Le blog Droit administratif

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17 08 2007

L’été du Conseil constitutionnel

Pas de vacances pour le Conseil constitutionnel. Le Conseil de la rue de Montpensier vient de prononcer la conformité à la Constitution des chantiers législatifs de l’été, les réformes sociales souhaitées par le Président Sarkosy.

Dans sa décision CC, 9 août 2007-554 DC, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, le Conseil a prononcé la conformité à la Constitution de la loi sur les peines planchers et le régime pénal des mineurs récidivistes.

Dans sa décision CC, 16 août 2007, n° 2007-555 DC, Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, le Conseil a rappelé son considérant classique selon lequel « le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (CC, 15 janvier 1975, IVG), il a estimé qu’il n’était pas de son ressort de déterminer si la lutte contre le chômage pouvait être recherchée par d’autres moyens que l’exonération fiscale des heures supplémentaires. A en revanche été censurée la disposition permettant la déduction des impôts des intérêts d’emprunts pour les contribuables ayant acquis leur habitation depuis moins de cinq ans. Apparaît particulièrement intéressant le considérant consacré au « bouclier fiscal » :

« Considérant que l’exigence résultant de l’article 13 de la Déclaration de 1789 ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; que dès lors, dans son principe, le plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs, loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques »

Dans sa décision CC, 16 août 2007, n° 2007-556 DC, Loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, le Conseil constitutionnel était amené à juger de la conformité à la Constitution de la loi sur le « service minimum », il a opéré sans grande surprise une conciliation entre deux principes constitutionnels contradictoires : le droit de grève et la continuité du service public.

Considérant qu’aux termes du septième alinéa du Préambule de 1946 : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » ; qu’en édictant cette disposition, les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle mais qu’il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ; que, notamment en ce qui concerne les services publics, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir du législateur d’apporter à ce droit les limitations nécessaires en vue d’assurer la continuité du service public qui, tout comme le droit de grève, a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle »

Commentaires

Pourquoi, cher Alexandre, passer si vite sur la perle de la décision du 9 août (2007-554 DC)?

C’est pourtant beau : les sages cisèlent que "le principe d’individualisation des peines (…) n’implique pas (..) que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction".

Je me demande encore comment il est possible d’"individualiser" la peine en prenant en compte autre chose que la personnalité du délinquant… Je dois être intellectuellement limité… 😀

… Une idée? :p

Pascal SIX dit :

Il y a une certaine incohérence, non soulevée par le Conseil : l’article 1 CGI vise la limitation des impôts directs à 60 puis désormais 50 % des revenus, mais ultérieurement le calcul se fait à partir du revenu imposable, c’est-à dire compte tenu de déficits imputables qui ne sont pas des revenus négatifs mais des pertes en capital et de déductions autorisées qui sont des emplois du revenu perçu.
Par ailleurs, le texte prévoit d’inclure dans le calcul et le remboursement le montant de l’ISF acquitté. Or l’ISF (art 885) figure dans le Code Général des Impôts sous le titre des droits d’enregistrement (art 634 à 1137) et non des impôts directs(art 1 à 248 G).
En conclusion le texte en fait plus que ce qu’il déclare vouloir faire, ce qui ne gène pas le CC

Sergent Howie dit :

@Mehdi YAZI-ROMAN: On peut aussi imaginer que la peine soit individualisée en fonction de l’appréciation des faits (au delà de la qualification juridique). Par exemple, voler 8773 € est plus grave que voler 8772 € bien que la qualification juridique et la peine encourue soit identique.

Maintenant, était ce cela que le Conseil Constitutionnel avait en tête…

Une note de Madame le Professeur Florence Chaltiel sous la décision 555 DC :
CHALTIEL (F.), « Avantages fiscaux, proportionnalité et pouvoirs du juge constitutionnel », note sous CC, 16 août 2007, LPA, 30 août 2007, p. 3

MYR dit :

@u Sergent Howie : J’en prend note sans trop y croire.

En effet, je ne vois pas comment cette "individualisation factuelle" est en rapport avec un individu, si ce n’est peut être la personne de la victime (prise en compte du dommage).

En tous les cas, les premières applications sont univoques : vol en état de récidive (portables, mp3, etc.) égal à 3 ou 4 ans de prison ferme… au lieu de 3 ou 6 mois !

