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07 01 2007

La compétence du juge national et la récupération des aides d’Etat non notifiées mais compatibles avec le Traité

Par Raphaël CHETRIT
Doctorant en droit public à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne
Assistant de justice auprès des conseillers de la Cour de cassation siégeant au Tribunal des conflits

Le juge national est compétent pour faire restituer à son donateur les aides d’Etat illégalement versées à une entité, privée ou publique. Il doit d’une part répondre à l’injonction de récupération faîte par la Commission, il doit d’autre part contrôler le respect de la procédure de notification qui incombe à l’Etat. Il faut déduire de ce double fondement la qualité de l’intervention du juge. Son contrôle porte sur la notification obligatoire de l’aide d’Etat. Il est dénommé « contrôle de légalité » et se distingue du contrôle sur le fond – « contrôle de compatibilité » – appartenant exclusivement aux organes communautaires.

L’obligation de notification a été fortement tempérée par une série d’exemptions faisant qu’en deçà d’un certain seuil, des aides régionales, des aides « recherche et dévelopemment » et autres, peuvent être versées sans formalité préalable. Ces cas limitent grandement l’intérêt de la question parce qu’en pratique, les personnes publiques verseront des aides entrant dans le champ juridique des exemptions pour échapper à des procédures encore ressenties comme trop contraignantes[1]. L’arrêt CELF[2] nous rappelle que certaines questions restent d’actualité[3]. Il a été l’occasion pour le Conseil d’Etat de poser à la Cour de justice, le 2 mai 2006, une question préjudicielle concernant le sort d’une aide d’Etat non notifiée mais compatible avec le Traité. La question a été publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne le 1er juillet 2006. Le Conseil d’Etat a lui-même considéré que « lorsqu’une aide est illégalement versée, au motif que la Commission européenne n’a pas été en mesure, faute de notification, de se prononcer, préalablement à son versement, sur sa compatibilité avec le marché commun en application de l’article 88§3 du traité, cette illégalité implique, en principe, la restitution des sommes versées depuis l’origine en l’absence de circonstances exceptionnelles susceptibles d’y faire obstacles ». Il demande confirmation de sa solution en ces termes : « l’article 88 du traité instituant la Communauté européenne permet-il à un Etat dont une aide à une entreprise est illégale, illégalité constatée par les juridictions de cet Etat en raison de ce que cette aide n’a pas fait l’objet d’une notification préalable à la Commission européenne dans les conditions prévues à ce même article 88 paragraphe 3, de ne pas récupérer cette aide auprès de l’opérateur économique qui en a été le bénéficiaire en raison de ce que la Commission, saisie par un tiers, a déclaré l’aide compatible avec les règles du marché commun et a, ainsi, assuré de manière effective le contrôle exclusif qu’elle exerce sur cette compatibilité » ? L’on attend toujours la réponse de la Cour de justice.

La répartition des compétences entre le juge national et la Commission détermine, dans cette analyse, l’effectivité de l’obligation de récupération (I). Dans une autre affaire, la CJCE retient une solution qui semble permettre au juge administratif d’ordonner la restitution de l’aide en considérant « les possibilités du droit national » (II).

I – Obligation de notification et répartition des compétences

En matière de récupération des aides d’Etat, les compétences de la Commission et du juge national doivent se compléter en évitant toute situation de concurrence (A) afin de garantir l’effectivité de l’obligation de notification (B).

A – Concurrence ou complémentarité des compétences

Alors que l’appréciation de la compatibilité des aides d’Etat avec le marché commun relève de la compétence exclusive de la Commission, les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification[4].

Il y a en effet une répartition simple des compétences : la Commission déclare l’aide incompatible, le juge national se prononce sur son illégalité[5]. Cette appréciation conforte l’idée de complétude entre la Commission et le juge national. Elle confère une logique particulière à la répartition des compétences que n’a pas manqué de relever le Conseil de la concurrence[6] dans un avis de 1989. Il rappelle le rôle complémentaire et distinct de la Commission et des juridictions nationales dans le contrôle des aides d’Etat existantes et nouvelles. L’arrêt Saumon[7] de la Cour de Justice exprime la même idée.

