Le blog Droit administratif

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18 07 2011

LFR pour 2011 : quand la garde à vue nouvelle version sert de prétexte au rétablissement du droit de timbre !

Comme annoncé par le décret du 20 juin 2011[1] , la convocation d’une session extraordinaire du Parlement aura permis, notamment, l’adoption de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative (LFR) pour 2011.

Voté définitivement le 5 juillet 2011 par les députés et le lendemain par les sénateurs – dans sa version issue de la commission mixte paritaire –, le projet de LFR poursuivait, selon son exposé général des motifs, deux objectifs principaux : en premier lieu, la réforme de la fiscalité du patrimoine ; en second lieu, le soutien à l’emploi et à la formation par l’alternance.

Mais, parce que le propre d’une loi de finances – initiale ou rectificative – est d’appréhender une pluralité de problématiques d’ordre budgétaire, profondément différentes, le texte comportait également d’autres dispositions importantes : indemnisation des dommages causés par le benfluorex[2] , contrôle accru des moyens mis à la disposition des AAI et API, diminution en 2012 et 2013 du plafond de la cotisation versée par les collectivités territoriales au CNFPT mais aussi…création d’une « contribution pour l’aide juridique ».[3] .

Notes

[1] V. décret du 20 juin 2011 portant convocation du Parlement en session extraordinaire, art. 2.

[2] Principe actif du très controversé médicament Mediator.

[3] V. article 20 pour ce qui concerne le projet soumis en dernier lieu à l’Assemblée nationale, et article 54 pour ce qui concerne celui soumis au Sénat.

Intégrée au code général des impôts (CGI), au sein du chapitre consacré à l’enregistrement, à la publicité foncière et au timbre, la nouvelle contribution pour l’aide juridique se présente, en réalité, comme une conséquence logique de la réforme de la garde à vue, récemment approuvée par le Parlement[1] . Anticipant une augmentation importante des rémunérations versées aux avocats au titre de l’aide juridique, cette contribution est censée, en effet, le financement de cette nouvelle dépense dans une période budgétaire pour le moins tendue – c’est un euphémisme – et assurer, ainsi, « une solidarité financière entre l’ensemble des justiciables »[2] .

Désormais donc, et sous réserve d’une éventuelle censure constitutionnelle, un nouvel article 1635 bis Q du CGI viendra préciser qu’« une contribution pour l’aide juridique de 35 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative »[3] . Exigible dès l’introduction de l’action en justice[4] , ladite contribution sera à la charge du demandeur à l’instance qui s’en acquittera par voie de timbre mobile ou par voie électronique[5] . Du reste, conformément à l’objectif ayant présidé à sa création – financer les dépenses d’aide juridique –, le produit issu de cette dernière sera « affecté au Conseil national des barreaux » (CNB) et « intégralement destiné au paiement des avocats effectuant des missions d’aide juridictionnelle »[6] .

Certes, certaines restrictions ont d’ores-et-déjà été apportées au champ d’application de cette nouvelle contribution :
– 1°) d’un point de vue personnel, la loi prévoit expressément que la contribution ne sera due ni par l’Etat ni par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ;
– 2°) d’un point de vue matériel, et en ce qui concerne spécifiquement le contentieux administratif[7] , la loi a exclu l’exigibilité de cette contribution pour les procédures de référé-liberté engagées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (CJA), ainsi que « pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ».

Toutefois, il ne faut pas s’y tromper : dissimulée derrière un intitulé relativement bienveillant, la nouvelle contribution envisagée ne représente ni plus ni moins qu’un authentique droit de timbre. Et, si la loi réserve au pouvoir réglementaire le soin de déterminer « les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution »[8] , l’exposé des motifs détaillant le nouveau dispositif ne s’encombre quant à lui d’aucun faux suspense : selon lui, « l’acquittement de cette contribution deviendra une condition de recevabilité de la requête »[9] . Autrement dit, le non-respect de cette formalité se traduira – sous réserve du garde-fou que pourrait constituer l’invitation à régulariser – par le rejet de l’action engagée sans examen de son mérite.

