du commentaire. L’écueil de la dissertation pourra être évité en prenant le soin de toujours partir du texte des décisions commentées.
  • Le commentaire : il faut veiller à ne pas se contenter de recopier les arrêts commentés. Deux antidotes contre la paraphrase : éviter les trop longues citations ; expliquer et commenter chaque citation insérée dans le commentaire.
  • Les commentaires juxtaposés : le commentaire d’arrêts comparés ne doit pas se réduire à des « commentaires juxtaposés », consistant à commenter la première décision en première partie et la seconde décision en seconde partie !

On fera plutôt le choix d’un plan thématique, permettant de commenter chacune des décisions dans chaque partie.

II. L’introduction

Comme dans le commentaire et la dissertation, l’introduction est une étape essentielle, qu’il convient de bien soigner. Chaque étape de l’introduction doit être matérialisée par un alinéa.

1. Phrase d’accroche

La phrase d’accroche doit permettre d’introduire le thème des arrêts commentés. Il importe d’éviter les banalités et autres grandes généralités (ex. « La définition du service public est depuis longtemps un sujet de débat… »). Il est toujours préférable d’introduire un commentaire par une citation bien choisie ou par des éléments historiques ou juridiques substantiels, en lien direct avec le thème des arrêts commentés et précisément exposés.

Cette phrase d’accroche doit conduire, dans une seconde phrase à introduire les décisions commentées, en précisant la juridiction qui a rendu chaque décision, et la date de lecture de ces décisions. Le cas échéant, il peut être opportun de préciser la formation de jugement qui a rendu l’une (ou les) décision(s), notamment s’il s’agit d’un arrêt du Conseil d’État rendu en Section ou en Assemblée.

2. faits et procédure

Comme dans le commentaire classique, il importe de présenter les faits et la procédures des affaires en cause. Mais là, intervient une difficulté propre au commentaire comparé : il s’agit de résumer les faits et la procédure de chaque arrêt à commenter. Pour éviter les longueurs, il faudra être particulièrement laconique (mais complet !) dans le résumé des faits et de la procédure, en sélectionnant subtilement les éléments pertinents pour la compréhension des affaires. Pour la clarté de l’exposé, et sauf si les décisions se rapportent à la même procédure, il est judicieux de présenter les faits et la procédure de chaque affaire successivement, affaire par affaire. L’ordre de présentation pourra suivre la chronologie.

Le résumé de la procédure doit être effectué avec une grande rigueur. Il importe de mentionner les étapes de la procédure, en précisant les juges qui ont été saisis (TA, CAA, CE…), la date et le sens de la décision rendue par chaque juridiction. Il peut être opportun, dans certains cas, d’expliquer les raisons de la compétence de la juridiction saisie (notamment en cas de pourvoi contre un jugement rendu en premier et dernier ressort, de saisine du Conseil d’Etat en premier ressort, de saisine du Tribunal des conflits…) et de mentionner les éventuels incidents de procédure.

3. problématique et enjeux

La problématique est l’étape la plus importante de l’introduction, et une étape fondamentale (au sens propre) du commentaire. C’est elle qui donnera sa dynamique à votre commentaire. Elle doit donc être particulièrement soignée.

Il importe d’« amener » cette problématique en présentant et développant les enjeux, avec une grande rigueur. Le résumé des faits et des procédures conduit logiquement à la présentation du problème qui se posait aux différentes juridictions. Il faut expliquer la teneur de ce problème (conciliation de deux principes, interprétation d’une règle de droit, appréciation de critères, qualification d’un contrat etc.). Si cette étape essentielle est négligée, la problématique tombera souvent « comme un cheveu sur la soupe ».

On aboutit alors à la formulation de la problématique. Dans le cadre du commentaire comparé elle présente une particularité. Elle devra être déterminée en fonction de l’ensemble des décisions à commenter. Elle aura donc un caractère transversal, recoupant l’ensemble des décisions commentées. La problématique correspondra ainsi à une même question que les juges étaient amenés à trancher dans les différentes affaires. Si une question ne se pose que dans l’un des arrêts, elle pourra, dans la plupart des cas, être éludée. Retenez bien que si deux ou trois arrêts vous sont proposés pour réaliser un commentaire comparé, c’est qu’ils abordent tous une ou des questions identiques. Par souci de clarté, la problématique sera présentée sous une forme interrogative (« Dans quelle mesure… ? »). Il est bienvenu d’expliciter la problématique par une ou deux phrases (« autrement dit… ».)

4. solution

La problématique mène logiquement à la présentation de la (ou des !) solution(s) retenue(s) par les juges. Il est bon de présenter ces solutions les unes par rapport aux autres, en faisant ressortir les éventuelles nuances ou différences (« alors que, par l’arrêt rendu le…, la cour avait jugé que… le Conseil d’État estime, dans sa décision du…, que… »).

5. annonce du plan

L’introduction doit être conclue, comme dans la dissertation et le commentaire classique, par l’annonce explicite des deux parties (I) et (II). En règle générale, il vaut mieux éviter les formules scolaire du type « nous verrons dans une première partie que… » et privilégier un style impersonnel tout au long du commentaire (ex. « Si le critère relatif aux prérogatives de puissance demeure un critère pertinent pour caractériser l’existence d’un service public (I.), il apparait aujourd’hui que ce critère n’est plus un critère indispensable (II.) »).