La complémentarité des acteurs est l’objet d’une question préjudicielle dans l’arrêt CELF de 2006. Le Conseil d’Etat relève une contradiction entre la décision d’illégalité du juge national concluant à la restitution de l’aide d’Etat et le contrôle positif de la Commission. L’aide est formellement illégale mais matériellement compatible. Doit-elle être restituée par l’entreprise bénéficiaire ? Les compétences du juge national et de la Commission se concurrencent-elles ?

Les compétences réciproques se complètent peut-être, mais elles débordent de leur cadre initial. D’abord, la constatation de l’illégalité de l’aide peut aussi bien émaner du juge national que de la Commission, faisant qu’au-delà de la concurrence, le juge national ne disposerait en aucun cas d’une compétence exclusive dans le contrôle de la notification. L’exclusivité provient directement de la compétence dans la restitution qu’il est le seul, au regard des règles nationales, à pouvoir mettre en œuvre. Selon la formule du Professeur Loïc GRARD, « deux compétences exclusives se juxtaposent »[8]. Elles se juxtaposent parce que la Commission ne dispose d’aucun pouvoir à l’encontre de l’entreprise récipiendaire[9]. Ainsi, la compétence exclusive de la Commission pour prononcer une décision de récupération après avoir vérifié la compatibilité de l’aide d’Etat (et pourquoi pas son illégalité) peut se juxtaposer à la compétence exclusive du juge de prononcer une injonction de récupération liant l’entreprise bénéficiaire. Cependant, plus qu’une juxtaposition, il peut y avoir contradiction des effets lorsque l’on envisage le contrôle national de légalité et le contrôle communautaire de compatibilité.

B – L’effectivité de l’obligation de notification

La question de l’arrêt CELF de 2006 s’inscrit dans ce débat. Au regard de la hiérarchie des normes, la décision de la Commission devrait primer sur celle du juge national. L’aide compatible ne ferait pas l’objet d’une restitution. Cependant, permettre au juge d’écarter une aide déclarée illégale parce qu’elle serait compatible pose de sérieux problèmes. Tout se passe comme si nous étions dans une situation schizophrénique dans laquelle le mécanisme de l’absence de notification de l’aide entraînant automatiquement la restitution[10] serait mis en échec par une décision de la Commission. La schizophrénie viendrait d’une contradiction qui ne devrait pas avoir de conséquence sur la restitution, parce que les contrôles de légalité et de compatibilité ne portent pas sur le même objet. Certes, l’on pourra rétorquer que le recours d’un concurrent à l’encontre de la décision de la Commission est toujours possible devant la Cour de Justice[11] et que la situation n’est pas définitive, mais le juge se trouve dans une situation délicate. Doit-il ou non ordonner la restitution de l’aide ?

Affirmer la primauté de la décision de la Commission, c’est demander au Conseil d’Etat de ne pas tirer les conséquences de l’illégalité qui s’imposent du fait de la violation de la procédure de notification. « Cette illégalité implique, en principe, la restitution des sommes versées depuis l’origine » dit-il dans sa décision. Si l’absence de notification ne constitue pas une violation des formes substantielles devant entraîner une restitution automatique, alors le contrôle de légalité perdra en lui-même tout intérêt, et la notification ne sera plus contraignante. Le donateur pourra prendre le risque de ne pas notifier. Il sera, au pire, sanctionné par la déclaration négative de compatibilité. Sa responsabilité pourra être engagée après une longue procédure. Il demeure que les conséquences au regard de la crédibilité du juge français seraient catastrophiques.

L’absence de restitution serait la conséquence du contrôle de compatibilité incombant à la Commission. Il y aurait une certaine logique à ce que la Commission intervienne à cette fin et prenne elle-même la responsabilité de désavouer la conclusion du juge national sur un fondement différent. En plus d’une décision positive de compatibilité, il ne serait pas interdit par un parallélisme de forme, que la Commission prononce unilatéralement une décision de non récupération comme elle aurait pu prononcer une décision de récupération en cas de contrôle négatif de la compatibilité de l’aide. En cas de question de préjudicielle, comme dans l’arrêt CELF, c’est à la Cour de Justice de se prononcer. Elle soutient normalement que le non respect de l’article 88§3 TCE dernière phrase et de l’obligation de notification ne rend pas facultatif l’examen de compatibilité de l’aide[12]. L’illégalité de l’aide paraîtrait alors insuffisante pour la faire restituer. Pourtant, la méconnaissance de l’obligation de notification ne pourra être effacée par la décision finale de la Commission.