Rendues applicables aux instances introduites à compter du 1er octobre 2011, ces dispositions consacrent donc une nouvelle résurrection – accompagnée, qui plus est, d’une réévaluation – du droit de timbre. Rétabli spécialement devant les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat par la loi de finances pour 1994[10] , celui-ci – alors fixé à 100 francs (puis 15 euros) – avait pourtant été supprimé, à compter du 1er janvier 2004, à la faveur d’une ordonnance en date du 22 décembre 2003[11] . La plupart des auteurs spécialistes du contentieux administratif s’étaient alors réjouis d’une telle disparition : il s’agissait d’une « satisfaction » selon le professeur Bernard Pacteau[12] et d’une « bonne nouvelle » selon le professeur René Chapus[13] . Il est vrai qu’aujourd’hui, le contexte dans lequel s’inscrit cette résurrection a substantiellement changé, et le rétablissement de cette condition de recevabilité des recours n’est plus présenté comme un remède à l’encombrement des juridictions (mais comme la contrepartie budgétaire aux coûts engendrés par une réforme de procédure pénale). Cependant, sur le plan pratique, les conséquences demeurent les mêmes : renchérissant le coût de la justice, notamment administrative[14] , cette contribution rendra nécessairement plus difficile – ne serait-ce que symboliquement – l’exercice du droit au juge par les justiciables[15] . Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la loi a exclu l’instauration de cet obstacle pécuniaire pour certains contentieux impliquant des requérants particulièrement modestes et vulnérables – on pense notamment, pour l’ordre administratif, au contentieux des étrangers[16] . À propos des procédures initiées par ces requérants, l’exposé des motifs évoque ainsi le risque d’ « une entrave disproportionnée au droit d’accès à la justice ».

C’est qu’en réalité, le financement de l’aide juridique pouvait certainement être assuré par d’autres voies, plus respectueuses du droit au recours, que l’instauration de cette nouvelle contribution. Ainsi, il pourra être reproché au législateur d’avoir cédé à la facilité et même, d’avoir voulu faire d’une pierre deux coups, en assurant la prise en charge financière des dépenses engendrées par la réforme de la garde à vue tout en participant à la régulation du flux contentieux. En effet, si le législateur avait réellement souhaité faire de cette contribution une mesure de caractère purement et exclusivement fiscal, pourquoi l’exposé des motifs de l’article envisagerait-il alors une sanction de nature procédurale – à savoir, l’irrecevabilité de la requête – comme sanction du non-paiement de la contribution ?

Selon les informations publiées sur le site Internet du Conseil constitutionnel, 60 députés ont, le 13 juillet dernier, saisi celui-ci, sur le fondement de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, d’un recours contre la LFR pour 2011 : les conditions pour qu’un débat constitutionnel a priori ait lieu sur ce point semblent ainsi réunies. Il reste, cependant, à espérer que les saisissants formulent expressément des griefs à l’encontre des dispositions relatives à cette nouvelle contribution ou, à défaut, que le Conseil constitutionnel se saisisse d’office des motifs particuliers d’inconstitutionnalité dont elles pourraient, au vu des travaux parlementaires, être entachées. Naturellement, dans le cas où la discussion viendrait à être éludée, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dirigée contre ce dispositif législatif pourrait encore être envisagée a posteriori. La contestation devant le Conseil d’Etat – cette fois-ci par voie d’action – des dispositions réglementaires imposées pour l’application de l’article 1635 bis Q du CGI, constituerait une bonne occasion d’engager ce débat constitutionnel[17] .

Dans l’hypothèse où la question viendrait à être effectivement soulevée devant le Conseil constitutionnel, la mobilisation des droits et libertés que la Constitution garantit[18] permettra peut-être, et à condition que le juge ne se retranche pas derrière le seul motif affiché de la loi[19] ni derrière l’opportune bonne administration de la justice[20] , de faire censurer ce qui pourrait bel et bien apparaître comme une « fausse bonne idée »[21] .

