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04 02 2007

Mise au point sur la régularisation des recours devant le juge administratif après le décret du 23 décembre 2006

J’avais, dans un précédent billet, essayé de détailler les différences existant entre la demande de régularisation et la mise en demeure de régulariser. Après le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 (JO, 29 décembre 2006, p. 19845), applicable au 1er janvier 2007, dont Monsieur Slama a déjà commenté la partie consacrée au droit des étrangers, ces différences s’avèrent bien obsolètes et nécessitent une petite mise au point.

En premier lieu, l’article 7 du décret modifie le 4° de l’article R. 222-1 CJA, permettant ainsi au président de la formation de jugement de rejeter par ordonnance les requêtes manifestement irrecevables, dès lors que la juridiction n’est pas tenue d’inviter leur auteur à les régulariser ou qu’elles n’ont pas été régularisées à l’expiration du délai imparti par une demande de régularisation. L’article 6 du décret opère la même modification de l’article R. 112-12 CJA applicable au Conseil d’Etat. En second lieu, l’article 11 du décret abroge l’article R. 612-2 CJA sur les mises en demeures de régulariser.

Seront ainsi traitées de la même manière les requêtes insusceptibles de régularisation (expiration du délai, défaut d’exercice d’un recours administratif préalable obligatoire, défaut de notification de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, recours contre un acte qui en est insusceptible) et les requêtes non régularisées à l’issue du délai, de 15 jours minimum, imparti par le juge pour régulariser la requête. Désormais, toutes les demandes infructueuses de régularisation sont donc soumises au régime de l’article R. 222-1. L’on ne saurait que trop conseiller aux requérants de donner suite aux demandes de régularisation sollicitées par le greffe (seule la mise en demeure de régulariser était signée par le président de la formation de jugement), à peine de voir leurs recours rejetés par ordonnance après l’expiration du délai imparti par le juge.

Le libéralisme dont le juge administratif faisait preuve dans la possibilité de régulariser une requête jusqu’à la clôture de l’instruction a pris fin. Le seul aspect de la réforme qui nécessitera certainement quelques éclaircissements est celui des conclusions « manifestement » irrecevables, encore que cette notion apparue avec le décret du 22 février 1972, permette déjà au juge de rejeter une requête en dépit de son incompétence.

Mérite également qu’on s’y attarde, l’ajout d’un 7° à l’article R. 222-1 CJA qui permet au président de la formation de jugement de rejeter par ordonnance les requêtes dépourvues de toutes chances de succès. Ce rejet pourra avoir lieu après l’expiration du délai de recours ou après la production d’un mémoire complémentaire annoncé lorsque la requête ne comprendra que des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

La pratique courante de certains avocats consistant à recourir à certains moyens « types », afin de lutter contre la jurisprudence Intercopie, se voit alors mise à mal. Par exemple, on peut penser, pour la légalité externe, au moyen tiré de l’absence de délégation du signataire de l’acte, systématiquement soulevé ; ou encore le moyen dépourvu de précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les catégories de moyens se combinant, des conclusions assorties uniquement de moyens inopérants et irrecevables seront rejetées par ordonnance.

Ces deux réformes auront à l’évidence un impact décisif sur la productivité des juridictions administratives et par conséquent, une diminution conséquente des délais de recours.

Commentaires

Daniel Chabanol, Président de la Cour administrative d’appel de Lyon, publie dans l’AJDA de cette semaine un bref commentaire du décret du 23 décembre 2006 ("Le décret du 23 décembre 2006 : vers une refonte de l’accès au juge?", AJDA, 2007, p. 304). Il adopte dans cet article une position largement favorable au décret, qui bien que pouvant paraître au premier abord comme une simple limitation de l’accès au juge administratif, repose sur l’idée "que tous les différents n’appellent pas l’intervention juridictionnelle".
Justifiant la spécificité des règles de procédure devant le juge administratif, le ton se veut assez dur : "Cette procédure est incontournable si l’on est en présence d’un vrai litige et il n’est point besoin de gloser sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour y adhérer sans restriction. Mais force est de reconnaître qu’elle est pur gaspillage si elle doît être mise en branle sur la seule humeur d’un citoyen atrabilaire"

Monsieur Barlerin, président de l’union syndicale des magistrats administratifs, a adopté, dans la tribune de l’AJDA de cette semaine (A. BARLERIN, « Ordonnances : gare à l’abus de prescription ! », AJDA, 2007, p. 329), une position bien plus critique sur le décret du 23 décembre 2006 : « ce texte consacre le retournement du principe d’interprétation des requêtes qui s’applique aujourd’hui au bénéfice de chaque justiciable ! En effet ce mécanisme, informel, peut encore être analysé comme imposant au juge de donner une portée ou un sens utile aux arguments présentés par les requérants, en particulier les plus démunis face à la technique juridictionnelle ». Le durcissement de la procédure administrative contentieuse n’est pas du goût de tous les magistrats!

chapus dit :

la position d’a.Barlerin me paraît d’ailleurs plus représentative de celle des juges des ta caa que celle de D Chabanol, soit dit en passant, avec tout le respect qu’on lui doit…

Heinis dit :

La position du président Chabanol est la seule compatible, l’expérience en TA ne cesse de le démontrer avec son flot quotidien de nouvelles requêtes, avec une gestion rationnelle des flux contentieux, sans allongement du délai de jugement moyen et avec concentration de l’énergie sur les dossiers complexes.
Un soutier de première instance

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