L’on soutiendra qu’il faut dissocier le domaine de l’illégalité de celui de l’incompatibilité[13]. Pourquoi la décision du juge national fondée sur l’article 88§3 TCE dernière phrase devrait-elle s’effacer face à la déclaration de compatibilité de la Commission ? Que la décision soit ou non compatible, il y aurait eu une violation des formes substantielles de l’aide la rendant illégale sur un fondement communautaire. L’illégalité étant disjointe de la compatibilité et se suffisant à elle-même pour déclarer la restitution de l’aide au niveau national, l’on ne voit pas pourquoi l’aide ne devrait pas être restituée. Cette conception stricte de la légalité (contrôle de forme) et de la compatibilité (contrôle de fond) entraînerait une décision sévère mais efficace.

De l’absence de notification découleront l’illégalité de l’aide et sa restitution, indépendamment de la déclaration de compatibilité parce que cette dernière ne peut effacer le manquement de l’Etat à ses obligations. L’aide compatible serait restituée sur le fondement de son illégalité. L’entreprise bénéficiaire pourra se retourner contre l’Etat dans cette hypothèse et engager sa responsabilité du fait de l’absence de notification ayant entraîné la restitution. L’obligation de notification serait alors de nouveau renforcée. Cette décision nuancée permettrait de tenir efficacement l’Etat à ses obligations. Point d’impossible restitution si cette solution est retenue.

II – Obligation de restitution et possibilité du droit national

La Cour de Justice répond dans une autre décision à la question posée par le conseil d’Etat : la récupération est possible selon les possibilités du droit national (A). Les acteurs publics et privés doivent rationaliser leurs pratiques, ce qui demande un certain degré de raffinement pour éviter de notifier, et une bonne dose de pragmatisme – pour éviter le terme de civisme – pour le faire (B).

A – Une récupération possible selon les possibilités du droit national

La Cour de Justice a dernièrement jugé que « selon les possibilités du droit national et les voies de recours que celui-ci prévoit, une juridiction nationale peut ainsi, selon le cas, être amenée à ordonner la récupération[14], auprès de ses bénéficiaires, d’une aide illégale, même si celle-ci a ultérieurement été déclarée compatible avec le marché commun par la Commission. De même, une juridiction nationale peut avoir à statuer sur une demande d’indemnisation du dommage causé en raison du caractère illégal de la mesure d’aide. Ce faisant, la juridiction nationale doit s’efforcer de préserver les intérêts des justiciables tout en prenant pleinement en considération l’intérêt communautaire, en veillant, notamment, à ne pas adopter une décision qui aurait pour seul effet d’étendre le cercle des bénéficiaires de l’aide illégale ». Et de conclure: « dès lors qu’une décision de la Commission déclarant une aide non notifiée compatible avec le marché commun n’a pas pour conséquence de régulariser, a posteriori, les actes d’exécution qui étaient invalides du fait qu’ils avaient été pris en méconnaissance de l’interdiction visée par l’article 88, paragraphe 3, dernière phrase, CE, il importe peu qu’une demande soit formée avant ou après l’adoption de la décision déclarant l’aide compatible avec le marché commun, dès lors que cette demande a trait à la situation illégale résultant de l’absence de notification»[15].

Les possibilités du droit national et les voies de recours en matière d’aides d’Etat et particulièrement de restitution sont, en France, tout à fait effectives. Il n’est pas besoin de revenir sur la possibilité, pour un requérant – tiers ou bien bénéficiaire d’une aide, bien que ce dernier ne soit pas encore incité au recours -, d’introduire un recours devant le juge administratif ou plus rarement devant le juge judiciaire pour faire récupérer cette aide illégale. Certes, les voies de recours ne sont pas unifiées, mais aucune décision du Tribunal des conflits – à l’exception notable de l’affaire UFEX[16] – n’a montré de difficultés dans l’aiguillage du contentieux des aides d’Etat. Ces possibilités du droit national, la décision CELF elle-même en témoigne dans le considérant suivant : « lorsqu’une aide est illégalement versée, au motif que la Commission européenne n’a pas été en mesure, faute de notification, de se prononcer, préalablement à son versement, sur sa compatibilité avec le marché commun en application de l’article 88§3 du traité, cette illégalité implique, en principe, la restitution des sommes versées depuis l’origine en l’absence de circonstances exceptionnelles susceptibles d’y faire obstacles ». L’on notera la reprise conforme au droit communautaire des circonstances exceptionnelles[17].