En toute hypothèse, en effet, si le rétablissement du droit de timbre venait à ne pas être regardé comme constituant une atteinte – suffisamment substantielle – au droit d’accès à la justice, force est toutefois d’admettre qu’il engendrera, sans nul doute, une complication du contentieux, dont la bonne administration de la justice, précisément, se serait bien passée[22] En l’absence d’une remise en cause de cette nouvelle disposition ou, à tout le moins, d’un débat sur sa légitimité et sa conformité aux textes supralégislatifs, le risque serait que le progrès constitué par la réforme de la garde à vue soit vécu, finalement, comme un retour en arrière – fût-il relatif – devant les juridictions non répressives.

Notes

[1] V. loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

[2] V. exposé des motifs accompagnant l’article 20 du projet de loi devant l’Assemblée nationale.

[3] Toutes les procédures juridictionnelles, à l’exclusion des affaires pénales, sont ainsi concernées par cette nouvelle contribution. Les juridictions de l’ordre administratif ne sont donc pas, cette fois-ci (à la différence de la réforme introduite par la loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 de finances pour 1994), les seules visées.

[4] À noter que, dans l’hypothèse où une même instance donnerait lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution ne serait due qu’au titre de la première des procédures intentées.

[5] Dans le cas où l’instance viendrait à être engagée par un auxiliaire de justice, celui-ci acquitterait alors directement, pour le compte de son client, le montant de la contribution (et il le ferait alors par voie électronique exclusivement).

[6] Le texte apporte, à cet égard, un certain nombre de modifications, d’une part, à la loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, d’autre part, à la loi n° 91 647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

[7] S’agissant du contentieux judiciaire, on notera que la contribution n’est pas exigible pour : les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ; les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaire ; la procédure mentionnée à l’article 515-9 du code civil (hypothèse de violences conjugales) ; ou encore celle mentionnée à l’article L. 34 du code électoral (cas d’omission ou de radiation des listes électorales).

[8] L’article 1635 bis Q du CGI dispose d’ailleurs, in fine, qu’ « un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment ses conditions d’application aux instances introduites par les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ».

[9] C’est, du reste, ce qu’avait décidé le Conseil d’Etat réuni en Section, dans son avis contentieux du 18 février 1994, Mme Chatbi, Rec., p. 80, à propos du droit de timbre restauré en 1994 (malgré les conclusions en sens contraire du commissaire du gouvernement Ronny ABRAHAM et l’existence d’un précédent inverse consacré par une décision CE, 5 janvier 1962, Rietsch, Rec., p. 11).

[10] V. loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 de finances pour 1994 (dérogeant ainsi au principe de la gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives posé par la loi n°77-1468 du 30 décembre 1977).

[11] V. ordonnance n° 2003-1235 du 22 décembre 2003 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et supprimant le droit de timbre devant les juridictions administratives.

[12] Bernard PACTEAU, « Le contentieux administratif, affranchi du timbre », RFDA 2004, p. 89.

[13] René CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 13 éd., 2008, p. 526-531. Ce dernier se montrait particulièrement critique à propos du retour, en 1994, d’un tel mécanisme, évoquant à son endroit une « régression » et refusant l’idée d’une « juridiction à péage ».

[14] Et cela, hormis les exceptions susmentionnées, quels que soient l’objet du litige, son enjeu financier ou encore la nature du requérant (particulier, institutionnel…).

[15] Gaston Jèze ne voyait-il pas dans le recours pour excès de pouvoir « l’arme la plus efficace, la plus économique et la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés individuelles » ? (in « Les libertés individuelles », Annuaire de l’institut international de droit public, 1929, p. 180).

[16] On notera, cependant, que d’autres contentieux, tels que ceux relatifs au droit au logement opposable ou aux aides sociales – pourtant censés faire intervenir des requérants également démunis – n’ont pas été exclus par le législateur du champ de la contribution.