III. Le corps du commentaire

1. Les titres

Dans tous les cas, le plan doit répondre à la problématique. Comme pour la dissertation juridique et le commentaire d’arrêt, le plan doit comprendre deux parties et deux sous-parties : I) A et B ; II) A et B. Même s’il n’existe jamais a priori de plan-type, on retrouve souvent, comme dans le commentaire classiques, les plans suivants (qui ont le mérite de la cohérence mais qui ne doivent jamais être utilisés mécaniquement) : I. Notion II. Régime ; I. Principe II. Exceptions ; I. Principe II. Mise en œuvre ; I. Premier problème de droit II. Second problème de droit.

Les titres doivent être apparents. Ils doivent être soignés et permettre de comprendre à la fois le sens de votre démonstration et le sens des décisions commentées. Le correcteur doit comprendre votre raisonnement à la seule lecture des titres.
Les titres doivent respecter plusieurs exigences, déjà présentées dans la méthode du commentaire :

  • être qualifiés (ex. « l’interprétation restrictive de la notion de quasi-régie ») ;
  • répondre : permettre de donner une réponse à la problématique posée.
  • se répondre (ex. « I. la conception extensive de la notion de … – II. l’application stricte du régime du … ») ;
  • se correspondre : il est opportun de les construire en suivant le même modèle, et dans la mesure du possible, en retenant globalement le même nombre de mots ; les titres doivent être court, simples et percutants ; ils doivent refléter l’idée que vous développerez dans la sous-partie correspondante.

Les titres ne doivent pas être des phrases ; ils ne doivent comprendre en aucun cas de verbes conjugués. Les références jurisprudentielles ne doivent pas apparaître dans les titres.

2. Les développements

Comme son cousin le commentaire d’arrêt, le commentaire comparé est une démonstration. Il doit donc répondre à votre problématique et être sous-tendu par une même dynamique de bout en bout.

Les arrêts commentés doivent être analysés et comparés dans chaque partie et sous-partie de votre commentaire, du I. A. au II. B. Il importe à la fois d’expliquer la ou les solution(s) retenue(s) par les juges (sens), de confronter ces décisions entre elles et avec les autres décisions rendues en la matière (valeur) et d’étudier leur portée (apport juridique, incidences éventuelles, incertitudes…).

Pour plus de clarté, chaque sous-partie doit contenir une idée et ne contenir qu’une seule idée.

Le commentaire doit être mené de façon méthodique. Pour faire une analyse rigoureuse et complète des décisions commentées, tout en suivant un cheminement logique, chaque sous-partie pourra suivre le schéma suivant :

  • Décisions : partir des décisions à commenter, ce qui permet d’éviter la dissertation ; il peut être opportun de citer les décisions, en faisant un bon usage des guillemets et en introduisant ces citations (qui ne doivent pas tomber brut de décoffrage dans le commentaire !). Toute citation doit être brève. Le cas échéant, il sera préférable de résumer la solution des décisions sur le point commenté dans la sous-partie.
  • Explication : Après avoir rappelé l’élément des décisions que votre sous-partie a pour objet de commenter, vous devez immédiatement expliciter cet élément (définition et sens des termes employés, sens d’une règle énoncée, origine jurisprudentielle ou textuelle…).
  • Jurisprudence : Cette explication doit être suivie du rappel des solutions jurisprudentielles antérieures, voire, des règles légales et réglementaires servant de fondement aux juges.
  • Analyse : Arrive alors l’étape du commentaire proprement dit : il vous faut confronter les décisions à partir des éléments que vous avez retenus (à dessein…) et autour desquels se développe votre propos dans la sous-partie concernée ; vos connaissances doivent également vous servir pour étudier la valeur et la portée des décisions commentées ; il faut analyser, comparer, confronter, le cas échéant critiquer (mais toujours de façon pondérée et en justifiant juridiquement ces critiques !).

De manière générale, veillez rigoureusement à la correction de l’orthographe et de la syntaxe. Si vous rencontrez des difficultés, n’hésitez jamais à formuler des phrases simples et courtes (sujet, verbe, complément.), qui vaudront toujours mieux que des phrases longues et alambiquées, qui dénotent souvent une grande confusion d’esprit. Car ne l’oubliez jamais, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire viennent aisément » (N. Boileau, in L’art poétique, 1674, Chant I).

Commentaires

Anthony .B dit :

merci beaucoup , justement je cherchais une méthode pour cet exercice

teteli dit :

article complet et très bien écrit. merci

L. dit :

Bonjour,

Très bon article
Cependant, pouvez- vous m’indiquer les différences avec un commentaire composé? Quelle est la méthodologie du commentaire composé?

Cordialement,

Jean-Baptiste Chevalier dit :

@L. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par "commentaire composé"?

caroline dit :

Article très bien construit, qui permet de comprendre ce qu’on attend de nous, étudiants.
Merci !

SONINY dit :

Merci pour cet excellent article

lamso dit :

merci bcp pour l’éclairage

Camille dit :

Merci beaucoup. Sans doute très utile pour mon partiel demain matin…
Complet et synthétique. Bravo!

Kady Koné dit :

Merci à vous pour cet article,c’est très instructif et ça m’a beaucoup aidé… Je vous en remercie encore une fois!

Kady Koné dit :

Merci à vous pour cet article,c’est très instructif et ça m’a beaucoup aidé… Je vous en remercie encore une fois!

NIGNAN dit :

Franchement bravo pour ce travail scientique utile pour le monde juridique!

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