Le juge national peut donc ordonner la restitution d’une aide simplement illégale. Mais s’il le « peut », il ne le « doit » pas et la différence est de taille. En pratique, le juge tirera bien évidemment toute les conséquences de cette illégalité soulevée par le requérant. La simple invocation de la non notification par le requérant devrait automatiquement entraîner la déclaration d’illégalité de l’aide d’Etat ; encore faut-il avoir introduit un recours de plein contentieux pour que le juge administratif, s’il est compétemment saisi, dispose des moyens nécessaires à sa restitution.

B – Une notification appréciable selon les pratiques de droit national

La procédure de notification est aujourd’hui d’une grande simplicité. La réalisation projetée ne rentre pas – ou ne peut malheureusement pas rentrer- dans les exemptions prévues, il suffit de remplir le formulaire électronique mis en ligne sur Internet accompagné de son « guide d’âne »[18]. S’il ne s’agit de civisme, parlons de pragmatisme. Bruxelles ne se trouve qu’à quelques kilomètres et qui connaît cette merveilleuse fable de Lafontaine (« rien n’est plus lourd qu’un secret, le porter loin est difficile… ») comprendra vite que l’information, par un média quelconque, sera rapidement transmise, ce qui veut dire qu’elle sera irrémédiablement étudiée. Quant aux entités publiques toujours récalcitrantes, rappelons leur que la notification est toujours considérée comme un gage de bonne volonté permettant de négocier le versement d’une aide avec de nouvelles modalités alors que l’absence coupable de notification sera sans appel. Pour ceux que le raffinement pousse à des montages aussi complexes que savants, l’effort financier portera sûrement ses fruits. Tout du moins espérons le. Cependant, le calcul d’avocats conseillant de ne pas notifier – en pariant notamment sur une réactivité molle de la Commission et une procédure assez longue pour ne pas s’en inquiéter – n’aura bientôt plus aucun intérêt. Le régime des aides de minimis et les exemptions en tout genre vont libérer la Commission d’un certain nombre d’affaires de moindre importance. Elle pourra redoubler d’effort sur les plus gros dossiers, en investissant plus de temps et de moyens. Résumons nous : rien n’aura vraiment changé. Aux plus riches projets, de beaux montages faisant le bonheur des cabinets de conseils. Aux autres, la notification si nécessaire. Et l’on croit encore au principe d’égalité…

Notes

[1] L’on notera pourtant que la notification d’une aide d’Etat a été grandement facilitée par la mise à disposition sur internet, d’un formulaire de notification. La peur de la censure reste encore très présente, notamment du fait d’une méconnaissance des mécanismes relatifs aux aides d’Etat.

[2] CE, 29 mars 2006, CELF, n° 274923, Rec.

[3] Il faut mentionner l’existence d’un article très complet sur la décision : Anémone CARTIER-BRESSON, « Interrogations sur la récupération des aides d’Etat illégales », AJDA 2006, p, 1396. L’affaire du CELF est intéressante à plus d’un titre. L’on peut citer cette solution qui ne sera pas ici commentée : « la Cour administrative d’appel a pu écarter, à bon droit, les règles de droit national selon lesquelles les décisions pécuniaires créatrices de droit ne peuvent être retirées au delà d’un délai de quatre mois, dès lors que ces règles ne peuvent faire obstacle à la pleine effectivité du droit communautaire et remettre en cause l’obligation pour l’Etat de tirer toutes les conséquences de l’illégalité des aides qu’il a accordées au CELF ».

[4] CJCE, 11 juillet 1996, SFEI e.a, C-39/94, Rec. p. I-3547, point 41 ; et 21 octobre 20003, Van Calster e.a., C-261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249, point 74.