[17] À défaut, ou même en parallèle de cette QPC, le contrôle de conventionnalité de la loi – au regard, notamment, des articles 6 § 1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, d’une part, et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, d’autre part – pourra être, naturellement, actionné lui aussi. À cette occasion, les requérants ne pourront pas manquer d’exploiter les arguments développés par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Guillard c. France, 15 janvier 2009, req. n° 24488/04, et, notamment, ceux que l’on retrouve aux paragraphes 33 à 50 de l’arrêt (idées de vulnérabilité de certains justiciable, d’automaticité de la sanction de procédure, de moyens inappropriés aux objectifs poursuivis, d’absence de nécessité ou encore de charge disproportionnée).

[18] Sont concernés, en particulier, les droits à un recours juridictionnel effectif et à un procès équitable ou le principe d’égalité des usagers devant le service public de la justice et des citoyens devant les charges publiques.

[19] La difficulté étant ici que la création de cette nouvelle contribution est présentée comme permettant, précisément, une protection accrue des droits fondamentaux dans le cadre de la procédure pénale : il sera ainsi aisé pour le juge d’opposer ce motif à l’éventuelle argumentation tirée de l’atteinte à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’une des stratégies susceptibles d’être adoptées par les requérants pourra donc consister à dénoncer l’absence de conciliation juste et proportionnée opérée par le législateur entre les différents droits fondamentaux en cause : les circonstances, qu’en dehors des quelques rares exceptions prévues par la loi, la contribution soit quasi systématique et générale, qu’elle soit exigée abstraction faite de l’objet du litige, de son enjeu financier, des ressources et de la nature du requérant, que son paiement soit exclu pour certaines catégories de procédure alors qu’il est maintenu pour d’autres types de contentieux présentant les mêmes caractéristiques, que la sanction de l’irrecevabilité de la requête ne soit pas justifiée au regard de l’objectif de la loi, etc., pourront peut-être être invoquées pour tenter de caractériser l’existence d’une atteinte disproportionnée au droit à un accès égal au juge.

[20] Érigée au rang d’objectif de valeur constitutionnelle depuis la décision CC, n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, Rec. CC, p. 206.

[21] M.-C. ROUAULT, « La suppression du droit de timbre, une simplification bienvenue », AJDA, 2004, p. 169.

[22] On pourra, sur ce point, se reporter utilement aux commentaires – prémonitoires ? – du Professeur René Chapus qui déclarait dans les paragraphes de son ouvrage Droit du contentieux administratif, consacrés à la question du droit de timbre (op. cit., n° 624 et s.) : « la suppression du droit de timbre ne doit pas être doublée de son oubli : ne doit pas être méconnu l’intérêt intemporel des développements jurisprudentiels qui ont finalement déterminé dans presque tous ses aspects le régime applicable et dont l’inattendue complexité a valeur d’une leçon ».

Commentaires

Florian POULET dit :

Le Conseil constitutionnel vient de rendre sa décision (décision n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, Loi de finances rectificative 2011). L’entier dossier est consultable sur son site Internet.

La lecture de la saisine révèle que les députés n’ont formulé aucun grief à l’encontre de la nouvelle contribution pour l’aide juridique. De son côté, le Conseil s’est abstenu d’appréhender d’office la question de sa conformité à la Constitution. La discussion a priori n’aura donc pas eu lieu.

En application de l’article 23-2, 2°, de l’ordonnance du 7 novembre 1958 – tel que précisé, depuis, par la jurisprudence –, l’hypothèse d’une QPC à son encontre reste heureusement préservée. Du point de vue de la nécessité du débat constitutionnel, la contestation éventuelle des textes règlementaires annoncés pourrait permettre la tenue rapide d’une session de rattrapage.