SB dit :

il est à signaler que certains magistrats du Tribunal correctionnel de PARIS et certains avocats s’emploient, lors des audiences, à requalifier certaines infractions afin de ne pas appliquer la nouvelle loi sur la récidive…

Poisson Soluble dit :

Pascal Six dans sa réponse du 23 août confond regrettablement déficit et moins-value. Un déficit est bien un revenu négatif, une "perte d’exploitation", et non une perte en capital; c’est la raison pour laquelle le traitement fiscal des déficits diffère de celui des moins-values.

Pascal SIX dit :

Désolé,je ne suis pas vraiment d’accord.
Economiquement, il n’existe que des revenus positifs, des sommes d’argent perçues régulièrement en rémunération du travail et/ou du capital investi .
Le déficit fiscal ne se rencontre que dans les professions indépendantes (commerçants, artisans, agriculteurs, libéraux) qui doivent au départ investir de l’argent en capital pour créer leur entreprise.
Le déficit est d’allieurs en comptabilité déduit du capital, le Code de Commerce impose aux sociétés la réduction du capital par imputation des pertes cumulées si celles-ci dépassent les 3/4 du capital
Le déficit est donc bien une perte en capital générée par l’activité professionelle courante, la moins value une perte en capital sur la cession d’une immobilisation

J’ai le plaisir de vous annoncer la naissance d’un nouveau blog de droit constitutionnel : La Constitution en Afrique

La Constitution en Afrique est un espace d’expression, de réflexion et d’échanges dédié au(x) droit(s) constitutionnel(s) en mutation dans cette partie du monde.
Ce blog propose un regard différent sur l’actualité constitutionnelle foisonnante des pays africains. Il ne s’agit pas de singer les gazettes ou les libelles, de s’abîmer dans une lecture partisane des constitutions, des révisions, des pratiques et des jurisprudences. Sans angélisme ni scepticisme, il urge d’analyser, en constitutionnaliste, une actualité constitutionnelle largement méconnue et passablement déformée.
La Constitution en Afrique se conçoit comme l’un des vecteurs du renouvellement doctrinal qu’imposent les changements à l’œuvre depuis la décennie 1990. La chose constitutionnelle a acquis dans la région une importance inédite. Il faut changer de paradigme pour la rendre intelligible ! C’est d’abord au constitutionnaliste de jauger le constitutionnalisme africain contemporain, ses échecs – toujours attestés -, ses succès – trop souvent négligés. Sans verser ni dans la science politique, ni dans un positivisme aveugle, le constitutionnaliste peut et doit décrypter la vie constitutionnelle, en faisant le meilleur usage des outils de la science actuelle du droit.
La Constitution en Afrique est enfin un forum, un lieu ouvert à la participation des chercheurs débutants ou confirmés qui souhaitent confronter leurs points de vue. N’hésitez pas à enrichir ce blog de commentaires, de réactions aux notes d’actualité ou de lecture, de billets ou de documents. Vos contributions sont attendues.
Au plaisir d’échanger avec vous… sur la-constitution-en-afriqu…

Stéphane BOLLE
Maître de conférences HDR en droit public

Une référence incontournable sur le sujet, l’article du Professeur Melleray dans l’AJDA de la semaine dernière :

MELLERAY (F.), « La loi du 21 août 2007 sur la dialogue social ou l’introuvable service minimum », AJDA, 2007, p. 1752

Michel Grollemund dit :

Bonjour,

« C’est pourtant beau : les sages cisèlent que "le principe d’individualisation des peines (…) n’implique pas (..) que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction".

Je me demande encore comment il est possible d’"individualiser" la peine en prenant en compte autre chose que la personnalité du délinquant… Je dois être intellectuellement limité… 😀

… Une idée? :p »

Je ne vois pas de difficulté particulière. La peine est déterminée et elle est aussi individualisée. Ce sont deux notions différentes et situées sur un plan différent. La première inclue la seconde.

Le Conseil précise simplement que l’individualisation n’est pas le seul et unique critère de détermination.

En effet, les critères objectifs, extérieurs à la personnalité du délinquant, sont aussi intégrés dans le processus de prise de décision. Il me semble qu’il ne faut simplement pas confondre détermination et individualisation, qui elle, repose effectivement sur des critères subjectifs, par définition.

Il me semble que le nom de notre chef d’Etat s’écrit Nicolas Sarkozy et non Sarkosy…

News dit :

"les reformes sociales souhaitees par le president sarkosy" … point ded étail très important 😉 merci pour ce billzt ! continue !

News dit :

"les reformes sociales souhaitees par le president sarkosy" … point ded étail très important 😉 merci pour ce billzt ! continue !

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