[5] S. LAGET, « Les pouvoirs du juge national et les « aides » non notifiées à la Commission », AJDA 2004, p. 298 : « Les décisions des juridictions nationales s’imposent à la Commission dans la mesure où le rôle de cette dernière n’est de se prononcer que sur la compatibilité des mesures tandis que les juges nationaux doivent pour leur part combattre leur illégalité ».

[6] Conc. conc., 11 juillet 1989, Avis relatif à la compatibilité du régime des coopératives d’utilisation en commun de matériel agricole avec le libre jeu de la concurrence, n° 89-A-11.

[7] CJCE, 21 novembre 1991, Saumon, aff. C-354/90, Rec. , p. I-05505 : « le rôle central et exclusif réservé à la Commission par les articles 92 et 93 du traité est fondamentalement différent de celui qui incombe aux juridictions nationales. Alors qu’il appartient à la Commission, et à elle seule d’examiner la compatibilité de l’aide projetée avec le marché commun (…), les juridictions nationales se limitent à sauvegarder, jusqu’à la décision finale de la Commission, et sans pour autant se prononcer sur la compatibilité des mesures d’aide avec le marché commun, les droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l’interdiction visée à l’article 93§3 (88§3 TCE) dernière phrase du traité ».

[8] Loïc GRARD, « Le contrôle des aides publiques: Panorama de la jurisprudence communautaire quant aux rôles respectifs de la Commission et du juge national », RAE 1998, p. 125.

[9] C’est l’une des « bizarreries » du droit des aides d’Etat qui pourrait faire l’objet d’autres développements: le droit communautaire créé des obligations de récupération pesant sur les donateurs, non des obligations de restitution obligeant les entreprises bénéficiaires. Alors que le droit communautaire ordonne la récupération de l’aide auprès de l’Etat, le juge national enjoindra quant à lui la restitution de l’aide à l’entreprise bénéficiaire. L’on propose donc de ne parler de récupération de l’aide que dans deux circonstances : celle où il est question de la compétence du juge national dans la procédure générale de récupération des aides d’Etat – aussi bien nationale que communautaire – parce que le juge national représente l’Etat et qu’il répond positivement à l’obligation de récupération émise par la Commission ; et celle dans laquelle le juge national oblige l’administration à récupérer l’aide qu’elle a illégalement versée parce qu’elle récupérera l’aide sous l’impulsion du juge national. Le Conseil d’Etat parle dans son arrêt CELF de restitution : « cette illégalité implique, en principe, la restitution des sommes versées depuis l’origine ». S’il n’avait qu’ une compétence dans la récupération de l’aide, la situation serait assez cocasse… Il pose ensuite sa question préjudicielle de manière générale en parlant de l’obligation pour l’Etat de récupérer l’aide illégale. Nous n’aurons donc pas de réponse sur cette distinction pourtant assez intéressante.

[10] C’est la solution de principe rappelée dans l’arrêt CELF.

[11] Au contraire, les risques nés de la qualification d’aide d’Etat par la Commission ne sont pas de nature à faire naître automatiquement l’intérêt à agir en annulation du bénéficiaire d’une décision de compatibilité, TPICE, 14 avril 2005, Sniace SA c/ Commission, aff. T-141/03.

[12] S. MORSON, « La récupération des aides octroyées par les Etats en violation du Traité CEE », R.T.D.E. 1990, n° 3, p. 409.

[13] Entendus dans leur sens communautaire, le contrôle de légalité se rapporte au contrôle de notification, et le contrôle de compatibilité au contrôle de fond exercé au regard des normes communautaires.

[14] Notons encore ici l’emploi de l’expression « récupération » qui démontre une nouvelle fois un problème de terminologie. La juridiction nationale n’est pas amenée à ordonner la récupération de l’aide auprès de l’entreprise bénéficiaire. Elle en ordonne la restitution à l’entité donatrice. Pour ordonner la récupération de l’aide, il faudrait qu’elle s’adresse à la personne publique donatrice ou à la personne privée oeuvrant en son nom, s’il en est une. Il faut donc comprendre que le juge national participe de la procédure de récupération par la restitution.

[15] CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich GmbH, aff. C-368/04, Rec., points 41, 56 et 59 : note L. IDOT, « Effet d’une décision de la Commission sur des demandes de remboursement », J.-Cl. Europe, n° 12, décembre 2006, p. 24.