Florian POULET dit :

JORF n°0226 du 29 septembre 2011 page 16383
texte n° 11

DECRET
Décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 relatif au droit affecté au fonds d’indemnisation de la profession d’avoué près les cours d’appel et à la contribution pour l’aide juridique

NOR: JUSC1122052D

Voir également la circulaire du Conseil d’État :

http://www.scribd.com/doc/668188...

Paul dit :

Excellent article, comme d’habitude.

"il pourra être reproché au législateur d’avoir cédé à la facilité et même, d’avoir voulu faire d’une pierre deux coups en assurant la prise en charge financière des dépenses engendrées par la réforme de la garde à vue tout en participant à la régulation du flux contentieux"

Petite question: pensez-vous que cette mesure visant en second plan à "réguler le flux contentieux" pourrait avoir un impact sur le concours de recrutement des conseillers TA et CAA pour la session qui aura lieu l’année prochaine, dans un contexte général de restriction budgétaire?

Florian POULET dit :

Je ne le crois pas.

Alors même que cette nouvelle contribution pourrait avoir, à court terme, un effet dissuasif sur les contentieux à venir et pourrait permettre un rejet prématuré des requêtes entachées d’un défaut d’acquittement (dès lors qu’elles ne seraient pas régularisées), les tâches des magistrats administratifs resteraient tout aussi nombreuses.

Sans parler du temps de travail généré par la mesure elle-même, ces derniers continueront à remplir des missions de plus en plus importantes (en plus de celles qu’ils exercent déjà au quotidien) : on peut songer à la poursuite du déploiement de la QPC, à la mise en œuvre de certaines attributions relevant jadis du CE en premier et dernier ressort, aux compétences en matière de contentieux social ou de DALO, ainsi (et surtout) qu’aux nouvelles charges imposées par la récente réforme de l’immigration…

La circonstance qu’elle soit exclue en matière de droit des étrangers et pour les personnes bénéficiaires de l’AJ, conjuguée à la possibilité (désormais expressément consacrée par les textes) de l’intégrer dans le remboursement des dépens lorsque son acquittement est exigé (ce qui, au passage, est susceptible d’aboutir à un véritable renouvellement de l’intérêt de ces derniers devant la juridiction administrative), devrait, normalement, limiter ses effets en termes de régulation du contentieux.

Les expériences du passé (on pense notamment au rétablissement du droit de timbre en 1994), ont d’ailleurs démontré le caractère relativement inefficace, à moyen et long termes, d’un tel dessein (en tout cas, en ce qui concerne l’ordre juridictionnel administratif).

En tout état de cause, rassurez-vous (l’étiez-vous seulement ?), la programmation triennale du budget de l’Etat est censée avoir prévu la création en 2011, 2012 et 2013 de 40 emplois de magistrat (cf. intervention de Jean-Marc Sauvé, le lundi 6 décembre 2010, lors de sa visite au tribunal administratif de Poitiers). Si effectivement le poids de la dette publique pourrait conduire à remettre en cause de tels engagements, la menace concernerait alors l’ensemble des postes budgétaires de l’Etat (et non spécifiquement la magistrature administrative) : les éventuelles restrictions ne pourraient donc pas, en toute hypothèse, être imputées à la nouvelle contribution pour l’aide juridique…

Paul dit :

Merci beaucoup pour votre réponse, et d’un point de vue général pour votre blog qui est une source d’information précieuse.

Je suis à présent tout à fait rassuré.

Florian POULET dit :

Les auteurs-fondateurs du blog (MM. François GILBERT, Alexis FRANK et Alexandre CIAUDO) seront très certainement touchés par ces remerciements.

Pour être tout à fait complet, la lecture d’un certain nombre de communiqués de presse d’organisations professionnelles et de syndicats, semble indiquer qu’un ou plusieurs recours ont été (ou vont l’être très prochainement) déposés devant le CE à l’encontre du décret d’application du 28 septembre 2011 (cf. les déclarations du SAF ou celles du CNB).

Gageons que les différentes controverses entourant la nouvelle contribution seront alors entièrement abordées (et, qui sait, peut-être même purgées…).