[16] TC, 19 janvier 1998, UFEX, Rec.

[17] Ces circonstances exceptionnelles sont celles qui empêchent totalement de restituer l’aide d’Etat. C’est notamment le cas dans l’affaire Bouygues SA et Bouygues Télécom c/ Commission de 2005 : l’annonce par le ministre des finances d’une avance d’actionnaire octroyée au groupe France Télécom sous la forme d’une ligne de crédit est constitutive d’une aide psychologique non restituable. L’effet est réel mais le calcul impossible. Il y a certes une aide d’Etat non notifiée, mais compatible ou non, elle ne pourra faire l’objet d’une procédure de récupération.

[18] Une communication de la Commission précise « les modalités de transmission électronique des notifications d’aide d’Etat, notamment les adresses, ainsi que toutes dispositions nécessaires pour assurer la protection des données confidentielles », JOUE, 2005/C237/03, p. 3.

Commentaires

jp dit :

les aides au logement social sont dispensées de notification préalable devant la Commission
que doivent faire les organismes qui en bénéficient

Raphaël Chetrit dit :

Monsieur,

Je n’avais pas l’intention de produire une consultation ni d’ailleurs d’y répondre. N’étant pas du tout un spécialiste des aides au logement social, je ne peux pas vous répondre de manière précise.

Il demeure que si ces aides sont – comme vous le dites – dispensées de notification préalable devant la Commission par – je suppose – un régime d’exemption présumé légal – car il faut tout de même partir du postulat que le droit national est conforme au droit communautaire -, le versement de ces aides aux organismes bénéficiaires ne devrait poser aucun problème ni de l’ordre de la notification, ni de l’ordre de la récupération, ce qui, je vous le rappelle, était le sujet de ce billet.

@ Raphaël :

Fais nous signe lorsque la CJCE aura statué sur la question préjudicielle. Le suspens est intenable…

Stéphane LAGET dit :

Cher Monsieur, en référence de la note 5, vous citez:
S. LAGET, « Le contentieux de la récupération des aides devant le juge national », AJDA 2004, p. 298.
Or, l’article que j’avais publié à l’époque est autrement intitulé:
« Les pouvoirs du juge national et les « aides » non notifiées à la Commission », AJDA, n° 6, 2004, pp 298-304.
J’en profite pour vous rappeler les autres notes de ma part en la matière:
« Brèves observations sur la violation de l’article 87 du traité de Rome. Moyen inopérant devant le juge national », AJDA, n° 24, 2003, pp. 1257-1259.
« Taxe d’aide au commerce et à l’artisanat : doute, absence de notification et renvoi, Note sous Cass., com., 16 novembre 2004, S.A. Galeries de Lisieux c/ Société Organic recouvrement, n° 03-12.565, AJDA, n° 13, 4 avril 2005, pp. 727-732
Cordialement
Stéphane LAGET
Docteur en droit
Chargé d’enseignement à l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille et à l’I.U.T. de Montpellier

Courriel: stephane.laget@netcourrier.com

Raphaël Chetrit dit :

Cher Monsieur,

Je vous prie de m’excuser pour cette erreur que je vais rapidement corriger.

Merci pour votre intervention.

Cordialement

Best-of Janvier 2007

La liste de billets « A lire ailleurs » n’en finissait pas de s’allonger…Se posait donc la question de savoir, comme archiver cela? C’est pourquoi désormais, inspiré par Frédéric LN, et une fois par mois probablement, cette liste sera reprise…

bibi dit :

j’aimerais savoir si les criconstances exceptionnelles ne laissent pas place souvent a une certaine violation de la legalité,des abus….

Ju dit :

M. Chetrit,
Je tiens à savoir une chose : si la CJCE déclare elle-même que le juge national peut ordonner la récupération, alors qu’il s’agit vraisemblablement là d’une prérogative de la Commission, la Commission ne s’efface t-elle pas devant le juge national ? Par ailleurs, la Commission, qui déclare la compatibilité ou non d’une aide d’état, n’est-elle alors pas reléguée au second plan par rapport au juge français, qui enjoint la restitution de l’aide à l’entreprise bénéficiaire, et qui ordonne également sa récupération à l’Etat ? Merci de votre réponse, cordialement, Julien.

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