Florian POULET dit :

Profitant d’un litige prud’homal, la Fédération nationale des unions des jeunes avocats (FNUJA) a déposé, ce lundi 7 novembre, devant le TGI de Dijon, une QPC dirigée contre l’article 1635 bis Q du CGI.

Les arguments avancés à l’appui de ce moyen d’inconstitutionnalité sont les suivants : méconnaissance du droit à un accès effectif à la justice (le nouveau dispositif dissuade les justiciables de saisir le juge d’un litige dont le montant n’est pas important ; de surcroît, il ne prend pas en compte la situation concrète de ces derniers – d’un point de vue professionnel et financier ou du point de vue de l’enjeu du litige), rupture d’égalité devant les charges publiques (seuls les demandeurs à l’instance sont mis à contribution ; par ailleurs, la nouvelle disposition est incompatible avec la finalité de la loi), et violation du principe d’égalité des usagers devant le service public de la justice (la loi crée une différence de traitement injustifiée entre des catégories de justiciables placés dans une situation de vulnérabilité identique, avec pour conséquence une protection inégalitaire des droits fondamentaux en matière sociale).

Affaire à suivre.

Florian POULET dit :

Á l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Justice » (déterminés par le projet de loi de finances pour 2012), la commission des finances du Sénat – nouvellement composé – a adopté hier, mercredi 16 novembre, un amendement tendant à la suppression de la contribution pour l’aide juridique.

Un communiqué de presse publié sur le site Internet de la Chambre haute précise l’identité des auteurs de cette proposition (membres du groupe socialiste) et détaille les arguments avancés à son soutien (alourdissement très significatif et préoccupant, dans la période récente, du coût de l’accès à la justice ; caractère fondamental du droit au juge ; remise en cause du principe d’égalité devant la loi ; dissuasion des publics les plus démunis et les plus fragiles de faire valoir leurs droits).

Sans surprise, les députés n’auront pas retenu l’amendement adopté par leurs collègues sénateurs : la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, validée (pour l’essentiel) le même jour par le CC, et publiée le lendemain au JORF, ne supprime pas le droit de timbre de 35 euros introduit cet été.

Par un arrêt du 26 janvier dernier, la Cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC soulevée devant le TGI de Dijon (à l’encontre de l’article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011) :

« Attendu que la disposition contestée, en ce qu’elle institue une contribution pour l’aide juridique de 35 euros, est applicable à la procédure sur requête;

Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel;

Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux en ce que la contribution pour l’aide juridique, instituée par l’article 54 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, est susceptible par son montant de porter une atteinte substantielle au droit à un recours effectif devant une juridiction ;

D’où il suit qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ».

Les griefs invoqués à l’appui de la question mobilisent les « principes constitutionnels du droit à un accès effectif à la justice, du principe d’égalité et, plus particulièrement, d’égalité des justiciables devant les charges publiques et du droit de propriété ».

Pour l’heure, la date de l’audience publique devant le CC n’a pas encore été fixée. Á suivre.

Saisi également du moyen tiré de l’inconstitutionnalité de cette contribution (mais cette fois-ci dans le cadre des recours formés à l’encontre du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 et de la circulaire CIV/04/11 du 30 septembre 2011), le Conseil d’État a lui aussi décidé, le 3 février 2012, de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel (en réalité, on devrait dire « les QPC » dans la mesure où, à la question dirigée contre l’article 1635 bis Q du CGI, s’ajoute celle soulevée à l’encontre de l’article 1635 bis P du même code, relatif au droit de 150 euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel).

La date de l’audience publique a été fixée par le Conseil constitutionnel : ce sera le mardi 3 avril 2012.

L’audience publique relative à la QPC contre la contribution pour l’aide juridique s’est tenue ce mardi ; elle aura notamment été l’occasion de découvrir la nouvelle salle d’audience du Conseil constitutionnel… La décision sera rendue publique le 13 avril prochain.

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